Pour les sujets dépendants à la nicotine, la vape semble être un outil supplémentaire susceptible de favoriser l'arrêt du tabac, à ne proposer toutefois qu'après échec de l'aide médicamenteuse. Telle est la recommandation que font les spécialistes en l'état actuel des connaissances et avec toutes les précautions d'usage.
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"L'arrêt du tabac vise la dépendance physique et comportementale/psychologique. Quand il y a dépendance physique, les recommandations sont d'utiliser en combinaison l'approche cognitivo-comportementale et l'aide médicamenteuse (substituts nicotiniques, varénicline et bupropion). C'est ici qu'on peut se poser la question de la place de la cigarette électronique", a expliqué le tabacologue Jacques Dumont, lors des Journées d'enseignement postuniversitaire de l'AMUB (10 au 13 décembre 2020). Menthe givrée, macaron fraise, barbapapa, booster de nicotine... La cigarette électronique, ou e-cig, ou vapoteuse, qui est apparue en Chine en 2003 envahit désormais les rues. Quelques pièces la composent: un embout, un réservoir contenant le liquide qui sera transformé en vapeur, une résistance (filament métallique) et une batterie. Les e-liquides, avec ou sans nicotine, contiennent du propylène glycol, de la glycérine végétale et des arômes, mais ils peuvent véhiculer d'autres substances comme des stupéfiants, des additifs... "Ces e-liquides contiennent tout et n'importe quoi, ils ne sont pas vendus en pharmacie et n'ont donc aucun label de qualité", précise le Pr Jean-Paul Van Vooren, responsable du Centre d'aide aux fumeurs à Erasme, en stigmatisant les arômes propres à attirer les ados non fumeurs: "On s'est assez battu pour ne plus avoir de cigarettes parfumées or, on trouve dans l'e-cigarette ce qu'on a banni dans la cigarette classique...". "Je me suis toujours dit qu'il vaut mieux éviter d'inhaler des substances toxiques. Si on vapote, il y a des risques, probablement moindres qu'avec la cigarette classique, mais ils existent et on ne peut plus banaliser l'utilisation de la cigarette électronique", met-il en garde. Au rang des toxiques générés par l'e-cig, des métaux (arsenic, nickel, chrome...) provenant du filament chauffant, des radicaux libres, des N-nitrosamines et des aldéhydes. "L'acétate de vitamine E est apparu dans les e-liquides quand on a commencé à utiliser l'e-cig pour véhiculer des cannabinoïdes. Il a fait son apparition dans la littérature en mars 2019, surtout aux USA, pour signaler des complications chez des vapoteurs de liquides contenant des cannabinoïdes. Il y a eu plus de 60 décès chez des patients souffrant de pathologies cardio-vasculaires ou pulmonaires (dont l'apnée du sommeil) et de diabète. L'anatomopathologie a montré une atteinte alvéolaire diffuse, une pneumonie d'allure lipidique, et on a retrouvé de l'acétate de vitamine E dans les poumons, une substance aujourd'hui connue pour se déposer dans les alvéoles et provoquer un phénomène inflammatoire. Il faut mettre les patients en garde parce que c'est une façon aisée de consommer des cannabinoïdes", souligne le Pr Van Vooren. Le vapotage engendre des effets locaux ou systémiques: irritation des muqueuses respiratoires, augmentation des résistances respiratoires et réduction du NO expiré, altérations des défenses locales, du métabolisme cellulaire... voire bronchiolite, pneumonies lipidiques ou éosinophiliques, liées à une consommation particulière. Le pneumologue attire l'attention sur la nicotine et ses effets multiples, sur le système nerveux central et cardiovasculaire, sur l'immunité et les processus inflammatoires: "Ce qu'on oublie toujours avec la cigarette, et aussi avec l'e-cigarette qui contient de la nicotine, c'est que cette substance entraîne une augmentation de la tension artérielle, du rythme cardiaque, donc du risque d'infarctus et de lésions endothéliales. Si on parle de sevrage, les patchs c'est bien, mais il est extrêmement important d'arrêter à un moment donné la consommation de nicotine". Enfin, certains métabolites ou métaux, réputés carcinogènes, se retrouvent dans les urines des vapoteurs à des concentrations faibles et dont les effets à long terme sont inconnus. La cigarette électronique de nouvelle génération contient et dispense beaucoup moins de produits toxiques, précise le Pr Van Vooren en donnant l'exemple de Juul, une e-cig développée par un cigarettier américain: "Elle est très sexy pour les jeunes parce qu'elle a la taille d'une clé usb et qu'elle contient beaucoup de nicotine (59mg/ml, alors qu'en Europe, c'est 18mg/ml maximum)". Ceci étant posé, la cigarette électronique a-t-elle une place dans l'arrêt du tabac? En 2019, la Société francophone de tabacologie a rappelé que "l'utilisation de l'e-cigarette, en dehors du contexte du sevrage tabagique, est formellement déconseillée. Elle constitue une aide potentielle au sevrage tabagique avec du liquide qui contient de la nicotine (...). On ne peut toujours pas affirmer que la cigarette électronique ne constitue pas un danger. Il est clair que sa toxicité est inférieure à celle du tabac fumé. L'idée est qu'elle pourrait être utilisée dans un temps court uniquement pour l'aide au sevrage tabagique". L'American College of Cardiology (2019) a souligné l'importance de sensibiliser le patient au fait qu'il est important d'utiliser des substances validées (par la FDA, par l'UE), qu'il y a une grande hétérogénéité des produits, que les effets à long terme sont inconnus, qu'il est important d'arrêter de fumer complètement si on vapote et d'écarter les enfants en raison du vapotage passif. En octobre 2020, une revue Cochrane a indiqué que "les e-cigarettes avec nicotine aident les fumeurs à arrêter de fumer (effet vérifié jusqu'à 6 mois), que c'est plus efficace que des substituts nicotiniques utilisés seuls... Des recherches supplémentaires sont nécessaires, entre autres par rapport au nouveau modèle contenant des sels de nicotine (Juul)". "En fonction des connaissances actuelles, la cigarette électronique pourrait rejoindre les moyens d'aide à condition d'informer le patient de l'état actuel des connaissances, de l'utiliser temporairement, de la proposer uniquement à des fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer (après échec des autres approches), de ne pas fumer en même temps, de préférer les sels de nicotine (moins toxiques et plus efficaces) et éventuellement de combiner son utilisation à celle des substituts nicotiniques", conclut Jacques Dumont. "Toute l'approche cognitivo-comportementale est vraiment essentielle et il faut se rappeler que tout le reste est potentiellement toxique: il ne faut pas croire que la varénicline et les substituts nicotiniques ne sont pas dangereux. A ce titre, la cigarette électronique ne doit pas être considérée comme une fin en soi, c'est un outil", insiste le Pr Van Vooren.