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Dirk Buyens est professeur en ressources humaines, directeur de l'HR Centre et responsable de l'Open Executive Education Programme à la Vlerick Business School. Lors d'un récent webinaire organisé par le cercle des pharmaciens du Limbourg (KLAV), il s'est arrêté sur les moyens d'attirer et de motiver de nouveaux talents dans un environnement professionnel qui compte rarement plus de cinq personnes, soulignant d'emblée que rien ne sert de vouloir se profiler comme une grande entreprise lorsqu'on travaille avec une équipe si limitée. "Mieux vaut au contraire mettre en avant les atouts spécifiques d'une petite structure", résume l'expert. Le secteur est actuellement confronté à une véritable chasse aux talents. "Les pharmaciens sont aussi très courtisés par les grandes entreprises, en particulier celles du secteur du médicament... et en tant que gestionnaire d'une officine, vous aurez souvent du mal à proposer aux candidats des conditions de travail aussi attrayantes. Il est donc important de ne pas vouloir vous profiler comme un grand acteur mais au contraire comme une petite structure qui présente d'autres avantages, car ces atouts peuvent bel et bien faire la différence. Dans une petite équipe, les contacts sont forcément plus personnels, un employé n'est pas un simple numéro et il est généralement possible de travailler près de chez soi." Cela signifie aussi que, si votre officine se trouve en région liégeoise, il ne faut pas aller chercher votre nouvelle recrue à Mons. "Avec les navettes quotidiennes, il ou elle ne tiendra pas deux ans. Les gens accepteront souvent de faire des kilomètres pour aller travailler dans une grande entreprise, mais pas forcément pour tenir une pharmacie de quartier. En tant que gestionnaire d'officine, il est important d'intégrer ce pragmatisme. Travailler pour une grande structure a ses avantages, mais c'est aussi très anonyme. On parle aujourd'hui beaucoup de trouver du sens dans son travail, et c'est là qu'une officine peut vraiment se distinguer de big pharma." Une fois trouvée la perle rare, encore faut-il, ensuite, continuer à motiver ses troupes. "Un gestionnaire d'officine travaille sur le terrain avec son équipe et en est donc très proche, puisqu'il passe littéralement ses journées entre ses employés. Il entend donc aussi la plupart de leurs échanges avec les clients/patients, ce qui peut parfois être une source d'irritation lorsqu'il estime qu'ils auraient mieux fait de se taire." Dans l'autre sens, l'équipe a aussi l'occasion de voir le "patron" interagir avec les clients. En ce sens, celui-ci endosse un rôle complètement différent de celui d'un gestionnaire classique, qui se borne généralement à orchestrer les tâches qui seront effectuées par ses collaborateurs. "Le caractère formel ou informel de vos rapports avec ceux qui travaillent pour vous a également toute son importance, car vous êtes à la fois le chef de l'équipe et l'un de ses membres. L'une des règles d'or du management est que le patron est au-dessus de l'équipe et n'en fait donc pas vraiment partie, et c'est vrai même dans les organisations très horizontales. Ne soyez donc pas fâché ou déçu si certains sujets ne sont abordés qu'en votre absence ou si vos collaborateurs ne vous invitent pas systématiquement quand ils vont prendre un verre après le boulot." Un élément important pour fidéliser ses salariés est de s'intéresser au développement des travailleurs plutôt qu'à celui de l'organisation, poursuit Dirk Buyens. "Fondamentalement, l'avenir de votre pharmacie ne préoccupe sans doute que vous. Vous devrez donc veiller à ce que ces deux aspects - la croissance de l'individu et celle de l'officine - soient alignés, en investissant dans le développement personnel de vos collaborateurs." Le webinaire a également été l'occasion d'aborder la problématique des discussions difficiles. "Supposons par exemple que quelqu'un vienne vous demander une augmentation parce qu'on lui a proposé un poste mieux payé ailleurs ou que vous deviez remonter les bretelles à un salarié négligent ou trop souvent absent. Comment gérer au mieux ces situations? Quand on passe tant de temps ensemble entre quatre murs, c'est parfois loin d'être évident", souligne Dirk Buyens. Sans se lancer dans de grandes théories sur les ressources humaines, il explique qu'il utilise par exemple un modèle simple pour permettre à chacun de visualiser son potentiel de croissance et sa plus-value actuelle. La transparence dans les interactions avec les clients et avec les collaborateurs est l'une des caractéristiques du fonctionnement de l'officine. "Nous pouvons illustrer cet aspect par quelques exemples d'incidents concrets, en nous demandant comment y réagir. Imaginez par exemple que l'un de vos collaborateurs donne des conseils inadaptés à un client. Il y a plusieurs degrés de réponse. Comment gérer cette situation? Comment y réagir? Et quand?" Dès qu'il a poussé la porte de l'officine, le patient voit souvent le pharmacien un peu comme un médecin. "Pour lui, tout ce que votre collaborateur en blouse blanche lui raconte est forcément vrai. Idéalement, mieux vaut donc que les employés d'une officine ne se trompent pas trop souvent... même si, évidement, l'erreur est humaine. On en fait dans n'importe quel métier!"