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Oran, années de guerre. On retrouve un rat mort, puis deux, puis trois, puis des dizaines. La mort se propage, gagne les hommes, au même moment que la peur.Le docteur Rieux affronte le mal, les yeux dans les yeux, armé de sa seule science et de son énergie, inépuisable semble-t-il. Mise en quarantaine, la ville subit un blocus et reste sous l'emprise de l'épidémie qui dit enfin son nom, et révèle les hommes, parfois avant de leur ravir la vie.Face à face, le prêtre et le médecin : l'un croit en Dieu, l'autre croit en l'homme, dans lequel il trouve plus " d'admiration que de mépris ". L'un se bat pour le salut, l'autre pour la santé. Et si la raison sort vainqueur de cet affrontement, elle a le triomphe modeste, Rieux niant l'héroïsme pour lui préférer la condition d'homme, luttant contre la peste et pour la paix.Adaptée par Fabrice Gardin, La peste d'Albert Camus (dont "L'état de siège", même s'il parle de la peste, était l'adaptation théâtrale du roman par son auteur) conserve dans cette version certes ses idées et son message (pas comme le catastrophique 1984 d'Orwell, monté au Parc la saison dernière) dans une mise en scène qui enchaîne, en tout cas en son début, les saynètes à un rythme soutenu ; le scénographe Lionel Lesire a imaginé un plateau qui se décompose en trois grandes cases que deux immenses volets viennent occulter, tantôt à gauche tantôt à droite tantôt des deux côtés, ne laissant qu'une béance centrale. L'on pense à une version bande dessinée, ligne claire pour la fluidité du message, Sébastien Hébrant, l'acteur principal, arborant d'ailleurs la coupe et les allures neutres d'un vieux Tintin.Le rythme étourdissant du début se ralentit heureusement dans la deuxième partie de la pièce, quand le récit de Camus prend un tour plus philosophique.Porteur d'un discours moral, les personnages n'ont déjà pas beaucoup d'épaisseur, et seuls les comédiens qui interprètent le juge Othon et le père Paneloux (Bruno Goeris), l'égotique Cottard (Ronal Beurms) et Jean Tarrou, l'ami condamné du praticien (David Leclerq), parviennent à donner une consistance à des figures qui ne sont au départ dans le roman de Camus que des porte-voix ; bien soutenus il est vrai par la musique live, souvent un blues dépouillé, de Luc Van Craesbeek, lequel procure un peu plus de corps, de présence physique à cette production.Bref, il aurait peut-être mieux fallu s'en tenir au livre, car si cette pièce n'est pas un fléau, le résultat donne matière à... pester.