...

La contamination des eaux douces et des milieux marins par diverses substances, y compris des produits pharmaceutiques, n'est pas sans inquiéter la communauté scientifique, les gouvernements, l'Union européenne et les organisations internationales. Depuis 2013, l'UE dispose ainsi d'une stratégie sur les produits pharmaceutiques dans l'environnement. Néanmoins, minimiser l'impact des résidus dans le milieu naturel est l'affaire de tous. Prenons le cas du diclofénac (DCF) dont on a détecté la présence dans les eaux usées, les lacs, les rivières et les eaux côtières. "Des traitements spécifiques, par exemple avec de l'ozone ou du H2O2, sont nécessaires pour éliminer efficacement le DCF dans les stations d'épuration, mais c'est une procédure coûteuse. Sa toxicité pour les organismes à des concentrations inférieures à 1mg/l ayant été documentée, il est considéré comme un médicament ayant un impact environnemental potentiel et se retrouve sur la liste de surveillance des polluants émergents de l'UE", précise une équipe germano-suisse qui s'est penchée sur la question. Quand le diclofénac est administré par voie orale, environ 2/3 sont excrétés dans les urines et 1/3 dans les fèces. Son absorption sous forme de gel topique tourne autour des 10%, une grande partie restant sur les mains. Les résidus de ce principe actif atterrissent dans les eaux usées, principalement par le biais d'un lavage direct de la peau ou par le lavage des vêtements exposés au médicament. Dès lors, ces chercheurs ont mesuré la quantité de diclofénac présente dans l'eau de rinçage des mains après l'application d'un gel topique antidouleur contenant 23,2 mg/g de diclofénac diéthylamine. Ils ont comparé deux techniques de lavage des mains, avec et sans essuyage préalable de celles-ci avec du papier avant d'être passées sous l'eau. Résultat? Se laver les mains après les avoir essuyées avec une serviette en papier entraîne une réduction de 66% du diclofénac rejeté dans les eaux usées. "Cette étude montre pour la première fois que s'essuyer les mains avant de les laver a un impact significatif sur la libération du diclofénac non absorbé après application topique", concluent les auteurs qui ont ainsi démontré qu'on peut proposer des moyens simples pour contrôler et réduire de manière significative la contamination du milieu naturel par des principes actifs et ceci, sans affecter le bénéfice clinique pour le patient ni sa qualité de vie. La méthode ici décrite, un simple essuyage des mains avec une serviette en papier, pourrait ainsi faire partie des mesures utiles visant à minimiser les résidus pharmaceutiques de divers médicaments. Cette précaution pourrait faire partie d'une batterie de mesures prises en amont et en aval de l'utilisateur. Pour les auteurs, d'autres recherches et modélisations sont nécessaires pour estimer la quantité de diclofénac et d'autres composants topiques, comme par exemple les filtres solaires, qui ne contamine pas les eaux usées si les utilisateurs de gels ou de crèmes respectent cette précaution élémentaire. Nous sommes donc tous concernés et l'équipe de la pharmacie devrait attirer l'attention sur ce point lors de la délivrance de ce type de produit. "En règle générale, on conseille aux patients de se laver les mains après avoir appliqué une pommade ou un gel contenant un principe actif. Cependant, dans un objectif environnemental, il est préférable -et très facile à mettre en oeuvre- de s'essuyer soigneusement les mains avec une serviette en papier, jetée à la poubelle (et pas dans les toilettes, bien sûr) et puis, de les laver. Le patient peut également utiliser un applicateur ou un gant à usage unique (jeté avec les ordures ménagères)". Cette mesure, pour efficace qu'elle soit, en exige d'autres. Deuxième règle: utiliser le gel de diclofénac avec parcimonie et précaution, conformément à la notice, c'est-à-dire ni en trop grande quantité, ni sur une trop grande surface, et pas non plus à titre préventif pour éviter les douleurs dans la pratique sportive. Troisième: veiller à laisser agir les gels et pommades suffisamment longtemps avant de prendre une douche ou un bain, afin que le principe actif ne soit pas rincé. Dans la mesure du possible, le médicament devrait également être absorbé avant d'enfiler un vêtement, sous peine de voir le principe actif finir dans les eaux de lavage. Sans oublier de jeter les médicaments non utilisés ou périmés au bon endroit ou de les rapporter en pharmacie. Selon les estimations, 8% à 10% des substances pharmaceutiques présentes dans l'environnement proviennent de médicaments mal éliminés (jetés dans les toilettes, déversés dans les égouts ou jetés dans les ordures ménagères par les patients, voire par les institutions médicales). Par conséquent, l'éducation des citoyens peut conduire à un changement de comportement susceptible de faire évoluer considérablement la situation.