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" La pharmacovigilance a commencé après le drame de la thalidomide à la fin des années 1950, a rappelé Jamila Hamdani (cellule Pharmacovigilance de l'AFMPS) dans son exposé sur la notification d'effets indésirables des médicaments, donné lors du symposium du CBIP qui s'est tenu le 18 octobre à Bruxelles. Après, il y a eu une conscientisation internationale sur l'importance du suivi des médicaments mis sur le marché et l'OMS a instauré des centres de pharmacovigilance dans différents pays. Aujourd'hui, 152 pays adhèrent à ce programme". Cette collaboration internationale permet un enrichissement d'une base de données de pharmacovigilance gérée par l'OMS, VigiBase, qui est liée à celle tenue par l'agence européenne du médicament (EMA). Qu'est-ce qu'un effet indésirable? C'est une réaction nocive et non voulue à un médicament. "La pharmacovigilance vise à améliorer la connaissance de la sécurité des médicaments, souligne-t-elle. Pourquoi? Parce que les études cliniques ont des limites étant donné qu'elles sont pensées pour montrer l'efficacité des médicaments et ensuite, bien entendu, on récolte des infos sur leur sécurité. Mais elles ont une durée limitée, une population très contrôlée... qui font que la vie réelle du médicament ne va pas être observée dans ces études". En effet, les effets indésirables qui apparaissent après AMM sont rares ; retardés ; surviennent après exposition chronique ; après exposition pendant la grossesse ; sont dus à des interactions ; apparaissant dans des populations particulières (enfants, personnes âgées ou souffrant de comorbidités) ; sont dus à des erreurs de médication ou à des abus ; ou font suite à une utilisation off-label. "Les notifications sont spontanées, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'obligation à notifier. C'est pour ça qu'on sensibilise à la pharmacovigilance, pour que cela devienne un réflexe en pratique clinique: quand vous voyez un patient, il faut se poser la question de savoir s'il pourrait s'agir d'un effet indésirable et notifier", insiste-t-elle en ajoutant qu'on signale des effets suspectés: "Vous ne devez pas établir le lien de causalité". Les experts en pharmacovigilance s'en chargent. On notifie sur formulaire papier (www.afmps.be) ou sur le site www.notifieruneffetindesirable.be (et via le site du CBIP). Lorsque les notifications arrivent à l'AFMPS, elles sont évaluées et puis envoyées vers les bases de données de pharmacovigilance de l'OMS et de l'EMA. Tout le monde y a accès (www.adreports.eu et www.vigiaccess.org). Jusqu'en 2020, l'AFMPS recevait moins de 1000 notifications/an (en 2020, 389 par de professionnels de santé et 534 par des patients). "Le volume global a augmenté grâce aux nombreuses actions de sensibilisation initiées depuis 2012, mais cela reste insuffisant. Depuis 10 ans, suite à la nouvelle législation européenne sur la pharmacovigilance de juillet 2012, les patients peuvent aussi rapporter des effets indésirables. Si on a constaté une forte augmentation des notifications par les patients, en parallèle, celles faites par les professionnels de santé ont diminué". Cette année, le processus de notification a été simplifié et leur nombre a augmenté. "Malheureusement, l'effort ou le réflexe 'pharmacovigilance' n'est pas encore suffisant: globalement, on estime que seulement 1 à 5% des effets indésirables sont notifiés à un centre de pharmacovigilance. Ce qui laisse imaginer le travail qu'il reste à faire...", estime Jamila Hamdani. Pandémie oblige, la pharmacovigilance a reçu un gros coup d'accélérateur grâce à l'arrivée des vaccins contre le Covid-19. "En 2021, on a ainsi comptabilisé 11.500 notifications par les professionnels de santé et plus de 25.000 par les patients (plus de 95% concernaient la vaccination Covid-19). Cette vaccination a l'intérêt d'avoir fait parler de la sécurité des médicaments et d'avoir fait connaître davantage la pharmacovigilance auprès du public et des professionnels de santé", reconnaît-elle. Qu'est-ce qu'un signal en pharmacovigilance? "C'est une information nouvelle ou un nouvel aspect d'une information connue. A ce stade, il n'y a pas encore de lien de causalité qui a été établi. Il faut une action de vérification pour déterminer qu'il s'agit bien d'un effet indésirable (EI) d'un médicament ou d'un nouvel aspect d'un EI avéré. Un signal est plus qu'une association statistique dans une base de données, fait-elle observer: en pharmacovigilance, on regarde l'ensemble des sources disponibles, on les analyse et puis on établit un lien de causalité avec le médicament. Cette évaluation est toujours européenne pour avoir des décisions harmonisées au niveau européen". "Après analyse, c'est nous qui donnons un code de causalité, c'est notre job, pas le vôtre, affirme la spécialiste. C'est pour ça que cela ne doit vraiment pas être un frein pour notifier: vous devez avoir une suspicion, vous dire que c'est peut-être le médicament qui a causé ce que vous observez chez votre patient. A partir de là, nous générons des signaux de pharmacovigilance qui seront revus au niveau européen". Avant, les notificateurs recevaient un feed-back personnalisé. Aujourd'hui, vu la quantité d'effets notifiés, cela ne se fait plus. Ceux qui désirent un rapport d'évaluation d'un cas qu'ils ont signalé, doivent en faire la demande. "Vos notifications ne sont pas isolées, elles vont toujours se retrouver dans ces banques de données internationales de pharmacovigilance, il s'agit d'une surveillance collective des médicaments. Nous faisons de notre mieux pour communiquer sur les EI des médicaments pour en minimiser leur survenue mais, pour prendre des mesures, il faut avoir des signaux!", conclut Jamila Hamdani.