Sur les barricades depuis le début de la pandémie, les pharmaciens sont aujourd'hui un maillon essentiel de la campagne de vaccination. C'est notamment le cas de Valérie Brodéoux, active au sein du centre de vaccination secondaire de Gembloux.
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Née à Etterbeek, Valérie Brodéoux a obtenu son diplôme à l'UCL et exerce son métier de pharmacienne depuis plus de 27 ans. Aujourd'hui, elle travaille aussi au centre de vaccination de Gembloux. "Notre centre n'est ouvert qu'une semaine sur trois à raison de dix heures par jour ; les vaccins y sont administrés selon un calendrier précis. Il nous permet d'offrir un complément aux centres actifs à temps plein ou de donner un coup de main en fonction du nombre de doses disponibles. Je me charge de réaliser le planning de la semaine en fonction du nombre de vaccins annoncés et je coordonne le travail de mes collègues pharmaciens qui les réceptionnent, en contrôlent la température et les préparent. Heureusement, de nombreux pharmaciens de la région ont répondu à l'appel. Nous travaillons en collaboration avec les médecins coordinateurs du centre, qui planifient les tâches des infirmiers." Cette collaboration se passe très bien et toute l'organisation tourne comme une machine bien huilée, constate-t-elle avec satisfaction. "En tant que pharmaciens, nous nous sentons impliqués et nous sommes heureux de pouvoir apporter notre pierre à cette campagne de vaccination inédite. En plus, cela fait du bien d'avoir l'occasion de faire autre chose... et c'est sympa d'apprendre à connaître les médecins et les infirmiers de la région, d'autant que la collaboration se passe bien. Les patients sont aussi très satisfaits du fonctionnement du centre et nous recevons régulièrement des réactions positives qui nous font chaud au coeur. Les collègues pharmaciens d'autres régions font la même expérience: tout le monde unit ses efforts en vue d'un objectif commun - et pas seulement les médecins, pharmaciens et infirmiers, mais tout le secteur des soins et les autorités locales et autres." La pharmacienne voit-elle passer beaucoup de vaccinosceptiques? "Les personnes qui se présentent au centre de vaccination sont évidemment déjà convaincues. À l'officine, par contre, nous sommes confrontés à énormément de questions et de doutes, aussi bien à propos de la maladie que des vaccins. Nous ne sommes pas là pour pousser les patients à se faire vacciner ou leur forcer la main, mais pour les informer. La polémique autour du vaccin d'AstraZeneca et du risque de thrombose, en particulier, a suscité bien des interrogations et beaucoup de stress dans la population. Nous faisons de notre mieux pour informer et apaiser, mais certains ont malgré tout choisi d'aller dans d'autres centres pour avoir le vaccin Pfizer. À Gembloux, nous travaillons avec ceux d'AstraZeneca, Moderna et Johnson & Johnson, mais pas encore avec celui de Pfizer et je ne sais pas si nous allons le recevoir un jour. Là encore, cela suscite beaucoup de questions à l'officine... mais nous pouvons sincèrement rassurer nos patients, puisque nous avons-nous-mêmes reçu le vaccin d'AstraZeneca! Enfin, aujourd'hui, les esprits se sont apaisés et le principal est que les gens soient vaccinés, peu importe avec quel produit." Certains vaccins (comme par exemple celui contre la grippe) pourraient-ils aussi être administrés à l'officine? "Cela me semble une bonne idée, parce que les pharmaciens ont l'avantage d'être des acteurs extrêmement accessibles, et ce serait tout à fait possible moyennant la formation et l'infrastructure ad hoc. Il est un fait que les patients n'ont pas tous un généraliste attitré et jugent parfois trop contraignant de devoir aller d'abord chez leur médecin pour une prescription, puis chez le pharmacien pour se procurer le vaccin et enfin à nouveau chez le médecin pour la piqûre, le tout en veillant à ne pas interrompre la chaîne du froid. Cela dit, le but n'est évidemment pas de récupérer les tâches du généraliste mais plutôt de travailler de façon complémentaire." "Notre métier a beaucoup évolué en l'espace de 27 ans. L'informatisation, en particulier, a engendré d'importants changements non seulement à l'officine mais aussi chez les patients, qui vont chercher de l'information sur des maladies et des traitements sur internet puis viennent chez nous pour la "recadrer". La concurrence croissante - sur internet et en-dehors - et l'incertitude qui l'accompagne a également changé la donne." Les tâches du pharmacien sont aujourd'hui plus diversifiées que jamais. "Alors qu'elles se limitaient initialement à la délivrance de médicaments, nous sommes désormais actifs sur tous les fronts, de la prévention au suivi en passant par le conseil. C'est une évolution positive et les patients sont reconnaissants, en particulier les ainés qui viennent parfois chercher toute une ribambelle de traitements - et pas des produits de parapharmacie pour lesquels le pharmacien n'a pas de réelle valeur ajoutée. Au niveau de la délivrance des médicaments, nous pouvons faire une vraie différence. La réalité d'une pharmacie de village est toutefois complètement différente de celle d'une grande ville." "Je ne voudrais pas être jeune pharmacienne aujourd'hui, dans un contexte où il n'y a plus aucune stabilité économique", observe encore Valérie Brodéoux. "Un salaire? Cela me paraît compliqué à mettre en place parce que les officines diffèrent parfois beaucoup entre elles. La charge de travail d'un pharmacien de village n'est pas comparable à celle d'un collègue installé en ville. En plus, cela impliquerait aussi de valoriser une série de tâches comme le dépistage du diabète, de l'hypertension, etc. Il me semble très compliqué de rémunérer tous les pharmaciens d'une manière équitable. Mais en tout état de cause, dans le futur, nous devrons davantage nous focaliser sur le conseil, la prévention et la sensibilisation." "Les contacts avec les médecins se passent mieux qu'avant, mais ne vous faites pas d'illusions: le médecin lambda ne voit pas les pharmaciens comme des "égaux". Par contre, ils sont conscients que nous faisons du bon boulot et, depuis la pandémie, ils apprécient davantage notre travail ou à tout le moins notre collaboration. Au centre de vaccination aussi, tous les prestataires se serrent les coudes dans un but commun." A-t-elle eu du mal à combiner son boulot avec sa vie de famille et ses deux enfants? "Pas trop, parce que nous habitions sur place. J'étais donc toujours à la maison quand les enfants rentraient de l'école, juste en face de chez nous. Entre-temps, ils volent de leurs propres ailes et nous avons déménagé dans un autre quartier de Gembloux."