Pour le climat et la planète, une alimentation plus végétale est nécessaire. Mais faut-il aller jusqu'à la suppression de tous les produits animaux ? Non, selon cette étude qui met en garde contre un tel scénario.
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Dans l'histoire du développement de l'être humain, les produits animaux ainsi que la cuisson ont joué un rôle important, en permettant d'améliorer les apports nutritionnels, ce qui a favorisé le développement de la taille et de la complexité du cerveau, au détriment de la longueur et de la surface du tube digestif consacrées à l'assimilation. Mais l'humanité est arrivée à un stade où les changements climatiques et ses nombreuses conséquences nécessitent de repenser en profondeur nos systèmes alimentaires - responsables d'environ un tiers de l'ensemble de l'émission de gaz à effet de serre - et notre comportement alimentaire. Les produits animaux - la viande de ruminants en particulier - ont un impact environnemental plus élevé que les produits végétaux, ce qui explique que la végétalisation de l'alimentation est devenue un objectif important. De plus, ce groupe d'aliments est pointé du doigt pour ses effets néfastes sur la santé. Mais peut-être de manière excessive... Jusqu'où aller dans la végétalisation de l'alimentation? Pour certains, il faudrait aller jusqu'à supprimer tous les produits du règne animal (soit adopter une alimentation végétalienne). Mais pour Alice Stanton (Université de Dublin), qui publie un article dans Frontiers in Nutrition, la réduction drastique des produits animaux de nombreux régimes basés sur les plantes va aggraver les déficiences en micronutriments et en protéines déjà présentes. Elle estime que les bénéfices, pour la santé, d'une alimentation (essentiellement) végétale tiennent plus à la réduction de l'apport en calories et en sel et à l'augmentation des apports en fruits, légumes, fruits à coque et céréales complètes, qu'à une réduction des produits animaux. La prévalence d'une inadéquation nutritionnelle liée à la suppression des produits animaux augmente plus particulièrement pour les vitamines A, B12 et D, le calcium, l'iode, le fer, le phosphore, le zinc, les acides gras oméga-3 à longue chaîne (EPA + DHA) ainsi que pour certains acides aminés essentiels. Même dans l'assiette EAT-Lancet, qui maintient des produits animaux en petites quantités (13% d'apport énergétique total), il a été montré que les apports pouvaient être insuffisants pour le calcium, le fer et le zinc... Outre l'inadéquation nutritionnelle, l'autre menace d'une alimentation végétale sans produits animaux concerne la biodisponibilité de nutriments tels que le fer et le zinc. L'augmentation de la présence de phytates et de polyphénols pourrait également affecter bien d'autres micronutriments. L'auteure estime que les effets néfastes pour la santé de la viande rouge et des viandes transformées sont largement surestimés dans le Global Burden of Disease 2019, avec une mortalité attribuée à ces denrées qui a été multipliée par 36 depuis l'édition 2017, ce qui semble peu réaliste. Elle écrit que les éventuels effets négatifs absolus de la consommation de viande rouge et de viande transformée sur les maladies non transmissibles (MNT) sont très faibles et incertains. Par ailleurs, elle relève que certains produits animaux tels que la volaille et les oeufs ne sont associés à aucun impact sur les MNT, et que certains produits animaux, à savoir les produits de la mer et les produits laitiers, sont même associés à un risque moindre d'obésité, d'accidents cardiovasculaires, de troubles cérébraux et de certains cancers. Elle considère que tous les régimes à base de végétaux proposés pour protéger l'environnement devraient faire l'objet d'essais contrôlés randomisés rigoureux pour apporter la preuve de leur adéquation nutritionnelle. Et qu'en attendant, les recommandations alimentaires devraient plutôt mettre l'accent sur la modération de la consommation excessive de produits animaux, plutôt que sur leur limitation ou exclusion...