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Zorgzaam Leuven est l'un des douze projets pilotes en soins intégrés actuellement en cours en Belgique. "Ces dernières années, l'initiative a constitué, en collaboration avec les prestataires de soins de Louvain, huit équipes de quartier qui se focalisent sur les malades chroniques et les personnes en situation de vulnérabilité", explique Marie Van de Putte, coordinatrice chez Zorgzaam Leuven et administratrice auprès du Vlaams Apothekers Netwerk. "Il peut s'agir de personnes avec des aptitudes de santé limitées, de nouveaux arrivants, de personnes âgées fragilisées ou de personnes qui souffrent de maladies chroniques complexes comme la BPCO ou le diabète." Chacune de ces équipes se compose de prestataires de première ligne tels que généralistes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, coaches en soins oraux, etc., qui développent une collaboration au bénéfice de la population de leur quartier. Elles sont aussi secondées par un coach d'équipe et un coach de soins. Il ne s'agit donc pas d'équipes soignantes, puisqu'elles ne sont pas organisées autour d'un demandeur de soins individuel", clarifie Marie Van de Putte. Les pharmaciens impliqués dans Zorgzaam Leuven proposent, dans la lignée de leurs missions de pharmaciens de référence, des prestations "élargies" définies en fonction des besoins individuels du patient. "À côté de prestations relevant des soins pharmaceutiques de base, comme la mise à jour des schémas de médication, la surveillance médicamenteuse, la sensibilisation à la vaccination et la prévention, cette offre de soins intégrés comprend aussi des interventions "avancées". Il peut s'agir par exemple d'entretiens d'accompagnement de bon usage des médicaments (BUM), d'une réconciliation médicamenteuse après un séjour à l'hôpital, de la livraison des médicaments à domicile pour les personnes peu mobiles, de la coordination des soins en collaboration avec les autres prestataires et même d'actions spécifiques proposées par le pharmacien lui-même", illustre Marie Van de Putte. Dans un premier temps, chaque pharmacien de référence dresse un aperçu de ses patients attitrés, qu'il classe en six catégories (du moins au plus vulnérable) sur la base d'un "triangle de la fragilité". "Cela lui prendra environ deux à trois heures, car il s'agit généralement de personnes qu'il connaît déjà très bien", commente Marie Van de Putte. Sur la base de cette stratification, le pharmacien peut ensuite déterminer quels sont les patients qui retireraient le plus grand bénéfice d'un service "élargi" et sélectionner des groupes-cibles qui assureront la faisabilité de l'initiative. "Il pourra par exemple choisir de se concentrer sur les malades chroniques souffrant de pathologies multiples chez qui on peut espérer un bénéfice de santé conséquent ou au contraire sur les personnes âgées fragiles, sur les sujets aux aptitudes de santé limitées ou sur les soins de confort chez les patients palliatifs. Certains décident aussi de proposer ces services élargis pour plusieurs groupes-cibles. La décision leur revient." Dans un second temps, le pharmacien met sur pied un plan d'action concret. Il faut un minimum de trois actions pour qu'un patient puisse être inclus dans le programme élargi du pharmacien de référence, dont au moins une doit relever des soins pharmaceutiques "avancés". Zorgzaam Leuven assure l'audit et l'évaluation ; chaque année, tous les pharmaciens reçoivent ainsi un rapport avec un aperçu des actions de soins pharmaceutiques. "Ce feedback les aide à surveiller la qualité des soins qu'ils dispensent et à rectifier le tir si nécessaire." Les soins supplémentaires dispensés dans le cadre de la mission de pharmacien de référence "étendue" sont rémunérés sur la base d'un accord entre Zorgzaam Leuven et l'Inami. "Nous l'avons surnommé le modèle cappuccino, parce qu'il comporte plusieurs couches", explique Marie Van de Putte. La couche de base est le "tarif innovation", un supplément au forfait du pharmacien de référence d'un montant de 20 euros par patient. S'y ajoutent des interventions plus épisodiques pour couvrir les besoins de soins aigus - 20,15 euros par patient après une hospitalisation et 20,15 euros par patient tous les deux mois pour la livraison à domicile. La couche suivante couvre une éducation poussée à un mode de vie sain, rémunérée à raison de 20 euros par patient. Zorgzaam Leuven a également lancé l'expérience d'un bonus en fonction de la qualité des soins dispensés (pay for quality), sur la base de la réalisation d'objectifs spécifiques (p.ex. accroître de 10% le taux de vaccination dans un quartier). Actuellement, 22 pharmacies (soit 43% des officines de Louvain) participent déjà au projet Zorgzaam Leuven et 14 autres envisagent de se lancer, ce qui témoigne du succès de l'initiative. "Nous remarquons aussi que la concertation multidisciplinaire au sein des équipes de quartier améliore la collaboration entre prestataires", commente Marie Van de Putte. "Je crois vraiment au travail à l'échelon des quartiers: le pharmacien de référence est un soignant de proximité qui, en collaboration avec les autres prestataires, connaît très bien les besoins locaux. Les habitants d'une zone périphérique comme Heverlee, par exemple, n'auront pas du tout les mêmes besoins que ceux de certains quartiers du centre-ville." Elle souligne toutefois que la communication entre les différents prestataires reste améliorable. "Idéalement, ils devraient pouvoir consulter un dossier-patient intégré. L'un des problèmes, pour les pharmaciens, est que les indications des traitements ne sont pas partagées. Comme ils ne peuvent pas toujours demander de but en blanc au patient s'il souffre d'insuffisance cardiaque, ils essaient souvent de le déduire de ses traitements. Cela dit, c'est aux autorités de régler la question du partage des données." Quid de l'avenir? "Un plan interfédéral pour les soins intégrés est actuellement en préparation et devrait entrer en vigueur en 2025. Il doit notamment établir comment la Belgique veut rendre possible des soins plus intégrés. Tous les niveaux de pouvoir vont devoir mettre en place une collaboration fluide dans ce domaine et prévoir suffisamment de soutien et de moyens au niveau de l'officine, du cabinet, du quartier, de la zone de première ligne ou de la région. Il faut et il faudra toujours des hommes et des femmes pour dispenser les soins", conclut Marie Van de Putte.