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Prescrire selon des critères d'efficacité, de sécurité et... de durabilité préoccupe de plus en plus les soignants et plus particulièrement les médecins généralistes en formation. Face à ce constat, le Dr Michel De Jonghe (médecin généraliste, centre académique de médecine générale, UCLouvain) s'est fendu d'un éditorial dans la revue Minerva (Evidence Based Practice) du 27 juin dernier: "Cet éditorial fait suite à des discussions que j'ai eues avec des étudiants en master complémentaire de médecine générale de l'UCLouvain. Ils m'ont fait part de leur étonnement quant au fait que Minerva n'abordait jamais une notion centrale aujourd'hui pour eux qu'est le développement durable. Ils me disaient se sentir responsables, en tant que professionnels de la santé, de cet aspect du médicament. Ils se demandaient donc pourquoi Minerva ne donnait jamais d'information relative à cette préoccupation. Je n'ai pu que leur répondre que celle-ci ne faisait pas partie des objectifs de Minerva. Gênant".Michel De Jonghe rappelle le cadre dans lequel un médicament est mis sur le marché (AFMPS, OGM...), puis il se penche sur la problématique de la réduction des résidus médicamenteux dans les eaux: "Certes un petit maillon de la notion de développement durable lié à la santé mais qui présente l'avantage d'être bien documenté, réglementé et sur lequel des recherches ont déjà été menées".Il note par ailleurs que "les industries pharmaceutiques et les médecins sont décrits comme les acteurs qui se sentent les moins concernés par l'impact environnemental du médicament", à l'inverse des "pharmaciens qui, par leur implication dans le recyclage des médicaments, se sentent plus concernés par la problématique".Comment améliorer la perception des soignants quant à l'impact des médicaments sur l'environnement? "Former, éduquer, sensibiliser, communiquer est bien entendu la pierre angulaire de cet objectif, répond-il. Pouvons-nous rêver que les études originales ajoutent le critère de jugement de l'impact environnemental lors de la conception des études et de la publication des résultats? Ce serait idéal! Et pour Minerva, ce serait l'occasion de discuter cette thématique régulièrement. Ce serait également l'assurance que ce critère de jugement soit enseigné. Il est sans doute de la responsabilité sociale des soignants et des facultés d'exiger cette évolution. Un autre avantage d'une telle démarche est qu'elle conforterait la recherche dans ce domaine". "Améliorer les pratiques médicamenteuses (production, distribution, dispensation, prescription consommation, élimination et recyclage) est un autre levier identifié pour réduire l'impact des médicaments sur l'environnement. Un point intéressant est la mise en évidence de l'importance de la relation de confiance entre le soignant et le patient". "Améliorer le recyclage des médicaments en favorisant une collaboration entre patients, pharmaciens et pouvoirs publics est également essentiel. Améliorer la prise de conscience de l'impact des médicaments sur l'environnement serait aussi une piste: logo sur la boîte ou inscription sur les notices sont envisagés. Enfin, le traitement des eaux et des sols, des législations adéquates sont bien entendu également des outils indispensables"."Le rôle des soignants est important dans le choix des médicaments à proposer aux patients et relève de leur responsabilité sociale quant au fait de porter cette thématique dans le domaine public. Exiger que l'impact environnemental des médicaments deviennent un critère de jugement aussi important que ceux relatifs à l'efficacité, à la sécurité et à la qualité de vie liée aux soins serait un idéal pour donner les moyens au professionnels de la santé de discuter avec leurs patients de cette thématique sur base de faits probants, étudiés scientifiquement. Enfin, ce sujet éclaire l'importance de veiller à favoriser une démarche globale et pluridisciplinaire des politiques quant à leur impact sur la santé", conclut le Dr Michel De Jonghe.