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Mandatée par une noble italienne pour se rendre sur une île bretonne et y exécuter le portrait de sa fille, sortie du couvent pour remplacer une soeur qui a préféré se suicider plutôt que d'avoir à subir un mariage arrangé, Marie doit faire semblant d'accompagner Héloïse dans ses nombreuses promenades et profiter de ces moments pour mémoriser les traits de son modèle, lequel s'est déjà une fois refusé à poser pour un peintre.Après quelques jours, les jeunes femmes se rapprochent, se frôlent presque, et devant l'échec d'une première tentative, Héloïse accepte de poser, et donc de se soumettre au désir de l'artiste...Film de regards, de silences et de gestes, Portrait de la jeune fille en feu rend entre autres hommage à Vigée Le Brun, femme peintre de la fin du 17è célèbre pour ses portraits, notamment de Marie-Antoinette. Le film restitue cette époque dans une Bretagne où le vent tourmente les sentiments et où les vagues se déchaînent sur les rochers comme les caresses sur les corps. La mère y est complice de l'ordre établi, tempère les ardeurs amoureuses des jeunes femmes, dans ce film quasi exclusivement féminin dont une jeune servante joue un rôle plus que secondaire dans ce tableau ardant. Tableau, car l'on pense, à cause de la lumière, à de La Tour, à Chardin pour des natures loin d'être mortes, aux carnations de Rubens, voire à l'origine du monde même s'il est postérieur, sans mauvais jeu de mots.Les évocations cinématographiques abondent à la vision de ce beau film épuré : Tous les matins du monde pour sa simplicité lumineuse, Le piano pour les scènes de rivages, La belle noiseuse pour les séances de peinture et surtout Les hauts de Hurlevent d'Andrea Arnold pour l'atmosphère, le côté organique, tableau vivant de chair tremblante comme une flamme (le film crépite véritablement).L'interprétation de Noémie Merlant (Marianne) en artiste volontaire, grave, un peu masculine dans ses traits et ses attitudes (elle fume), celle de l'artiste croyant un temps - très court - dominer son modèle, et Adèle Haenel (vue dans La fille inconnue des Dardenne) et son beau visage miroir, campe une Héloïse dont la caméra de Sciamma magnifie la bouche boudeuse, un peu amère, les yeux d'un bleu de larmes salées. Bref, c'est beau de chagrin.Esquisse d'un amour puis de son portrait, un film de femmes, souvent solidaires, d'une délicatesse et d'un érotisme féminin (les bonheurs de " Saphie " ? ) et donc prévenant, ce qui n'empêche pas une passion violente et une réflexion sur la possession, et l'amour comme souvenir, plus encore que comme vécu...