La recherche scientifique ne cesse de nous étonner. Il y a un peu plus d'un an, des chercheurs irlandais annonçaient avoir découvert le 79e organe du corps humain : le mésentère, une cloison qui relie l'intestin à la paroi abdominale. Désormais, il est question d'un 80e organe, l'"interstitium".
Ce nouvel organe, potentiellement le plus grand du corps humain, pourrait en fait se révéler comme la pièce manquante de notre vaste puzzle anatomique. Il a pu être découvert grâce à une technique d'imagerie histologique in vivo, l'endomicroscopie confocale à base d'une sonde laser qui permet d'observer en temps réel ce qui se passe à l'intérieur même des tissus.
Pour réaliser ce travail, l'équipe a recueilli des échantillons de tissus des voies biliaires au cours de chirurgies du cancer qui visaient à ôter le pancréas et le cholédoque. La nouvelle technique a été utilisée tant que les tissus étaient toujours irrigués, quelques minutes avant de bloquer le flux sanguin. Ainsi, les scientifiques ont pu voir un réseau de voies interstitielles qui n'avait jusque-là aucun corrélat anatomique.
Jusqu'ici, l'organe découvert était resté invisible car, avec la méthode traditionnelle, les lames d'étude employées détruisaient sa structure. L'usage de l'endomicroscopie confocale a permis de résoudre ce problème.
Appelé pour le moment "interstitium", en raison de sa structure interstitielle, cet organe serait une couche de tissus située dans plusieurs régions du corps humain, notamment sous la peau, autour des poumons, du système digestif et des voies urinaires, entre les muscles et sur une grande partie du système circulatoire. Jusqu'alors elle était considérée comme "compacte" mais les chercheurs ont réalisé que sa structure est plus complexe et interconnectée de micro-compartiments soutenus par un réseau de protéines fortes et flexibles et contenant la lymphe, un liquide biologique blanchâtre circulant dans l'ensemble du corps. Cette complexité permet de classer l'"interstitium" dans la catégorie des organes à part entière.
Selon les auteurs de l'étude, la fonction principale de cet organe consisterait à protéger les tissus qu'il recouvre contre les dommages. Ses compartiments agissent comme des amortisseurs empêchant les tissus de se déchirer lorsque les organes, les muscles et les vaisseaux pressent, pompent et pulsent. Mais en fournissant une voie pour que le liquide se déplace dans le corps, il pourrait également faciliter la propagation dans l'organisme des cellules tumorales invasives, en particulier dans les ganglions lymphatiques, et donc être impliqué dans le processus de métastase de certains cancers.
La découverte pourrait donc non seulement améliorer la compréhension du fonctionnement des organes et tissus du corps humain mais aussi permettre de développer de nouveaux tests de détection du cancer. "Elle pourrait conduire à des avancées spectaculaires en médecine, comme la possibilité d'échantillonner directement du liquide interstitiel et en faire un puissant outil de diagnostic," confirme le Pr Neil Theise.
Ceci dit, le nouvel organe doit encore être validé comme tel par la communauté scientifique, ce qui implique qu'un consensus se développe autour de l'idée à mesure que d'autres chercheurs l'étudient.
(référence : Scientific Reports, 27 mars 2018, doi:10.1038/s41598-018-23062-6)