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Qu'est-ce qui peut pousser un pharmacien indépendant, propriétaire de quatre pharmacies, à transformer l'une de ses " petites " surfaces en une mégapharmacie de 300m2 ? Un tempérament d'entrepreneur, assurément, mais aussi l'envie de répondre aux multiples défis lancés par la concurrence, quelle soit réelle ou virtuelle. Cette façon de voir son métier de professionnel de la santé sous un angle plus économique travaille Pierre Dejardin depuis toujours. En effet, après avoir obtenu son diplôme de pharmacien à l'UCL en 2001, il a tout de suite complété sa formation par une année de gestion des petites et moyennes entreprises à l'IAG (Institut d'administration et de gestion).C'est à Beauraing, en province de Namur, que cette petite révolution vient d'avoir lieu où, en migrant du centre-ville vers le zoning distant de 1 km, Pierre Dejardin a fait rentrer son officine dans le 21e siècle. La construction d'un nouveau bâtiment a en effet permis de repenser totalement l'équipement et la façon de travailler du personnel (3 pharmaciens et 3 assistants).En passant la porte d'entrée, les pas sont dirigés vers un grand espace de produits de parapharmacie en libre service, qui mène vers le coin de phyto/aromathérapie et les quatre comptoirs. Derrière, un robot à deux bras distribue les médicaments demandés : " Il améliore la qualité du service. Les ordonnances et autres demandes sont traitées auto matiquement, permettant de consacrer plus de temps au conseil et à la relation de proximité avec les patients ", se réjouit-il.Et tout a été prévu pour les évolutions éventuelles : ainsi, un tube de transport pneumatique est déjà installé au plafond des pièces arrières. L'objectif étant de raccorder le robot au distributeur automatique extérieur autorisant la délivrance 24/24, 7/7. " Pour l'instant, ce dernier ne distribue que de la parapharmacie, mais le jour où la législation le permettra, les médicaments sur ordonnance pourront aussi être directement conduits vers ce distributeur ".Revenons dans l'espace public de la pharmacie : au bout de la ligne des comptoirs, un coin plus intime, muni de chaises, permet de s'installer pour réaliser un schéma de médication ou un BUM, par exemple. A côté, une pièce fermée offre un véritable lieu de confidentialité prêt à accueillir tous les actes qui exigent plus d'intimité.À l'opposé de cette ligne, place au coin " cosméto " où deux appareils permettent des diagnostics de peau. Le premier est couplé à un appareil de création d'une crème " minute " personnalisée en fonction du diagnostic (degré d'hydratation et de vieillissement de la peau) établi par une machine Ioma. Une autre, de marque Callegari, fait ce même type de mesures sur la peau et aussi sur l'état capillaire (pellicules...) et donne un diagnostic pour conseiller au mieux le patient. " Ce type de service nous permet de nous démarquer par rapport à des structures comme Medimarket ", précise-t-il.Enfin, un autre appareil Callegari permettra de faire des analyses de sang (glucose, cholestérol...) pour renvoyer vers le médecin le cas échéant. " On réalise ce dernier test à la demande ou on le propose aux patients qui prennent des levures de riz rouge ou qui commencent à prendre des compléments alimentaires pour maintenir une glycémie normale. Pour l'instant, ce test est gratuit mais, si on a trop de demandes, il faudra trouver une rentabilité ", concède le pharmacien.Derrière l'espace clientèle, mais ouverte aux yeux de tous dans un souci de transparence, on trouve la salle des préparations magistrales et officinales et un second robot qui sert à la préparation des médications individuelles pour les patients de 4 maisons de repos de la région. " Mon souci, révèle-t-il, c'était que les patients se rendent compte que ce qu'on fait ce n'est pas de la magie, que derrière, il y a des opérateurs, des assistantes qui travaillent... "" Ce qui est gai c'est d'entreprendre et de parvenir à faire évoluer son outil. Cette nouvelle pharmacie c'est l'aboutissement de tout ce à quoi j'aspirais il y a près de 20 ans ", confie celui qui mûrit son projet depuis cinq ans : " 25 m2 en surface clientèle, ce n'est pas suffisant à l'heure actuelle, il faut de l'exposition (comme des gammes bio que nous n'avions pas...). Ici, la mise en avant est plus aérée et plus commode pour le patient et, pour nous, il y a plus de confort, plus de technologie. Par ailleurs, nous étions en centre-ville, sans parking, ce qui était problématique. C'est tout ça qui m'a poussé à investir et à prendre un risque. J'aurais pu rester où j'étais, mais avoir un projet comme celui-ci est tellement plus 'boostant !' "." Pour l'instant, je suis très content de l'évolution ", ajoute Pierre Dejardin qui compte rentabiliser ses investissements en 5 ans, sans l'aide d'un associé : " Je suis seul maître à bord : si je me plante, ce sera uniquement de ma faute, si ça marche, ce sera grâce à la mise en pratique de mes idées et à l'équipe qui m'entoure ".Toutes ces considérations commerciales n'occultent pas la place accordée au patient, rassure le propriétaire du Réseau Dejardin (Beauraing, Yvoir, Anseremme et Carlsbourg) : " En tant que pharmacien, nous prenons notre rôle de conseiller très à coeur. Une fonction comme le pharmacien de référence prend du temps mais, en mettant toutes ces choses en place, on pourra par exemple cibler les patients candidats pour une analyse de sang... Il faut donc pouvoir rentabiliser ce temps-là. Pour moi, c'est le problème des petites pharmacies qui, à un moment donné, vont être confrontées à un manque de place et à un problème de rentabilité. Où va-t-on sur le plan politique ? On garde des petites officines en leur donnant les moyens de survivre ou on veut des grosses structures ? "Ouverte depuis le 2 septembre, la nouvelle pharmacie prend encore ses marques mais le pharmacien entrepreneur a déjà d'autres idées en tête, telles que l'installation d'un laboratoire d'homéopathie ou l'ouverture de son site internet à la vente en ligne. " Il faut vraiment parvenir à sortir du lot sinon, tôt ou tard, le marché va commencer à saturer. Il ne sert à rien de pleurer après Medimarket, à un moment donné, il faut passer devant eux, il faut apporter de la plus value ".