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Spécialiste des aspects cliniques de la phytothérapie et de l'aromathérapie, la Grenobloise Florence Souard a intégré en novembre dernier la Faculté de Pharmacie de l'ULB1. " J'ai passé deux ans (2015-2017) à Bruxelles pour faire de la recherche dans le département du Pr Caroline Stévigny. A Grenoble, dans le cadre de mes activités de recherche, j'ai créé une base de données : HEDRINE, Herb Drug Interaction Database, qui répertorie la littérature sur les interactions plantes-médicaments. Elle est disponible sur le net pour les professionnels de la santé (après avoir demandé un mot de passe) ". Ces deux expériences l'ont conduite à occuper ce nouveau poste à l'ULB. A côté de ses activités d'enseignement de la phytothérapie et de l'aromathérapie en Master 2, et le développement de formations en e-learning portant sur la pharmacie clinique et la phytothérapie pour l'année prochaine, le projet de recherche de Florence Souard est axé sur trois points : " Dans un premier temps, on va se focaliser sur les plantes utilisées en Belgique. On projette de réaliser des entretiens auprès de patients sous chimiothérapie orale dans un premier temps (en collaboration avec le Pr Carine De Vriese) pour connaître leur consommation, parce qu'il y a de grandes spécificités en Europe selon l'endroit où l'on se trouve. Dans la région de Grenoble, par exemple, les gens vont souvent chercher des plantes dans la montagne ". Deuxième volet des recherches : que se passe-t-il lors de la digestion d'un complément alimentaire à base de plante ? Quelles molécules naturelles contenues dans ce produit se retrouvent dans le sang circulant et quelles activités exercent-elles ? " La littérature associe une activité à une plante, mais selon des tests faits avant digestion. Or nombre d'études ont montré l'influence de la qualité du microbiote sur l'assimilation ", fait-elle observer . Enfin, le 3e point vise le développement d'une base de données sur le modèle d'HEDRINE grâce à l'intelligence artificielle qui permettra une mise à jour continue, selon la littérature scientifique. Florence Souard se dit très motivée par les aspects de recherche qui devraient permettre une meilleure prise en charge des patients, et particulièrement de ceux sous chimiothérapie anticancéreuse qui ont une plus grande propension à chercher des thérapies complémentaires. " Si les études épidémiologiques montrent que quand on est actif dans son traitement, on a plus de chance et un meilleur moral, il ne faut pas qu'il y ait perte de chance. Or, les plantes peuvent potentiellement entraîner des interactions avec les médicaments, surtout ceux à marge thérapeutique étroite ". " La phytothérapie, ce n'est pas de l'Evidence Based Medicine parce qu'il n'y a que peu d'études, cela coûte trop cher..., ajoute-t-elle. On fonctionne donc beaucoup par empirisme, ce qui est dangereux, beaucoup d'ouvrages faits par des professionnels de santé sont de niveau très inégal. C'est une vraie chasse au trésor pour trouver la bonne information ! Cela demande pas mal de conseils et beaucoup de précaution ". En 2012, Florence Souard a participé à une enquête qui a montré que l'information donnée par les pharmaciens est très 'pharmacie dépendante' : " Il est difficile d'avoir un discours homogène pour se former et homogénéiser les pratiques, et je ne sais pas non plus si c'est souhaitable ". La phytothérapie est donc une question de pratique. " Peu de choses sont validées : en intercure, on peut par exemple proposer des plantes qui fonctionnent en topique contre les radiodermites et pour lesquelles on a des données ". L'objectif de la spécialiste est de regarder les pratiques cliniques autour du cancer et des maladies chroniques en général : " Que se passe-t-il avec telle molécule de chimiothérapie, avec telle plante ? Risque-t-on de perdre une partie de l'efficacité de la molécule ? On travaille aussi avec des oncologues pour savoir de quelles plantes ils entendent parler dans leur pratique ". " Un des derniers travaux auquel j'ai participé en France, continue-t-elle, c'était une enquête grand public pour connaître les pratiques d'aromathérapie des parents d'enfants souffrant de mucoviscidose. On s'est rendu compte qu'il y avait des usages qu'on ne soupçonnait pas où les patients rapportent qu'ils arrivent à augmenter les espaces intercures en utilisant des huiles essentielles. Ce n'est que du ressenti de patients, ce n'est pas scientifique et ce n'est pas quelque chose que nous recommandons mais, comme on voit que cela existe, on regarde ce qui se fait. Cela nous sert d'appui pour développer des activités de recherche. Ainsi, Marion Vivant et Delphine Freynet (Université Grenoble Alpes) viennent de soutenir leur thèse d'exercice sur ce sujet en février dernier2 ". La question du changement climatique, étudiée en métabolomique, fait également partie des centres d'intérêt de Florence Souard : " On a une étude en cours sur le caféier, parce que le réchauffement climatique menace certaines espèces. Il y a 120 espèces de caféiers dont deux consommées de manière courante, l'arabica ( Coffea arabica) et le robusta ( Coffea canephora). On est en train de voir s'il existe d'autres plantes à valoriser pour la production des grains de café. L'écologie chimique étudie l'influence du climat ou d'un environnement, d'un sol ou d'un ensoleillement, et les conséquences sur les molécules présentes dans une plante ". On reproche souvent aux cursus universitaires de ne pas assez former les étudiants à la phytothérapie, ce genre d'initiative entend répondre à l'engouement croissant du public pour ce type de thérapie complémentaire.