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Dès notre arrivée, la pharmacienne Charis Kamoen se confond en excuse: "Il ne nous reste que quelques bouteilles de notre vin blanc sec, tout le reste est vendu... je dois régulièrement refuser des demandes et le produit de la nouvelle récolte ne sera malheureusement pas disponible avant mai/juin 2023." Ce qui reste de la cuvée 2020 remplit nos verres et nos narines d'arômes délicieusement fruités, et nos papilles non plus ne restent pas indifférentes à cette combinaison à la fois fraîche et complexe de notes sucrées et légèrement acidulées. "C'est assez typique des vins de climats frais. Vous savez peut-être que, avant d'être progressivement abandonnée à partir du 17e siècle, la viticulture était déjà pratiquée dans nos contrées depuis l'époque romaine. L'évolution du climat vers des hivers plus rigoureux, le manteau de grisaille qui a enveloppé la planète après l'éruption volcanique de 1815 et le phylloxera lui ont donné le coup de grâce, même si c'est traditionnellement à Napoléon qu'on attribue la destruction des derniers vignobles du Plat Pays", précise-t-elle. Il y quelques décennies encore, l'idée de produire du vin sous nos latitudes était largement considérée comme une douce utopie... mais en cette année 2022, on constate que l'association des viticulteurs de Belgique prend de plus en plus d'envergure et que des flacons de qualité produits un peu partout sur le territoire décrochent régulièrement la timbale dans les concours. Depuis 2015, la pharmacienne Charis Kamoen et le neurochirurgien Paul Depauw apportent leur pierre à cette histoire en exploitant le domaine vinicole le plus septentrional de notre petit pays. "Nous nous sommes lancés dans l'aventure en 2015 avec un premier vignoble de 450 ceps, principalement du muscaris. Nous avons sciemment opté pour des variétés résistantes aux maladies fongiques, comme le muscaris ou le johanniter et le solaris que nous avons plantés dans notre second vignoble, aménagé dans notre propre jardin. Après avoir commencé par des vins de dessert, nous avons élargi notre gamme avec un blanc sec et nous avons l'intention, à plus long terme, de nous lancer dans les mousseux." Installées en rang d'oignon, les nouvelles vignes ne commenceront à produire qu'à l'automne 2023. "Pour l'heure, il faut surtout tailler et palisser. Nous avons d'emblée fait le choix d'un produit le plus naturel possible, avec un minimum de substances chimiques. Les haies qui entourent le vignoble et même les arbres voisins contribuent à une production aussi biologique que possible. Cette année, nous avons accueilli une foule de coccinelles - un excellent remède naturel contre les pucerons." "Nos enfants s'étonnent parfois de me voir encore occupée, mais il y a toujours du travail dans un vignoble... et pour tout dire, c'est aussi une activité qui m'apaise, l'idéal pour ralentir le rythme après une rude journée. En plus, c'est devenu un beau projet familial. À 80 ans passés, mon papa a participé avec enthousiasme à nos premières vendanges et les enfants en retirent des leçons précieuses. Il faut apprendre à décider rapidement ("je taille ici, ou plutôt là?") et, surtout, oser se lancer. Si on se trompe et qu'il n'y a pas de raisins, tant pis! C'est la preuve que chaque geste compte, tout au long du processus, et on aura au moins appris quelque chose." Pour les propriétaires du domaine vinicole d'Hoogstraten ("un nom un rien plus connu que Minderhout d'un point de vue commercial"), la qualité prime toujours sur la quantité, souligne Charis Kamoen. "Fondamentalement, cela reste un hobby qui a pris de l'envergure. Il faut cinq à six hectares pour espérer être rentable. Nous avons planté ces vignes supplémentaires pour pouvoir répondre à la demande, mais nous ne voulons pas non plus juste commercialiser un produit: nous tenons à proposer des vins dont nous sommes fiers. Comme le dit si bien mon époux, rester petits, c'est tout un art." Comme tout le reste du processus de production, les vendanges se font à la main et de préférence le plus tard possible. "En principe, nous récoltons nos raisins fin septembre voire un peu plus tard... et attention, même si l'été 2022 a été très chaud, ce dernier mois reste déterminant pour le goût du produit fini." Lorsque débute la production proprement dite, son bagage de pharmacienne s'avère un atout précieux. "Dans mon métier, nous ne sommes évidemment que trop conscients que chaque manipulation est une source de contamination potentielle. Chaque étape doit être effectuée avec la plus grande précision, du pressurage tout en douceur au transfert du jus vers les cuves en inox, même si un bon raisin reste évidemment la base de tout." Quant au produit fini, ce vin issu du domaine le plus septentrional de Belgique, c'est vraiment une belle découverte! "Autrefois, on buvait volontiers des vins sucrés avec les fraises, le produit d'exportation d'Hoogstraten par excellence, mais ils se marient aussi très bien avec du fromage ou avec un poisson frit croustillant. Notre vin blanc sec, lui, est délicieux avec les asperges." Nous avons déjà hâte de sabrer les futurs mousseux de la Cuvée Hoogstraten !