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Depuis la mi-février, la manière de prendre en charge les patients atteints par les formes sévères du Covid-19 a largement évolué, essentiellement grâce aux informations fournies par les services de soins intensifs des hôpitaux. Un partage d'information qui a permis d'épargner de nombreuses vies et de diminuer la sévérité de certaines séquelles. Des chercheurs autrichiens ont présenté une étude au Congrès international de la Société européenne de respiration sur base de l'analyse de 150 patients hospitalisés notamment à la clinique universitaire de médecine interne d'Innsbruck. Les patients devaient revenir six, 12 et 24 semaines après leur sortie. Au cours de ces visites, des examens cliniques, des tests de laboratoire, des analyses des quantités d'oxygène et de dioxyde de carbone dans le sang artériel, des tests de la fonction pulmonaire, des tomodensitométries (TDM) et des échocardiogrammes ont été réalisés. Les résultats à 24 semaines ne sont pas encore disponibles actuellement. Au moment de leur première visite, plus de la moitié des patients présentaient au moins un symptôme persistant, principalement un essoufflement et une toux, et les tomodensitogrammes montraient encore des lésions pulmonaires chez 88% des patients. Cependant, au moment de leur visite suivante, les symptômes s'étaient améliorés et les lésions pulmonaires étaient réduites à 56%. " La mauvaise nouvelle est que les gens présentent une insuffisance pulmonaire due au Covid quelques semaines après leur sortie ; la bonne nouvelle est que la déficience a tendance à s'améliorer avec le temps, ce qui suggère que les poumons ont un mécanisme pour se réparer ", a expliqué le Dr Sabina Sahanic, étudiante en doctorat clinique à la clinique universitaire d'Innsbruck, lors d'une conférence de presse. L'âge moyen des patients était de 61 ans et 65% d'entre eux étaient de sexe masculin. Près de la moitié étaient des fumeurs actuels ou anciens et deux tiers étaient en surpoids ou obèses. Un sur cinq était passé par une unité de soins intensifs (USI), un sur cinq avaient eu une ventilation mécanique invasive et la durée moyenne de séjour à l'hôpital était de 13 jours. Deux tiers ont présenté des symptômes persistants à six semaines ; l'essoufflement était le symptôme le plus fréquent (47%), suivi de la toux (15%). À la visite de 12 semaines, l'essoufflement s'était amélioré et était présent chez 39% des patients. Mais 15% toussaient encore. Les tests de la fonction pulmonaire comprenaient le FEV1 (la quantité d'air qui peut être expulsée de force en une seconde), le FVC (le volume total d'air expulsé de force) et le DLCO (un test pour mesurer la qualité du passage de l'oxygène des poumons dans le sang). Ces mesures se sont également améliorées. À six semaines, 23% des patients ont présenté un VEMS inférieur à 80% de la normale, passant à 21%. 28% ont montré une FVC inférieure à 80% de la normale, s'améliorant à 19% à 12 semaines. Enfin, un tiers des patients ont montré une DLCO inférieure à 80% de la normale, passant à 22% six semaines plus tard. Les tomodensitogrammes ont montré que le score qui définit la gravité de la lésion pulmonaire globale est passé de huit points à six semaines à quatre points à douze semaines. Les dommages causés par l'inflammation et le liquide dans les poumons causés par le coronavirus, qui se manifestent sur les tomodensitogrammes sous forme de plaques blanches d'un aspect de " verre dépoli ", se sont également améliorés ; il était présent chez neuf patients sur dix à six semaines et un peu plus de la moitié à 12 semaines. Lors de la visite de six semaines, les échocardiogrammes ont montré que 48 patients (58,5%) avaient un dysfonctionnement du ventricule gauche du coeur au point où il se détend et se dilate (diastole). Les indicateurs biologiques de lésions cardiaques, de caillots sanguins et d'inflammation étaient tous significativement élevés. " Nous ne pensons pas que le dysfonctionnement diastolique ventriculaire gauche soit spécifique du Covid-19, mais plutôt un signe de gravité de la maladie en général. Heureusement, dans la cohorte d'Innsbruck, nous n'avons observé aucun dysfonctionnement cardiaque sévère associé au coronavirus en phase post-aiguë. Le dysfonctionnement diastolique que nous avons observé avait également tendance à s'améliorer avec le temps ", explique le Dr Sahanic. Qui conclut : " Nos résultats montrent l'importance de mettre en oeuvre des soins de suivi structurés pour les patients atteints d'une infection sévère au Covid-19. Surtout, la tomodensitométrie a révélé des lésions pulmonaires dans ce groupe de patients qui n'ont pas été identifiées par les tests de la fonction pulmonaire. Savoir comment les patients ont été affectés à long terme par le coronavirus pourrait permettre de traiter les symptômes et les lésions pulmonaires beaucoup plus tôt. " Cette recommandation d'anticipation est également au coeur du travail effectué à la clinique Dieulefit Santé de l'Université de Grenoble. Yara Al Chikhanie, étudiante en doctorat, a démontré au congrès que plus tôt les patients commencent un programme de rééducation pulmonaire après l'arrêt de la ventilation artificielle, meilleur et plus rapide sera leur récupération. Une conclusion à la Palice ? Peut-être. Mais c'est mieux quand on dispose d'une étude clinique, même rétrospective. Le manque de mouvement physique, en plus de l'infection et de l'inflammation sévères, entraîne une perte musculaire sévère. Al Chikhanie a utilisé un test de marche pour évaluer la progression hebdomadaire de 19 patients ayant passé en moyenne trois semaines en réanimation. La plupart étaient encore incapables de marcher à leur arrivée. Le test mesurait jusqu'où les patients pouvaient marcher en six minutes. Au début, ils étaient capables de marcher en moyenne 16% de la distance qu'ils devraient pouvoir marcher normalement. Après trois semaines de rééducation, ce chiffre est passé à 43%, ce qui représentait un gain significatif mais toujours une atteinte grave. " Le résultat le plus important est que plus la rééducation a commencé tôt et plus elle a duré, plus l'amélioration des capacités de marche et de respiration et du gain musculaire des patients a été rapide et meilleure. " Pour Thierry Troosters, professeur en sciences de la réadaptation à la KU Leuven, " de nombreux patients Covid-19 souffrent de séquelles débilitantes à long terme. Ces travaux sont l'un des premiers suivis prospectifs complets et montrent l'impact grave et à long terme sur les poumons et le coeur. Il est décevant d'entendre que plus de la moitié des patients de cette étude présentaient des lésions pulmonaires et cardiaques 12 semaines après leur sortie. La bonne nouvelle, cependant, est que les patients s'améliorent et cela aidera sûrement le processus de rééducation. "