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Dans une salle des congrès chauffée malgré les 23 supportables degrés extérieurs, seules une quinzaine de personnes sont présentes. Preuve s'il en est que l'IC est méconnue, voire mise de côté. " L'important n'est pas la quantité mais la qualité ", indique en ouverture de séance André Frédéric (PS), vice-président de la chambre des représentants et député siégeant en Commission santé fédérale. Avant de préciser : " Vous avez, au moins, face à vous deux personnes qui n'y connaissent rien : M. Gustin, député MR, et moi-même. Nous sommes des généralistes, et quand je dis généralistes, c'est très, très généralistes. "Pourtant, les chiffres sont là : l'insuffisance cardiaque est une maladie chronique grave et évolutive qui touche plus de 200.000 Belges. 15.000 nouveaux cas sont détectés chaque année, soit près d'une quarantaine de nouveaux cas par jour. Cela ne va pas aller en s'améliorant puisque d'ici 2030, on estime une augmentation de 30% à 40% des patients souffrant d'IC en Europe. Un fardeau sociétal L'insuffisance cardiaque est une situation dans laquelle le coeur est incapable d'assurer sa fonction de pompe et de répondre aux besoins de l'organisme. " C'est une maladie chronique méconnue au sein des maladies chroniques ", regrette le Dr Pierre Troisfontaines, président du Groupe de travail belge de l'insuffisance cardiaque. " On parle de l'insuffisance rénale, du diabète, mais souvent, l'IC n'est pas reprise au sein de ces maladies chroniques. "La maladie s'accompagne d'hospitalisations répétées qui aggravent la situation du patient, mais également du budget de la sécurité sociale. L'IC représente 1 à 2% du budget global de la santé publique dans les pays industrialisé (1.77% du budget en Belgique en 2013, soit 149 millions d'euros1 liés aux coûts d'hospitalisations pour IC). " La maladie est un fardeau, pour le patient et son entourage bien sûr, mais également pour l'économie ", estime pour sa part le Pr Olivier Gurné (UCL). " Le problème est croissant, on est face à une épidémie. Nous devons dès lors avoir une prise en charge globale de la maladie pour faire face. " Les priorités Les priorités sont nombreuses. Une charte a été lancée en décembre 2013 lors du premier colloque scientifique pluridisciplinaire sur l'insuffisance cardiaque. Cette charte développe six axes : le dépistage, la sensibilisation, l'éducation, l'approche pluridisciplinaire, la revalidation cardiaque et la recherche." On appelle, comme c'était déjà le cas en 2014 avec la ministre Onkelinx, à ce qu'on soutienne la recherche et l'innovation pour lutter contre l'IC ", plaide fermement le Dr Troisfontaines. " En Belgique, en 2013, le groupe de travail, avec la Ligue cardiologique belge et différentes facultés de médecine, a lancé cette charte, signée aujourd'hui par plus de 12.000 personnes. Une série de mesures sont demandées. L'IC doit devenir une priorité nationale en termes de santé publique. Il faut développer des campagnes de sensibilisation et favoriser le dépistage précoce. Il faut également une approche globale, pluridisciplinaire, avec le patient au centre. Cela permettrait de réduire de 30% la mortalité liée à l'IC. Enfin, il faut investir les moyens et les ressources nécessaires dans la première ligne car nous avons besoin des généralistes. Ce sont eux qui sont en contact quotidien avec les patients. " Le rôle du pharmacien Alain Chaspierre, vice-président de l'Association pharmaceutique belge (APB) soutient pleinement l'idée d'une approche pluridisciplinaire. " Vous avez parlé de la première ligne et de la deuxième ligne. Les pharmaciens ont également un rôle important à jouer. Chaque jour, 500.000 patients poussent les portes des officines et je pense qu'on doit réfléchir en termes d'interactions. "Pour le vice-président de l'APB, le pharmacien tient un rôle important dans l'éducation, l'encadrement et l'observance thérapeutique. " Un rôle que nous pouvons jouer en interne est de créer des formations pour que les pharmaciens reconnaissent les signes d'alarme, étant donné que le pharmacien peut jouer le rôle de centre d'orientation. Il y a également l'aspect interactions médicamenteuses, notamment avec la prise d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens qui n'est pas du tout recommandée chez ces patients. Et puis il y a l'observance thérapeutique. Nous avons les chiffres des médicaments remboursés, et les patients IC ont tendance, parfois, et c'est tout à fait naturel, à privilégier certains médicaments. C'est le cas, par exemple, des diurétiques car l'effet est notable. Les patients laissent de côté les médicaments dont ils estiment que l'effet est moindre. " Une information que corrobore le Dr Troisfontaines. " Près de 50% des réadmissions de patients IC sont liées à l'observance thérapeutique. En moyenne, un insuffisant cardiaque, c'est 5 à 10 médicaments par jour. C'est la réalité de son quotidien. Parfois les patients en oublie, parfois ils en ont marre. L'administration peut être lourde."Pour arriver à un langage commun entre médecins et pharmaciens, un outil existe: la concertation médico-pharmaceutique. " Malheureusement, on constate que l'approbation des sujets au niveau de l'Inami est très lente. Mais je pense que concernant l'IC, au niveau local, les médecins et les pharmaciens doivent trouver des modalités d'interactions, ce qui serait bénéfique pour le patient. Une information uniforme de la part des différents acteurs de santé est élémentaire. On voit aujourd'hui pléthore d'informations disparates, notamment sur les sites internet. "