A l'Académie royale de médecine de Belgique (ARMB), la séance du président Jacques Crommen s'est tenue virtuellement le 28 novembre dernier. Pour la première fois, elle était organisée en collaboration avec l'Académie française de pharmacie. L'occasion de revenir sur l'expérience réussie de vaccination par le pharmacien en France.
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"Il s'agit plutôt de la séance 'des présidents' puisqu'elle est co-présidée par Patrick Couvreur de l'Académie nationale de pharmacie en France, a souligné le Pr Crommen. L'idée d'un rapprochement entre nos deux académies s'est concrétisée en novembre 2019 à la suite d'une réunion de la Fédération européenne des académies de médecine. L'objectif est de promouvoir les échanges sur les sujets qui intéressent à la fois les médecins et les pharmaciens, ce qui pourrait amener à la rédaction d'avis communs. Le caractère supranational de ces avis pourrait en augmenter l'impact auprès de nos autorités respectives". En 2017, l'ARMB a remis un avis commun avec la Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België (KAGB) sur le rôle du pharmacien dans les soins de santé, soulignant l'importance de continuer à développer les soins pharmaceutiques en vue d'une utilisation adéquate des médicaments. En septembre 2019, les deux académies ont émis un nouvel avis relatif à l'autorisation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens d'officine, estimant qu'il existe suffisamment de preuves dans d'autres pays pour affirmer qu'il s'agit là d'une plus-value en matière de santé publique. "À la suite de cet avis, un groupe de travail composé de pharmaciens et de médecins a été constitué à la demande de la ministre fédérale de la Santé publique, afin d'étudier la possibilité d'une part, de revaloriser et repositionner l'acte pharmaceutique dans la législation et, d'autre part, de déléguer l'administration de vaccins au pharmacien dans le cadre des soins de santé de première ligne. Malheureusement, en raison de la crise sanitaire et du changement de gouvernement fédéral, ce groupe de travail ne s'est pas encore réuni", regrette le Pr Crommen. La France a franchi le pas en 2019 en décidant de généraliser à l'ensemble du territoire l'expérience de vaccination contre la grippe par les pharmaciens d'officine menée depuis deux ans dans 4 régions. Qu'est-ce qui a motivé cette décision? "Les taux de vaccination étaient insuffisants: environ 50% chez les personnes à risque, bien loin des 75% préconisés par l'OMS. L'Académie nationale de pharmacie s'est mobilisée de longue date en faveur de la vaccination par les pharmaciens (dès 2011). Elle s'est également appuyée sur les modèles étrangers qui ont été des éléments déterminants dans la mise en place de la vaccination antigrippale en France", précise Fabienne Blanchet, membre de l'Académie. De son côté, l'Ordre des pharmaciens a relayé en 2016 le rapport de la FIP sur le bilan positif des expériences menées aux États-Unis, en Australie, en Irlande et au Portugal. "Il montrait l'impact de la vaccination par les pharmaciens sur la couverture vaccinale et la possibilité d'atteindre ainsi des personnes qui jusqu'à présent ne se faisaient pas vacciner. Ces chiffres ont amené l'ensemble des représentants de la profession à se positionner en faveur de cette méthode et à lancer l'expérimentation en officine dès la campagne 2017-18, selon un cadre précis (autorisation, formation, cahier des charges...)". L'Ordre a développé une plateforme informatique pour accompagner les pharmaciens dans cette nouvelle mission (check-lists pour l'éligibilité des personnes à la vaccination, attestation, formulaire de consentement...) et recueillir les données relatives à chaque acte vaccinal. Signalons que le pharmacien ne peut vacciner que contre la grippe saisonnière et qu'il perçoit un honoraire de 6,30? (brut). Ce projet suscite une forte adhésion de la part du public et une large mobilisation des pharmaciens. "Ça renforce leur image en tant que professionnel de santé. Pour la saison 2018-19, 93,6% des pharmaciens autorisés ont réalisé au moins 5 vaccinations et 23,3% des vaccinations pratiquées à l'officine concernaient des primo-vaccinations. Ce qui montre la pertinence d'une vaccination en pharmacie, fait-elle observer. Si on regarde l'âge des primo-vaccinés, c'est encore plus intéressant parce qu'on voit que plus de 65% avaient plus de 65 ans et que 35% recevaient un bon de l'assurance maladie depuis au moins 5 ans sans l'utiliser". Pour 2019-2020, 2,4 millions de personnes ont été vaccinées par un pharmacien (27,6% de la population vaccinée). "Les résultats pour la couverture vaccinale sont encourageants, elle a progressé de 1 point (47,8% vs 46,8% en 2018-2019). Nous aurions bien sûr souhaité une évolution un peu plus marquée, mais il faut laisser le temps à ce dispositif de se mettre en place sur l'ensemble du territoire". Les chiffres devraient être meilleurs pour la campagne actuelle 2020-21 qui a d'ores et déjà enregistré un afflux massif des personnes ciblées par les recommandations. Entre le 13 octobre et le 21 novembre 2020, 11,2 millions de vaccins ont été délivrés en pharmacie: soit en 35 jours, 104% du volume de l'ensemble de la campagne 2019-20. "Les syndicats de pharmaciens évoquent le chiffre de 400.000 vaccinations effectuées par les pharmaciens juste le premier jour de la campagne de vaccination antigrippale! Par conséquent, on peut s'attendre à une progression majeure de la couverture vaccinale. Selon le ministère de la santé, 80% des vaccins ont été délivrés aux plus de 65 ans, ce qui montre que la priorisation qui avait été demandée a été respectée". "La simplification du parcours vaccinal est un point important dans la prise de décision pour se faire vacciner. Mais ce n'est pas le seul facteur en jeu, l'hésitation vaccinale est un problème majeur dans notre pays. L'Académie nationale de pharmacie a mené une réflexion sur les enjeux éthiques que pose la vaccination et auxquels les pharmaciens sont confrontés au quotidien. Si l'acte vaccinal contribue à positionner le pharmacien comme un acteur majeur en matière de vaccination, son rôle ne se limite pas au geste vaccinal, il est beaucoup plus large: c'est un rôle de sensibilisation du public, d'information validée et personnalisée, de suivi vaccinal, et plus généralement, c'est un rôle d'accompagnement de la population à cet acte majeur de prévention qu'est la vaccination", conclut Fabienne Blanchet.