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Contrairement à la légende qui voudrait faire de van Gogh un artiste maudit, pour l'unique raison qu'il a sans doute terminé sa vie en se suicidant, l'exposition van Gogh et les siens, à la suite du livre Le capital de van Gogh, a la bonne idée de montrer que si Vincent avait un caractère fort, pas facile - c'est peu dire, et autocentré (mais bon c'était un créateur) -, il n'eut rien de l'artiste seul, maudit et, la plupart du temps, torturé.L'exposition en profite pour déployer dans son propos surtout les premières années de la vie et de l'oeuvre de Vincent, notamment avant la frénésie artistique qui s'empare de lui au cours des dernières années. Elle dresse d'abord au travers de 99 tableaux, livres, documents et lettres le portrait familial de Vincent, dont les premières oeuvres, émouvantes à défaut d'être magnifiques, le voit décrire son grand-père.... Vincent en 1881 ou sa soeur adorée Wille-mina : deux premiers portraits, des dessins qui datent du début de sa période artistique.Avant cela, Vincent a abandonné une carrière de marchand d'art à La Haye, Londres et Paris ou de prédicateur dans le Borinage. Si sa mine... de plomb Le Presbytère et l'église d'Etten en 1876 à 23 ans à un caractère naïf, l'on y sent déjà, lors de son séjour dans l'une de ses communautés dont son pasteur de père aura la responsabilité, son talent ou du moins son amour pour la pratique artistique.Déménageant à La Haye, il suit des cours chez Anton Mauve où il perfectionne sa technique au travers notamment de natures mortes, auxquelles il reviendra bien plus tard et y rencontre Herman van der Weele présent avec un Intérieur d'une grange notamment, lequel le pousse à partir peindre au grand air. Par ailleurs, on l'oublie, mais Vincent vivra un concubinage d'un an avec une ancienne prostituée et ses deux enfants : ce qui nous vaut de découvrir des dessins touchants de vie intime, Fille agenouillée devant un berceau en 1883, ou une Fillette au châle de profil, qui semble déjà annoncer L'Arlésienne, présente plus loin dans l'exposition.Van Gogh reviendra d'ailleurs à cette période de semblant de vie de famille à la toute fin de son existence : Le vieillard affligé en mai 1890 est une réinterprétation du Vieux pêcheur assis datant de 1883 auquel il est comparé.Rentrant à Nuenen, nouveau lieu de prêche de son pasteur de père (toujours en province de Brabant), il y est bien accueilli par ses parents, même si les disputes ne manquent avec le paternel. Conséquence, Vincent installe très vite son atelier dans le village. Son style s'affirme son Jardin du presbytère à Nuenen (presbytère où résident ses parents) à un côté lumineux, symboliste même, et pourtant rehaussé d'un ciel bleu qui rappelle la peinture flamande renaissante. Il y rencontre son meilleur ami hollandais et artiste : Anthon van Rappard, lequel est de l'école de La Haye, friande de thématiques sociales ( Femme bobinant du fil, Nuenen 84) et de tons gris et sombres.Autre facette inconnue que l'exposition révèle, celle d'un van Gogh professeur qui s'occupe en 1884 de quatre étudiants victimes de sa rudesse, entre autres Anton Kerssmakers, dont le style naturaliste éclate dans un paysage d'automne, exhibé parmi les autres élèves, aux côtés des paysages de moulin cette fois de Vincent et d'une nature morte de lui même : une autre de ces raretés des débuts où l'artiste ne se réfère pas aux grands hollandais du 17e comme Willem Claeszoon Heda, mais les conçoit comme un exercice sur les couleurs.Épris d'une vraie compassion pour les paysans ou les mineurs, c'est l'époque où van Gogh " croque " Les mangeurs de pommes de terre, une famille avec qui il a sympathisé, mais chef-d'oeuvre dont l'expo n'a hélas qu'une lithographie à proposer. Reste tout de même une peinture de tête de femme et un dessin de figure d'homme pour évoquer l'étude des mains et des visages qui occupera longtemps van Gogh durant son séjour à Nuenen. Séjour qui s'interrompt brutalement après le décès soudain de son père. Quelques mois plus tard, il signe une Nature morte à la Bible qui voit le "Livre" de son père voisiné avec une version élimée de La joie de vivre de Zola. Contraste entre les idées obsolètes de son père et celle moderne de son fils, pour qui il est temps de rejoindre l'académie d'Anvers et puis Paris.La-bas, il rencontre Pissarro (Autoportrait à l'eau-forte), Gauguin (Portrait par Man-zana-Pissarro), Louis Anquetin (présent entre autres avec Le vieux paysan qui marquera van Gogh) ou John Peter Russel qui réalise un portrait renaissant magnifique de van Gogh en peintre, lequel a des allures de Lambert Lombard dans son autoportrait. Paul Signac (dont le portrait est signé Maximilien Luce) est son plus grand supporter, plus encore que Toulouse-Lautrec (portraituré par Charles Maurin) qui provoque en duel le peintre Debroux au Salon des XX de Bruxelles, lequel a injurié le travail de Vincent, avec son frère Théo bien sûr. Le portrait de ce dernier, mis en regard de celui de son frère par lui-même à l'été 87, insiste sur leur saisissante ressemblance.Quant à Émile Bernard que l'on peut voir en photo de face sur les bords de Seine discutant avec un homme au chapeau de dos qui n'est autre que van Gogh, il est un peu le petit frère que Vincent corrige parfois vertement, et qui se veut un tenant du cloisonisme aux contours bien marqués qu'il a élaboré avec Anquetin (Chiffonnier pêchant, 1885).La suite de l'expo, sobrement présentée, est plus connue et vaut plutôt par les lettres et documents : il y a bien le portrait bigarré de Marcelle Roulin, de la même en berceuse, de L'Arlésienne à côté d'un autoportrait de Gauguin ou un dessin de l'Arlésienne par ce dernier qui insiste sur les liens unissant Gauguin et van Gogh, mais surtout de ce dernier avec le couple Ginoux notamment. Des missives également de Signac à Vincent (et de celui-ci illustré d'un dessin à Paul) qui le visite à Arles et peint sur aquarelle plus de quarante ans après la mort du peintre hollandais, La maison jaune où il vécut.La dernière salle qui concerne Auvers ne présente que trois eaux-fortes dont deux du docteur Gachet, un portrait de notre compatriote Eugène Boch par van Gogh, de lettres éplorées de Boch, de Pissarro, de Toulouse-Lautrec ou de Gauguin notamment à son frère.Cette oraison se termine par une épitaphe picturale : le portrait de Jo van Gogh-Bonger par Isaac Israëls (qui appartient également à l'école de La Haye), veuve de Théo, décédé six mois après son frère, laquelle consacrera sa vie à faire connaître le travail de Vincent, par la vente de ses oeuvres et la publication de la correspondance entre les deux frères. Son fils... Vincent Willem van Gogh confie les 200 tableaux, 500 dessins et la quasi-totalité des lettres à la Vincent van Gogh Fondation qui les déposera en prêt permanent au musée van Gogh, grand fournisseur des oeuvres et documents présents dans cette édifiante et intéressante exposition.