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En tant que pharmacien, votre mission consiste non seulement à dispenser des informations et conseils concernant les médicaments et leur bon usage, mais aussi à assurer un accompagnement personnalisé aux patients qui utilisent des produits d'automédication (art. 5/1 de la loi du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé). Le code de déontologie pharmaceutique impose aussi un certain nombre d'obligations au pharmacien dans ce cas de figure. En son art. 43, il stipule ainsi que, en cas d'automédication, le pharmacien est tenu de s'opposer à toute surconsommation suspectée ou avérée. Il lui incombe dans ce cadre d'avertir le patient des risques et dangers potentiels qu'il encourt et de lui conseiller de consulter un médecin ou un autre professionnel des soins. L'art. 44 ajoute que, "s'il existe des éléments indiquant une surconsommation ou un mésusage de médicaments", le pharmacien doit prendre "les initiatives nécessaires dans l'intérêt du patient et de la santé publique". Lorsqu'un patient vous demande un médicament à des fins d'automédication, vous devriez en principe toujours, avant de le lui délivrer, lui poser une série de questions résumées en anglais par l'acronyme WWHAM - who (qui est l'utilisateur? ), what (quels sont les symptômes? ), how long (depuis quand les plaintes sont-elles présentes? ), actions taken (qu'a-t-on déjà entrepris pour les soulager? ) et medication (quels sont les éventuels autres médicaments utilisés? ). Même s'il n'est pas toujours évident pour le pharmacien de poser toutes ces questions en toutes circonstances et à chaque demande, l'Ordre a rappelé récemment l'importance cruciale de ce dialogue avec le patient, qui détermine sa sécurité en fonction de ses éventuelles pathologies ou des autres traitements médicamenteux qu'il ne penserait pas forcément à signaler spontanément. L'Ordre a également souligné à cette occasion qu'il est indispensable que le pharmacien porte effectivement le badge qui permettra aux patients de l'identifier en tant qu'interlocuteur professionnel, comme l'exige d'ailleurs le code de déontologie. Soulignons encore que, si vous soupçonnez que l'un de vos clients utilise un médicament à mauvais escient, vous ne pouvez pas pour autant en parler avec son médecin traitant sans autre forme de procès. En vertu du secret professionnel auquel vous êtes tenu, vous n'avez en effet le droit d'échanger des informations avec un médecin qu'au sujet des données des prescriptions rédigées par ses soins mais pas, par exemple, au sujet des ordonnances de ses collègues. Dans ce contexte, l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens ont constitué un groupe de travail qui examine comment gérer diverses situations touchant à la surconsommation de médicaments susceptibles de provoquer une dépendance, dans le but de sensibiliser les médecins et les pharmaciens à la consommation élevée de ces produits. Vous êtes aussi tenu de notifier les cas d'abus ou de mésusage de médicaments à l'AFMPS. Dans ce contexte, on entend par abus une consommation excessive volontaire sporadique ou persistante d'un médicament sans but thérapeutique, qui s'accompagne d'effets néfastes sur le plan physique ou psychologique. Le mésusage désigne une situation où le patient utilise sciemment un médicament d'une manière non conforme à la notice. Cette notification n'a pas pour but de sanctionner l'auteur de l'abus ou du mésusage, mais d'éviter que le problème ne se reproduise dans le futur. Sur la base des informations qui lui sont transmises, l'AFMPS peut en effet prendre des mesures pour limiter les risques, comme par exemple la diffusion d'informations vers les patients ou les prestataires ou encore l'adaptation de la notice. Face à une ordonnance dont vous soupçonnez qu'elle pourrait avoir été falsifiée ou volée, prenez contact avec le médecin dont le nom y figure pour l'informer du problème possible et examiner avec lui s'il est effectivement question d'un faux ou d'une prescription "trafiquée". Si c'est bien le cas, il est également recommandé de signaler les faits à la commission médicale provinciale et à la cellule pharmacovigilance de l'AFMPS. Cette démarche peut être effectuée en ligne sous la rubrique "notifier un abus". Si vous êtes confronté à une prescription volée ou falsifiée, vous avez également la possibilité (tout comme le médecin concerné) de porter plainte auprès de la police. Et en attendant d'effectuer les démarches ci-dessus, mieux vaut évidemment ne pas exécuter l'ordonnance suspecte et, si possible, la conserver...