Comment rendre la pharmacie plus verte et plus écoresponsable? Ce sujet préoccupe le monde politique et industriel et les organisations internationales. Diverses recommandations donnent des lignes directrices et incitent à passer à l'action.
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Depuis 1992, le concept One Health s'attaque au problème de la présence des produits pharmaceutiques dans l'environnement. En 2019, la Commission européenne a lancé son Green Deal visant les produits chimiques et un plan d'action " pollution zéro ". Cependant, le Parlement européen plaide pour des actions plus concrètes et ambitieuses: il souhaite un cadre juridique protégeant davantage l'environnement et la santé publique, sensibilisant le public à une utilisation prudente des produits pharmaceutiques, intensifiant les efforts en faveur d'une production plus écologique et améliorant la gestion des déchets. En mars dernier, le Forum européen de politique biomédicale de la FEAM (Fédération des académies de médecine européennes) - avec le soutien de la Fédération des vétérinaires d'Europe (FVE) et de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) - a fait 6 recommandations pratiques sur la manière de réduire les déchets de médicaments dans l'environnement. Premier levier, l'éducation et la formation: " La surconsommation de produits pharmaceutiques est une énorme source de déchets. Il est possible d'y remédier en sensibilisant davantage le public et les professionnels de la santé à l'utilisation prudente des médicaments. Par exemple, grâce à la médecine personnalisée, aux prescriptions obligatoires... En outre, l'éducation des patients sur ce qu'ils doivent faire de leurs médicaments périmés ou inutilisés, et sur le moment où ils doivent les rapporter, serait également utile. Enfin, la formation au concept 'One Health' devrait être davantage développée pour les patients et les professionnels de la santé ". Ensuite, le Forum plaide pour une production plus écologique en incitant notamment l'industrie pharmaceutique à concevoir des alternatives plus respectueuses de l'environnement et à optimiser la gestion des déchets. A ce titre, " la Commission européenne espère modifier la législation sur le traitement des eaux usées afin d'y inclure un mécanisme garantissant une contribution équitable de l'industrie selon le principe du pollueur-payeur ". Autre gros point à améliorer: l'évaluation des risques environnementaux. " Les lignes directrices européennes actuelles n'ont été introduites qu'en 2005 pour les médicaments vétérinaires et en 2006 pour les médicaments humains, et elles ne s'appliquent pas rétroactivement. En Allemagne, par exemple, les données environnementales ne sont disponibles que pour environ 40% des ingrédients pharmaceutiques trouvés dans les eaux de surface ". Le Forum milite pour une plus grande transparence et un cadre législatif plus solide afin de réglementer la production pharmaceutique. De son côté, Health Care Without Harm (HCWH) Europe a émis des recommandations politiques visant à améliorer la durabilité des médicaments à usage humain sur le marché de l'UE. Histoire de donner des lignes directrices à la Commission européenne qui révise, pour le quatrième trimestre de 2022, la législation générale de l'UE relative aux médicaments à usage humain. L'objectif étant de garantir un système de réglementation des médicaments à l'épreuve du temps et des crises telles que celle de la pandémie de Covid-19. Deux points sont particulièrement mis en avant: améliorer la transparence et la durabilité de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique et renforcer les évaluations des risques environnementaux des médicaments à usage humain. " Dans l'UE, il n'existe pas de règles spécifiques régissant les émissions de la production pharmaceutique dans l'environnement ; les ingrédients pharmaceutiques actifs (API) ne sont pas couverts par le règlement REACH. L'industrie pharmaceutique relève de la directive sur les émissions industrielles (...) De nombreuses usines pharmaceutiques qui approvisionnent le marché de l'UE sont situées en dehors de l'Europe, dans des pays où les systèmes environnementaux et réglementaires sont plus faibles, en particulier dans le cas des antibiotiques. En plus d'une réglementation européenne plus stricte, il est nécessaire d'apporter une réponse mondiale par le biais d'une coopération et d'un dialogue internationaux renforcés afin de résoudre ce problème tout au long des chaînes d'approvisionnement ", indiquent les auteurs du rapport " No Harm ". Ici aussi on pointe le manque de transparence dans la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique qui rend l'origine des API difficile, voire impossible, à retracer. Voilà pourquoi l'une des recommandations vise à obliger les entreprises pharmaceutiques à communiquer les informations relatives à la chaîne allant de la production à la distribution dans une base de données publique en ligne. Le renforcement des évaluations des risques environnementaux est nécessaire parce que, contrairement aux médicaments vétérinaires, les aspects environnementaux ne sont pas pris en compte par l'EMA pour les autorisations de mise sur le marché d'un nouveau médicament. Ces risques ne sont pas non plus pris en compte lors du développement des nouveaux médicaments, ni par la pharmacovigilance. Health Care Without Harm fait encore d'autres suggestions: médicaments présentant un risque environnemental disponibles uniquement sur ordonnance ; formation des professionnels de la santé sur l'impact environnemental des médicaments ; interdiction de la publicité pour les produits OTC présentant un risque pour l'environnement ; système d'écoclassification (à l'instar de la base de données suédoise sur les produits pharmaceutiques et l'environnement) ; harmonisation des systèmes de collecte des médicaments dans l'UE ; informations sur l'élimination des médicaments sur les emballages et dans les pharmacies... Signalons que la Semaine européenne de l'énergie durable, qui met le vert et le numérique au service de la transition énergétique de l'Europe, aura lieu du 26 au 30 septembre.