Devant l'évolution des profils alimentaires soucieux de santé, d'écologie et de développement durable, le Conseil supérieur de la Santé (CSS) a publié en avril ses recommandations sur l'alimentation végétarienne pour tous.
...
"L'objet n'est pas de discuter des avantages et inconvénients d'une alimentation végétarienne mais de donner des conseils sur la façon dont ce type de régime peut répondre à une alimentation équilibrée couvrant les besoins nutritionnels des différentes populations", a précisé le Dr Daniel Brasseur (ULB), président du Groupe de travail sur l'alimentation végétarienne, en présentant cet avis. (1) "Le passage à une alimentation saine d'ici 2050 nécessitera des changements alimentaires importants, notamment une réduction de plus de 50% de la consommation mondiale d'aliments malsains, tels que la viande rouge et le sucre, et une augmentation de plus de 100% de la consommation d'aliments sains, tels que les fruits à coque, les fruits, les légumes et les légumineuses", a-t-il ajouté en faisant référence à un article du Lancet (2). Les recommandations du CSS visent les différentes déclinaisons du végétarisme, depuis le semi-végétarien ou flexitarien au végan ou végétalien, en passant par les lacto-ovo-pesco-végétariens. Deux principes généraux doivent être retenus: plus une alimentation est restreinte, plus le risque de déficit nutritionnel et d'exposition accrue à l'un ou l'autre toxique est grand. Sans oublier que les besoins nutritionnels évoluent selon le stade de développement et l'âge. Lors du 23e Congrès de nutrition et santé qui s'est tenu à Bruxelles les 19 et 20 novembre derniers (3), le Pr Philippe Goyens (Huderf, ULB, VUB) a tiré les grandes lignes de cet Avis: "Le végétarisme présente des avantages environnementaux comme la réduction de l'empreinte carbone, de l'appauvrissement des sols, de la déforestation, de l'épuisement des ressources halieutiques ; et une meilleure préservation du milieu (faune et flore). Il a également des effets favorables immédiats sur la santé par exemple en cas d'intolérances ou d'allergies alimentaires... Et des effets favorables à long terme comme la réduction des risques de maladies cardio-vasculaires, de certains cancers, voire des risques d'obésité et de diabète de type 2". Un enthousiasme qui doit cependant être tempéré à l'aune de certaines consommations (voir plus bas et en page 25)). Au rang des nutriments à surveiller: les protéines, des acides gras, la vitamine D, le calcium, la vitamine B12, le fer, le zinc et l'iode. La valeur biologique des protéines végétales est inférieure à celle des protéines animales (-30 à 90%). Par conséquent, il faut diversifier cet apport en combinant laitages, légumineuses, oeufs, tofu... en fonction du régime suivi. En outre, les végétariens devraient consommer 20% de protéines en plus et les végans 30%. Chez les végétariens, les AG oméga 3 EPA et DHA sont réduits (il faut prendre de l'huile de lin, noix, colza...) et le rapport oméga 6/3 est augmenté. À la question de savoir si les algues pourraient être une bonne source d'EPA/DHA, le Pr Goyens fait observer qu'il existe un risque élevé de contamination aux métaux lourds comme l'arsenic (l'huile d'algues est donc déconseillée chez l'enfant et la femme enceinte). "L'eau de trempage ou de cuisson des algues doit être jetée et on ne dépassera pas 7g/j de produits séchés. L'algue Hijiki doit être évitée (contamination importante)". En Belgique, l'apport en vitamine D et calcium est un problème de santé publique général. À part les lacto-(ovo)-végétariens qui couvrent facilement leurs besoins calciques en consommant des produits laitiers (3-4 portions/j), les végans et ovo-végétariens stricts devront prendre des boissons végétales et des aliments enrichis. La consommation quotidienne d'au moins 1,5 l d'une eau enrichie en calcium et pauvre en sulfates est une bonne option. Enfin, indépendamment du mode alimentaire, un complément de vitamine D (400 UI/j) est conseillé. Si on consomme des produits laitiers et/ou des oeufs, il n'y aura pas de problème d'apport en vitamine B12. En revanche, les végans courent un risque élevé de carence. Le Pr Goyens attire l'attention sur les nourrissons allaités par des mamans véganes sans suppléments (même si les taux sanguins sont à la limite inférieure de la normale). Cette carence peut entraîner des symptômes neurologiques irréversibles. Le fer et le zinc ont une biodisponibilité moindre au départ d'aliments d'origine végétale qu'animale. Les sources de fer sont les oeufs, légumineuses, céréales complètes et fruits oléagineux. Pour favoriser son absorption, il faut associer des aliments riches en vitamine C et boire thé et café à distance des repas. Le zinc se trouve dans les oeufs, céréales complètes, légumineuses, fruits à coque et graines oléagineuses. Enfin, l'iode est présent dans le pain contenant du sel iodé, les laitages, les poissons, fruits de mer et crustacés. Les algues marines ont des teneurs très variables en iode et contiennent des métaux lourds (voir plus haut). Les végans doivent opter pour le pain contenant du sel iodé et le sel de table iodé. Au rayon des points négatifs, l'exposition aux résidus de produits phytopharmaceutiques est plus importante chez les grands consommateurs de fruits et légumes (privilégier le bio, bien laver et éplucher) ; aux facteurs anti-nutritionnels (inhibiteurs de la trypsine, lectines...) des légumineuses et céréales ; aux isoflavones du soja ; aux mycotoxines (céréales, fruits à coque...) ; au mercure (poisson) et à l'arsenic (riz, algues... (4)). Par ailleurs, la richesse en fibres peut réduire l'absorption de certains nutriments (fer, zinc...) du fait des propriétés chélatrices de l'acide phytique, la fermentation ou la germination peuvent contrer cet effet. "Le régime végétarien est tout à fait compatible avec une bonne santé et une couverture nutritionnelle adéquate. Mais, il ne faut pas hésiter à se faire conseiller par un spécialiste de la nutrition, qui peut orienter et rassurer sur la balance de son alimentation", a conclu le Dr Brasseur.