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Le Pharmacien: Le métier de pharmacien est-il le même qu'autrefois? Nicolas Echement: Juché en hauteur sur son estrade et réfugié derrière de hautes vitrines, le pharmacien d'autrefois était un préparateur respectable, placé à distance de ses patients. L'essor de l'industrie pharmaceutique et les progrès scientifiques l'ont ensuite amené à se profiler davantage comme le spécialiste de la délivrance des médicaments et à embrasser son métier sous un angle plus entrepreneurial (gestion de stocks, du personnel, investissements financiers, rentabilité, etc.). Aujourd'hui, il est attendu en première ligne en tant que professionnel de la santé, au milieu d'une équipe pluridisciplinaire organisée autour du patient, que ce soit en ambulatoire ou en relais du milieu hospitalier. Son rôle consiste, de plus en plus, à répondre aux problèmes et aux interrogations du patient en binôme avec le médecin généraliste dans le cadre d'une relation de compétence et de confiance. Il se profile davantage comme un conseiller de première ligne, un coach santé, tant en prévention qu'en accompagnement des traitements du patient. Depuis longtemps, les hauts comptoirs ont laissé la place à des tables de discussion ouvertes et munies d'écrans pour faciliter les échanges et l'information des patients. La digitalisation permet aussi de prolonger le contact jusque chez le patient. Ce qui était encore inimaginable il y a dix ans. Enfin, depuis la pandémie de covid-19, son rôle s'est également mué en prestataire de services et de soins (vaccination en officine, sevrage des benzodiazépines, BUM BPCO et asthme, etc.). Ce qui modifie profondément son métier et nécessite des adaptations, notamment sur le plan du système de rémunération du pharmacien d'officine. Quel avenir pour le pharmacien? Jusqu'il y a peu, c'est comme si on avait oublié que le pharmacien est un scientifique et un universitaire. On ne le dit pas assez souvent! De par sa formation, il est clair qu'il peut jouer un rôle transmural plus large à la sortie des patients de l'hôpital par exemple, dans le transfert des informations et l'accompagnement du traitement en relais du médecin prescripteur. La collaboration plus étroite avec les pharmaciens d'hôpitaux pourrait permettre de sécuriser les informations et d'éviter bien des écueils aux patients (double prescription, interactions médicamenteuses ... ). Mais il faut travailler activement sur l'interopérabilité des logiciels pour optimiser le transfert des informations et le partage des données. Attirer les jeunes passe par ... C'est en valorisant les études universitaires et les compétences scientifiques acquises au fil du temps qu'on peut espérer rendre le métier plus attractif pour les jeunes. On ne dit pas assez à quel point, par exemple, la magistrale est encore importante pour répondre à des besoins personnalisés (maladies orphelines, etc.). Il faut aussi oeuvrer pour gommer cette image du pharmacien commerçant situé à côté des autres magasins dans la rue. Il faut insister sur le caractère essentiel de sa proximité pour assurer une accessibilité et une disponibilité pour tous. Le pharmacien est, en effet, le seul acteur de santé de proximité. On peut le rencontrer sans prendre rendez-vous, c'est un acteur au service de la population. Cet aspect du métier peut certainement répondre aux besoins d'engagement et de sens souvent présents chez les jeunes d'aujourd'hui. Ils n'imaginent sans doute pas à quel point chaque journée est différente à l'officine et comment chaque expérience contribue à l'apprentissage du métier. Il faut le vivre pour le comprendre. Et c'est la raison pour laquelle les périodes de stage sont capitales pour les jeunes. Les maîtres de stage ont donc un rôle clé à jouer à ce niveau en insistant sur l'étendue des facettes du métier: scientifiques, pratiques, humaines, sociales, digitales, technologiques, entrepreneuriales, etc. L'image du pharmacien doit-elle évoluer? Tout comme un médecin ne doit pas être vu comme un spécialiste des maladies, mais un spécialiste de l'être humain parce qu'on attend de lui qu'il réponde à un mal-être, un problème ponctuel ou chronique, il est temps de voir le pharmacien comme un humain au service des autres humains, qui par ses compétences et son savoir essaie de guider et d'accompagner vers un solution satisfaisante. Cependant, le pharmacien est souvent un acteur public de nature réservée. Il parle rarement de lui et de son métier ... il n'est que peu médiatisé. Il n'est donc pas étonnant qu'on ne connaisse pas vraiment son métier. Les pharmaciens sont encore peu nombreux sur les réseaux sociaux, c'est dommage! L'image du pharmacien d'officine n'est pas celle qui lui correspond aujourd'hui. Il est temps de changer cela si on veut attirer les jeunes vers le métier, en martelant ce qui unit la plupart des pharmaciens d'officine, cette envie d'être proche des gens, d'être utile à la société, de collaborer avec d'autres professionnels de santé, de prendre part aux soins de santé et de faire évoluer la société. Pharmacien: un métier d'avenir? Assurément! 500.000 personnes franchissent le seuil des officines chaque jour en Belgique. C'est énorme. Elles viennent chercher des réponses, des solutions, de l'aide, une écoute et 80% des gens sont fidèles à leur pharmacie. L'avenir passera sans doute par une personnalisation plus importante de chaque officine. Et on ne peut que l'encourager pour permettre aux pharmaciens de s'épanouir dans leur projet d'entreprise de proximité, en affirmant leur identité propre, pour répondre aux patients qui choisiront de lui faire confiance. L'intelligence artificielle s'inscrira aussi rapidement dans l'évolution, ce qui est enthousiasmant pour un métier d'avenir. Enfin, je reste persuadé qu'il y a une place à prendre pour améliorer l'éducation de la population, la sensibilisation à la prévention (primaire et secondaire), la détection précoce des problèmes de santé, la qualité de vie, etc. Et qui mieux qu'un acteur de proximité, comme le pharmacien, pour remplir ces rôles?