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Il y a six mois environ, notre pays franchissait une étape importante dans l'usage rationnel des antibiotiques chez les animaux, en se dotant du centre d'expertise AMCRA (AntiMicrobial Consumption & Resistance in Animals), sorte de pendant vétérinaire du BAPCOC qui analyse et adapte l'usage antibiotique dans la médecine humaine. Car même en médecine vétérinaire, notre pays fait partie des plus gros consommateurs européens d'antibiotiques. " Via l'AMCRA, tous les acteurs concernés sont réunis et peuvent chercher ensemble des mesures concrètes pour promouvoir un usage rationnel. Bien sûr, l'objectif est de parvenir à une diminution de la consommation d'antibiotiques. Mais nous n'avons certainement pas l'intention de les supprimer purement et simplement. Nous cherchons des alternatives pour diminuer le recours préventif aux antibiotiques ", explique le Professeur Dewulf. Résistance Revers de la médaille des antibiotiques : le phénomène de résistance. Une tendance croissante qui concerne de nombreux germes pathogènes chez les animaux. " Ces bactéries ne réagissent plus suffisamment, voire plus du tout à certains antibiotiques. A terme, les maladies infectieuses pourraient donc devenir intraitables. Cette tendance comporte en outre des risques potentiels pour la santé humaine. Les germes résistants des animaux se répandent en effet dans l'environnement et peuvent toucher l'homme ou être transmis directement de l'animal à l'homme. Si les bactéries des animaux ne survivent guère longtemps chez l'homme, les études semblent indiquer que ces germes résistants sont tout à fait capables d'échanger leurs gènes résistants pour porter les variantes humaines de ces bactéries. Ils deviennent ainsi une source potentielle de résistance chez l'homme. "Hommes vs animaux La médecine vétérinaire dispose de presque toutes les classes d'antibiotiques utilisées en médecine humaine. " Par contre, la médecine vétérinaire recourt aussi à une série de classes qui ne peuvent pas, ou rarement, être utilisées chez l'homme. Les nouveaux antibiotiques sont rarement attendus pour un usage vétérinaire. Ils ne sont d'ailleurs que très peu développés. Quand de nouveaux produits voient le jour, ils sont interdits pour un usage humain. Ce qui remet le doigt sur la nécessité de manier avec la plus grande prudence les produits actuels. Il s'agit là d'une matière éminemment complexe. L'histoire de l'antibiotique colistine l'illustre parfaitement. Ce médicament est administré aux animaux avec succès depuis environ trente ans. Il n'est utilisé que très rarement en médecine humaine en raison de sa forte toxicité. Du fait de l'émergence de BLSE et de germes carbapénèmes résistants, la médecine humaine ne disposait d'aucun autre médicament que la colistine. Mais la médecine humaine envoie de plus en plus de signaux aux vétérinaires pour les encourager à se passer de la colistine afin de la conserver pour un usage humain. Ils craignent en effet que cet antibiotique ne perde de son efficacité chez les hommes. Alors que la colistine n'a jusqu'à présent rencontré que peu de résistance en médecine vétérinaire. "Manque de diagnostic En vétérinaire, les antibiotiques sont utilisés pour les traitements curatifs de nombreuses maladies infectieuses. Mais dans la pratique, ils sont également souvent administrés dans un but préventif ou stratégique. Par exemple pour empêcher que tout l'étable ne soit infecté. " C'est là que le bât blesse. Et nous voulons changer cette approche. "Concrètement " Nous pensons à plusieurs interventions comme des formations adaptées pour les vétérinaires et les agriculteurs, qui leur permettraient de se recycler au niveau du diagnostic et d'un usage rationnel des antibiotiques. Les traitements antibiotiques préventifs ne devraient plus être entamés à l'avenir, sauf si un diagnostic confirme la présence d'une maladie infectieuse. Cela serait certainement d'application pour les antibiotiques 'critiques' comme les quinolones et les céphalosporines et ceux de 3e et 4e générations. Le point de départ de notre conseil n'est pas d'interdire les produits, mais bien de les soumettre à des exigences strictes. Pour les vétérinaires, une telle approche via le diagnostic serait un véritable up grade de leur profession. Des défis bien plus importants que simplement éteindre des incendies. " u