Contexte

De nombreuses personnes sont confrontées, avec l'âge, à de petites modifications de leurs capacités mnésiques et cognitives. Lorsque ces changements sont plus marqués qu'on ne pourrait s'y attendre dans le cadre du vieillissement normal, on parle d'un trouble cognitif léger - un phénomène qui n'affecte généralement guère le fonctionnement quotidien en lui-même, mais qui est associé à un risque accru de démence ultérieure.

D'aucuns ont suggéré qu'une supplémentation en vitamines et minéraux pourrait ralentir la dégradation de la mémoire et d'autres fonctions cognitives chez les personnes victimes d'un trouble cognitif léger, et même réduire leur risque de développer une vraie démence.

Cette revue Cochrane s'est penchée sur cette allégation en récoltant des études comparant des suppléments oraux de vitamines et minéraux à un placebo chez des sujets atteints d'un trouble cognitif léger. Dans la mesure où l'objectif était d'investiguer la question dans une population générale de personnes âgées confrontées à un tel déclin cognitif, les études portant sur des patients avec de graves carences en vitamines ou minéraux ont été exclues. Les principaux critères d'évaluation pris en considération étaient 1 le nombre de participants développant une démence et2 la fonction cognitive générale.

Synthèse des résultats

La revue a inclus un total de huit études portant sur diverses vitamines et un minéral, le chrome.

Cinq études (chez un total de 879 participants) ont investigué les effets d'une supplémentation en vitamine B ; quatre d'entre elles portaient sur une combinaison de vitamine B6, de vitamine B12 et d'acide folique à différentes doses, une sur l'acide folique seul. Aucun de ces travaux ne s'est intéressé au nombre de patients développant une démence. La fonction cognitive générale des individus ayant bénéficié d'une supplémentation en vitamine B pendant 6 à 24 mois ne semblait pas supérieure à celle des sujets qui avaient reçu un placebo (différence moyenne : 0,44 sur une échelle de 0 à 30, IC 95 %$ de -0,23 à 1,12 ; 3 études, 488 participants). Les scores à différents sous-domaines tels que la mémoire des événements personnels, la fonction exécutive ou le temps de réaction n'étaient pas plus élevés chez les patients supplémentés, et la qualité de vie non plus ne différait pas entre les deux groupes. Une seule étude a observé que le volume du cerveau avait moins diminué chez les personnes qui avaient pris des suppléments de vitamine B pendant deux ans, mais l'effet sur le risque de démence ou la fonction cognitive n'a pas été mesuré ou décrit.

Une supplémentation en vitamine E d'une durée de trois ans n'abaissait pas le risque de survenue de la maladie d'Alzheimer chez les sujets victimes d'un trouble cognitif léger (hazard ratio : 1,02, IC 95 % de 0,74 à 1,41 ; 1 étude, 516 participants), et les mesures intermédiaires non plus n'ont mis au jour aucune différence. Les auteurs de cette même étude ont en outre rapporté qu'ils n'avaient observé aucun effet sur la mémoire ou les facultés cognitives.

La fonction cognitive n'était pas supérieure chez les participants qui prenaient une combinaison de vitamines E et C (différence moyenne : 0,23, IC 95 % de -0,25 à 0,71 ; 1 étude, 256 participants). Seule une étude à petite échelle (26 participants) a comparé la prise de suppléments de chrome à un placebo. Là non plus, les auteurs n'ont trouvé aucune différence entre le groupe intervention et le groupe contrôle au niveau de la mémoire des événements personnels.

Remarque

Les données récoltées dans le cadre de cette étude étaient de qualité modérée à très faible et le nombre de participants relativement faible rendait les résultats imprécis. Les intervalles de confiance très larges trahissent une possibilité que les suppléments étudiés aient en réalité un effet positif... ou négatif ! Le petit nombre et la faible qualité des études ne permettent toutefois pas de conclure à un quelconque impact des suppléments de vitamines ou minéraux.

Conclusion

Chez les personnes qui présentent un trouble cognitif léger, la vitamine E n'a probablement aucun effet sur le risque de développer une démence. Les suppléments de vitamines B ou E ne ralentissent vraisemblablement pas non plus le déclin de fonctions cognitives comme la mémoire ou la réflexion dans ce public spécifique.

Implications pour la pratique

Dans l'état actuel de nos connaissances, une supplémentation en vitamines ou minéraux n'a pas sa place dans la prise en charge des personnes confrontées à un trouble cognitif léger. Il n'existe provisoirement aucune preuve qu'elle puisse abaisser le risque de démence ou améliorer la mémoire ou les facultés de réflexion.

McCleery J, Abraham RP, Denton DA, Rutjes AW, Chong LY, Al-Assaf AS, Griffith DJ, Rafeeq S, Yaman H, Malik MA, Di Nisio M, Martínez G, Vernooij RW, Tabet N. Vitamin and mineral supplementation for preventing dementia or delaying cognitive decline in people with mild cognitive impairment. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Nov 1;11:CD011905.

1 Cochrane Belgium, Cebam (Centre belge d'Evidence-Based Medicine)

2 CEBaP (Centre d'Evidence-Based Practice) de la Croix-Rouge de Flandre

Consultez le texte de cette revue Cochrane dans son intégralité via la Cebam Digital Library for Health www.cebam.be/fr/cdlh

De nombreuses personnes sont confrontées, avec l'âge, à de petites modifications de leurs capacités mnésiques et cognitives. Lorsque ces changements sont plus marqués qu'on ne pourrait s'y attendre dans le cadre du vieillissement normal, on parle d'un trouble cognitif léger - un phénomène qui n'affecte généralement guère le fonctionnement quotidien en lui-même, mais qui est associé à un risque accru de démence ultérieure.D'aucuns ont suggéré qu'une supplémentation en vitamines et minéraux pourrait ralentir la dégradation de la mémoire et d'autres fonctions cognitives chez les personnes victimes d'un trouble cognitif léger, et même réduire leur risque de développer une vraie démence.Cette revue Cochrane s'est penchée sur cette allégation en récoltant des études comparant des suppléments oraux de vitamines et minéraux à un placebo chez des sujets atteints d'un trouble cognitif léger. Dans la mesure où l'objectif était d'investiguer la question dans une population générale de personnes âgées confrontées à un tel déclin cognitif, les études portant sur des patients avec de graves carences en vitamines ou minéraux ont été exclues. Les principaux critères d'évaluation pris en considération étaient 1 le nombre de participants développant une démence et2 la fonction cognitive générale.La revue a inclus un total de huit études portant sur diverses vitamines et un minéral, le chrome.Cinq études (chez un total de 879 participants) ont investigué les effets d'une supplémentation en vitamine B ; quatre d'entre elles portaient sur une combinaison de vitamine B6, de vitamine B12 et d'acide folique à différentes doses, une sur l'acide folique seul. Aucun de ces travaux ne s'est intéressé au nombre de patients développant une démence. La fonction cognitive générale des individus ayant bénéficié d'une supplémentation en vitamine B pendant 6 à 24 mois ne semblait pas supérieure à celle des sujets qui avaient reçu un placebo (différence moyenne : 0,44 sur une échelle de 0 à 30, IC 95 %$ de -0,23 à 1,12 ; 3 études, 488 participants). Les scores à différents sous-domaines tels que la mémoire des événements personnels, la fonction exécutive ou le temps de réaction n'étaient pas plus élevés chez les patients supplémentés, et la qualité de vie non plus ne différait pas entre les deux groupes. Une seule étude a observé que le volume du cerveau avait moins diminué chez les personnes qui avaient pris des suppléments de vitamine B pendant deux ans, mais l'effet sur le risque de démence ou la fonction cognitive n'a pas été mesuré ou décrit.Une supplémentation en vitamine E d'une durée de trois ans n'abaissait pas le risque de survenue de la maladie d'Alzheimer chez les sujets victimes d'un trouble cognitif léger (hazard ratio : 1,02, IC 95 % de 0,74 à 1,41 ; 1 étude, 516 participants), et les mesures intermédiaires non plus n'ont mis au jour aucune différence. Les auteurs de cette même étude ont en outre rapporté qu'ils n'avaient observé aucun effet sur la mémoire ou les facultés cognitives.La fonction cognitive n'était pas supérieure chez les participants qui prenaient une combinaison de vitamines E et C (différence moyenne : 0,23, IC 95 % de -0,25 à 0,71 ; 1 étude, 256 participants). Seule une étude à petite échelle (26 participants) a comparé la prise de suppléments de chrome à un placebo. Là non plus, les auteurs n'ont trouvé aucune différence entre le groupe intervention et le groupe contrôle au niveau de la mémoire des événements personnels.Les données récoltées dans le cadre de cette étude étaient de qualité modérée à très faible et le nombre de participants relativement faible rendait les résultats imprécis. Les intervalles de confiance très larges trahissent une possibilité que les suppléments étudiés aient en réalité un effet positif... ou négatif ! Le petit nombre et la faible qualité des études ne permettent toutefois pas de conclure à un quelconque impact des suppléments de vitamines ou minéraux.Chez les personnes qui présentent un trouble cognitif léger, la vitamine E n'a probablement aucun effet sur le risque de développer une démence. Les suppléments de vitamines B ou E ne ralentissent vraisemblablement pas non plus le déclin de fonctions cognitives comme la mémoire ou la réflexion dans ce public spécifique.Dans l'état actuel de nos connaissances, une supplémentation en vitamines ou minéraux n'a pas sa place dans la prise en charge des personnes confrontées à un trouble cognitif léger. Il n'existe provisoirement aucune preuve qu'elle puisse abaisser le risque de démence ou améliorer la mémoire ou les facultés de réflexion.