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Les cafés suspendus sont en fait nés en Italie où le 'caffè sospeso' est une tradition de solidarité en vigueur dans les bars napolitains depuis le milieu du XXe siècle. Elle a ensuite essaimé dans les pays voisins et a connu un regain d'intérêt dans les années 2000... jusqu'à sa récente déclinaison " médicamenteuse " dans le Hainaut. " Pour moi, l'argent ne doit plus être un frein à l'accessibilité aux médicaments de première ligne ", explique le Gouytois.La démarche est appréciée par la population et, si les dons se pérennisent, cette opération imaginée pour les mois d'hiver sera prolongée. Si elle n'a pas manqué de créer des jalousies, elle a suscité pas mal de curiosité, jusqu'en France où des médias comme Pharmaradio ont relayé l'information. " J'ai eu les félicitations du président de l'APB et le président national de l'Ordre n'a pas vu de contre-indication à ma démarche à partir du moment où il n'y a pas de volonté de publicité ".Une dizaine de collègues ont directement manifesté leur intérêt : " Ils ont compris que ce côté solidaire pouvait redorer le blason de la profession. On se différencie aussi de la vente par Internet et des chaînes de parapharmacie parce que le contact humain est remis au premier plan. Pour moi, c'est le plus important : le pharmacien a un rôle à jouer pour améliorer l'accès aux médicaments. Le but ultime c'est que cette initiative fasse des émules auprès d'autres pharmaciens indépendants parce qu'ils ont tout à y gagner ".Pour lui, le pharmacien indépendant a un gros problème de communication. " Pourquoi a-t-il tellement peur de se mettre en avant ? Il faut absolument le faire si on ne veut pas disparaître parce qu'en face, nous avons des sociétés qui investissent des millions pour communiquer. Nous sommes dans une société de communication où tout va vite, donc vendons-nous ! Ne restons pas dans l'ombre ! ".C'est aussi Laurent Staquet qui a ouvert un point relais à côté de son officine. Ce qui a lui a valu une plainte d'un confrère auprès de l'Inspection et une autre d'une citoyenne auprès de l'Ordre. " Je suis parfois déçu par ceux qui me jugent sans réfléchir ", continue-t-il : " pourquoi 50% des colis reçus en points relais sont des médicaments ? Il faut arrêter de faire l'autruche et se remettre en question. C'est aussi pour ça que je fais PharmaFiesta (7 mars à Charleroi), pour permettre aux pharmaciens de se rencontrer. "Convoqué à l'Ordre début janvier, il a expliqué qu'il n'agissait pas en rebelle. " Je me mets plus en avant que d'autres, mais je ne donne pas une image négative de la profession. Cela peut être perçu comme une volonté de publicité, de démarchage, mais ce n'est pas le but, cela ne m'apporte pas plus de clients. Beaucoup de pharmaciens n'osent pas innover parce qu'ils craignent l'Ordre. Je leur dit : Osez ! 30% des pharmacies vont disparaître d'ici 10 ans. Moi, je ne veux pas faire partie de ces 30% ! "" Quand on voit le point relais, les médicaments suspendus..., cela peut paraître un peu bling-bling, mais le but est de se rapprocher de la population. J'essaye de trouver des solutions qui me démarquent et qui pérennisent mon activité. On a tout pour réussir : la proximité, l'accessibilité... Si nous arrivons à innover et apporter des services supplémentaires, on redevient incontournable. Mettez-vous à la place de votre patient et les idées vont fuser ! "D'un autre côté, il se dit très optimiste : " Je suis persuadé que le métier de pharmacien va se recentrer sur ses connaissances parce que, dans 10 ans, on n'aura plus besoin de lui pour vendre des boîtes, il fera du dépistage, de la prévention... Ainsi, pour renforcer le côté scientifique, j'ai engagé un pharmacien qui ne fait que des soins pharmaceutiques 1 jour par semaine ".Enfin, dernier point mis en avant par Laurent Staquet : aider les autres, c'est bon pour la santé. " Je suis installé depuis dix ans à Gouy-lez-Piéton et ces médicaments suspendus sont aussi une façon de dire merci aux gens qui font que mon officine se développe. Moralement et psychologiquement, je me sens mieux parce que j'ai le sentiment que j'apporte un plus à mes patients. Vous n'êtes plus considéré comme un vendeur de boîtes, mais comme quelqu'un qui est là pour la population. Ça change tout ! "