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La douleur est un signal d'alarme important. " Cependant, quand la menace dure dans le temps, notre cerveau apprend à prédire son évolution ", note Dounia Mulders, postdoctorante à l'Institut de neuroscience de l'UCLouvain (IoNS) et chargée de recherches FNRS. " Dans l'étude que nous venons de publier, nous nous sommes intéressés aux attentes qu'on a par rapport à ces stimulations douloureuses. " L'équipe de l'IoNS de l'UCLouvain a soumis 31 volontaires à des séquences de stimuli thermiques (soit chaud, soit froid, chaque séquence possédant des structures distinctes- majorité de stimuli chauds ou froids, nombreuses répétitions chaud-chaud ou froid-froid, nombreuses alternances d'intensité...). " Ainsi, on faisait varier les attentes de manière continue au cours des séquences ", ajoute-t-elle. " Au fur et à mesure qu'ils recevaient des stimuli, les participants étaient de plus en plus sûrs qu'ils avaient identifié certaines structures. La douleur, c'est vraiment une expérience consciente, c'est une interprétation d'un stimulus externe qui est influencée par toute une série de facteurs (nos expériences, notre mémoire, nos émotions ...). Ici, les facteurs qu'on a contrôlés, ce sont les attentes et les certitudes qui y sont associées au cours des séquences. " La signification fonctionnelle des résultats d'un EEG en réponse à la douleur a longtemps été débattue en raison de leur grande variabilité. Cette étude indique que cette variabilité peut être partiellement liée à la certitude des prévisions probabilistes émergeant des séquences de stimuli douloureux. Les chercheurs ont en effet découvert qu'une grande incertitude concernant la stimulation qui va arriver mène à une plus grande activité neuronale. Autrement dit, lorsque le sujet sait avec certitude quel type de stimulus il va recevoir, ses activités cérébrales s'en trouvent réduites. Cela indique que le cerveau se fie davantage aux anticipations faites par le sujet qu'au stimulus qui est réellement appliqué,il se fie moins aux entrées sensorielles lorsque la certitude est plus élevée. Autre effet également mis en évidence: l'incertitude à propos des intensités douloureuses futures joue un rôle clé dans l'apprentissage de la structure de leur séquence (c'est-à-dire dans quel ordre, avec quelle intensité et à quel rythme les stimuli apparaissent). C'est la compréhension des bases de ces mécanismes que les chercheurs proposent dans cette première étude dont les résultats sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy Sciences. Pour Dounia Mulders, ces observations s'appliquent aux douleurs non ponctuelles: " En fait, si on parvenait à avoir de fortes certitudes dès le début de la séquence de stimuli, on devrait déjà voir cet effet. On s'intéresse aux principes des séquences parce que, d'un point de vue clinique, il est rare que la douleur soit vraiment ponctuelle. Dans le cadre des douleurs chroniques ou postopératoires, la douleur va toujours durer dans le temps et il y aura une évolution temporelle très spécifique à chaque individu. On s'intéresse à ce qui se passe quand cette douleur dure et évolue, comment les prédictions des participants changent et comment cela affecte leurs perceptions et leur réponse cérébrale. " À présent, l'équipe va se pencher sur certains aspects relatifs à la perception de la douleur, par exemple les différences interindividuelles. " Même à intensité constante, notre perception de la douleur peut changer. On pourrait demander aux participants de reporter l'intensité de la douleur perçue sur une échelle continue ", précise-t-elle. " Ce qu'on a étudié, c'était la base, il s'agissait de voir si nos participants étaient capables d'identifier une structure temporelle et petit à petit, de prédire la structure et de construire une confiance et des attentes au cours des séquences. On a montré l'effet sur les réponses cérébrales, j'aimerais montrer l'effet sur la perception de la douleur. Ici, on voit que les réponses cérébrales sont affectées par l'incertitude, mais qu'en est-il de la perception de la douleur, comment cela affecte vraiment l'intensité de la perception: est-ce que ça va augmenter ou diminuerla perception que les sujets ont d'une stimulation douloureuse donnée, avec des caractéristiques fixées? In fine, l'objectif principal de cette étude, c'est de voir comment ces mécanismes des effets des attentes, de l'incertitude, se transposent chez les patients souffrant de douleurs chroniques ou postopératoires. " Ces travaux ouvrent par exemple des perspectives de prise en charge des douleurs chroniques par thérapies comportementales. " Si on parvient à bien identifier les mécanismes de prédiction, c'est en vue de mieux les comprendre pour mieux les contrôler et, peut-être, fournir des conseils, un suivi aux patients leur permettant de mieux contrôler leur perception, de comprendre comment leurs attentes affectent leur perception et d'éviter que cela ne devienne pathologique, que la douleur persiste sans raison externe. Il n'y a pas encore d'études cliniques en cours visant à donner des conseils comportementaux aux patients, mais l'idée est de se diriger vers ça ", conclut Dounia Mulders.