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" Les immunodéprimés ne sont pas les seuls voyageurs particulièrement à risque: il y a également ceux qui prennent des médicaments, les greffés, les séropositifs VIH, les drépanocytaires, les femmes enceintes, les personnes âgées, les Visiting Friends & Relatives (VFR) qui n'ont pas toujours la notion du risque quand ils retournent dans leur pays d'origine ", a précisé la Dr Charlotte Martin du CHU Saint-Pierre (Bruxelles). Ces personnes cumulent différents facteurs: elles ne peuvent pas recevoir tous les vaccins ou certains d'entre eux et leur efficacité est moindre, elles courent des risques liés aux maladies non évitables par la vaccination, elles ont une vulnérabilité particulière par rapport aux bactéries, virus, parasites, les symptômes d'alerte peuvent être différents, elles courent un risque accru de pathologies sévères (et d'hospitalisation à l'étranger) et d'interactions médicamenteuses. Dans la vaccination, le problème des immunosuppresseurs est double parce qu'il est contre-indiqué de faire des vaccins vivants atténués et parce que les vaccins inactivés peuvent se révéler moins efficaces. " Il est parfois difficile de faire comprendre à ces patients qu'il ne s'agit pas d'un problème administratif mais qu'ils courent un réel danger en allant, par exemple, dans un pays où il y a la fièvre jaune en n'étant pas vaccinés. On arrive à s'en sortir mais il faut beaucoup discuter. Pour les vaccins vivants atténués, l'idéal c'est de vacciner avant l'immunosuppression. C'est le concept de la consultation 'immunostart' à Saint-Pierre, où l'on accueille des gens qui vont être mis sous traitement immunosuppresseur pour essayer de les vacciner avant ", commente-t-elle. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les maladies qu'on ne peut pas prévenir par la vaccination, ajoute l'infectiologue: " Par exemple, les patients drépanocytaires dont le risque infectieux est augmenté (asplénie fonctionnelle). En consultation du voyage, on vérifie le statut vaccinal, mais il faut aussi leur parler du risque en altitude et de dépressurisation en avion (risque d'hypoxie relative et de crise vaso-occlusive). Il y a donc un taux d'hémoglobine minimal à assurer avant de monter en avion ou en altitude qui est de 8 g/dl en Belgique. " " On parle beaucoup moins du virus Zika mais il est toujours là, même si ce risque est plus faible qu'en 2016. C'est une discussion assez compliquée à avoir avec les femmes enceintes ou en désir de l'être et qui nous demandent où partir sans risque? Euh..., en Finlande! ", ironise la Dr Martin. " Le Zika est très répandu dans le monde et il est transmis par un moustique qui pique la journée, on peut donc conseiller de porter des vêtements longs et de l'antimoustique. Une sérologie en revenant n'est pas très utile vu l'incidence actuelle... Ce sont des choses difficiles à entendre mais qu'on doit continuer à dire. " Concernant la fièvre jaune, la spécialiste indique qu'on vaccine les femmes enceintes qui repartent au pays (VFR), " même si les vaccins vivants sont théoriquement contre-indiqués pendant la grossesse. C'est plutôt une précaution parce qu'il y a beaucoup de données dans la littérature sur des vaccinations de masse où des femmes enceintes ont été vaccinées et où cela n'a pas posé de problème. Ici, le risque d'attraper la fièvre jaune surpasse le risque théorique du vaccin. " Enfin, les femmes enceintes ont une vulnérabilité particulière à la malaria " parce qu'elles attirent plus les moustiques (pour des raisons hormonales, de CO2...). Elles font des malarias moins symptomatiques parce que souvent le parasite se concentre au niveau du placenta, la parasitémie périphérique sera donc moins importante. Cela fait partie des symptômes dont il faut leur parler: 'même si vous ne vous sentez pas très bien et que vous avez 37,5°, n'hésitez pas à consulter'. Le diagnostic est aussi moins fiable (goutte épaisse moins sensible). De plus, ces patientes ont peur de prendre des antimalariques et de mettre de l'anti-moustique sur la peau... Il faut bien les informer, sans communiquer la peur sur les complications maternelles, foetales et néonatales. " Les patients avec maladie inflammatoire chronique de l'intestin (Crohn, rectocolite) ont plus de risques de diarrhée du voyageur. Quant à l'encéphalite à tiques, chez les immunocompromis et les personnes âgées, elle peut donner des cliniques extrêmement sévères, avec un taux de mortalité élevé. " Malheureusement, l'immunogénicité du vaccin est mauvaise chez ces patients, la vaccination doit donc être refaite plus souvent, avec des intervalles assez courts si on reste dans les zones à risque, chez les plus de 65 ans. " " Souvent, nous voyons les voyageurs particulièrement à risque un peu tard à la Travel Clinic ", regrette Charlotte Martin. " C'est plutôt en première ligne qu'il faut inciter ces patients à passer en consultation dans une Travel Clinic bien en avance (6-12 semaines avant). On y trouve des spécialistes qui connaissent les vulnérabilités particulières et les schémas de vaccination particuliers. Quand c'est possible, il faut prévoir une mise à jour vaccinale et vacciner avant la mise en route de médicaments immunosuppresseurs. Il faut faire attention à certaines personnes qu'on identifie pas toujours comme des voyageurs à risque (VFR, personnes âgées) et les sensibiliser. "