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Il y a des alcools légers et des alcools forts", "le café ou les boissons énergisantes réduisent les effets de l'alcool", "l'alcool aide à s'endormir", "faire du sport permet d'éliminer plus vite l'alcool", "il faut boire énormément pour faire un coma éthylique", "les hommes tiennent mieux l'alcool que les femmes", "boire un peu d'alcool tous les jours, c'est bon pour le coeur"... La problématique de l'alcoolisme n'est bien sûr pas épargnée par les fausses croyances. Dans le premier chapitre de leur ouvrage 'Le binge drinking chez les jeunes, une approche psychologique et neurocognitive', Pierre Maurage (professeur en psychologie à l'UCLouvain) et Salvatore Campanella (professeur en psychopathologie à l'ULB) s'emploient à démonter quelques lieux communs qui entretiennent une certaine mythologie autour de la dive bouteille. Ainsi, si le binge drinking est une pratique très répandue chez les jeunes, les auteurs font néanmoins observer que cette association fréquente "stigmatise inutilement cette partie de la population et masque la véritable problématique sous-jacente de notre rapport questionnable à l'alcool, quel que soit notre âge". Il n'est qu'à voir la dizaine d'idées fausses qu'ils pourfendent pour s'en convaincre si besoin était. Spécialistes de la dépendance à l'alcool, Pierre Maurage et Salvatore Campanella ont notamment démontré, en 2009, que neuf mois de consommation excessive suffisent déjà à induire un ralentissement significatif du fonctionnement cérébral. Avant, on pensait en effet que l'alcoolisation excessive chez les jeunes n'avait pas d'impact significatif sur le cerveau. Depuis, ils ont poursuivi leur travail et ont exploré les conséquences émotionnelles, cognitives et cérébrales du binge drinking. Comme par exemple, l'apport des études en électroencéphalographie et en neuro-imagerie structurelle et fonctionnelle. Dans leur manuel, ils décrivent les effets à court terme et les modifications majeures et durables du fonctionnement émotionnel, cognitif et cérébral de ce type d'excès. C'est à nouveau l'occasion pour eux de battre en brèche de fausses croyances telles que: "Il faut des années de binge drinking pour voir des conséquences sur le cerveau", "Boire un peu tous les jours ou beaucoup une fois par semaine a le même effet sur le cerveau", "le binge drinking n'a rien à voir avec le trouble sévère de l'usage d'alcool". Enfin, ils insistent: ce n'est pas parce que le comportement quotidien est en apparence préservé que tout va bien, les atteintes cérébrales latentes, notamment pour la mémoire et les fonctions exécutives, existent. "Si les symptômes associés au binge drinking étaient aussi clairs (que ceux d'une grippe), il y a fort à parier que les binge drinkers renonceraient rapidement à poursuivre ce mode de consommation", préviennent-ils. Les deux psychologues montrent comment l'approche psychologique et neurocognitive peut aider à prévenir et à mieux prendre en charge le binge drinking. Ils présentent les facteurs de risque et donnent des conseils pour diminuer la fréquence et l'intensité de cette consommation, ainsi que des pistes de réflexion. L'objectif des auteurs n'est pas de proposer une position morale ou légale sur cette pratique mais bien plus de donner une description scientifiquement fondée, accessible à tous, des connaissances actuelles sur le binge drinking. Leur mot d'ordre: "offrir au lecteur les moyens de se forger une opinion scientifiquement fondée sur le binge drinking, mais éviter de construire cette opinion à sa place". Ils en appellent en effet à une prise de conscience collective.