...

La prise en charge de la douleur inflammatoire chronique est un enjeu de santé important, car elle concerne beaucoup d'individus à travers le monde et engendre de nombreuses répercussions sur le plan psychologique et social. Mais les traitements classiques existants présentent de lourds inconvénients. Les plus efficaces d'entre eux, les opiacés, dont le plus utilisé est la morphine, sont à l'origine d'effets secondaires dangereux, comme la dépression respiratoire mais aussi l'addiction et l'accoutumance.Aux États-Unis, c'est même un vrai fléau national : 11 millions d'individus en sont dépendants, et 115 personnes décèdent chaque jour d'un surdosage, ce qui en fait l'une des causes principales de la diminution de l'espérance de vie depuis quelques années. On comprend dès lors que de nombreux souffrants rêvent de pouvoir disposer d'un médicament ciblant la zone de la douleur sans provoquer les effets secondaires graves des traitements habituels. Or, ce médicament antalgique semble être à portée de main des scientifiques.Pour le mettre au point, l'équipe dirigée par Patrick Couvreur a travaillé sur la leu-enképhaline, un neuropeptide endogène capable d'agir sur les récepteurs liés à la douleur, sans effet secondaire. Cependant, cette molécule est habituellement métabolisée par le corps en quelques minutes et est par conséquent dans l'incapacité de déclencher un effet analgésique.Les chercheurs ont alors eu l'idée de coupler la leu-enképhaline à un lipide, produit naturellement par le corps humain, le squalène. Le tout forme des petites particules, appelées "leu-enképhaline-squalènes", qui délivrent leur principe actif dans la zone inflammatoire douloureuse, et n'agissent que sur celle-ci. Cette manipulation a permis de protéger la leu-enképhaline de la métabolisation, et de prolonger son action antalgique."Grâce à l'utilisation d'antagonistes des récepteurs aux opiacés qui ne pénètrent pas la barrière hémato-encéphalique, une frontière naturelle qui protège le cerveau des agents pathogènes, il a été observé que, contrairement à la morphine, les nanoparticules de leu-enképhaline-squalène épargnaient le tissu cérébral et agissaient exclusivement au niveau des récepteurs périphériques", détaillent les auteurs. "C'est ce phénomène qui permettrait de contourner le risque d'addiction."Ce nouveau médicament, assemblé à l'échelle nanométrique, a été un succès chez les rats, avec un effet antidouleur "important et prolongé", et une efficacité qui serait même supérieure à celle de la morphine.Prometteuse, cette découverte ouvre une nouvelle perspective intéressante pour un traitement efficace de la douleur inflammatoire chronique, tout en diminuant l'addiction aux opiacés.(référence : Sciences Advances, 13 février 2019, DOI : 10.1126/sciadv.aau5148)