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"Partout, Tout, Tous". C'est par ces mots qu'Alexis Goosdeel, directeur de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), résume la situation décrite dans le "Rapport européen sur les drogues 2023: Tendances et évolutions", paru le 16 juin dernier.Qu'y apprend-on? "La disponibilité des drogues reste élevée pour tous les types de substances et l'ampleur et la complexité de la production de drogues illicites en Europe continuent de croître. Les usagers de drogues sont désormais exposés à un éventail plus large de substances psychoactives, présentant souvent une teneur en principe actif et une pureté élevées", indique le Rapport. Ainsi, en 2022, 41 nouvelles drogues ont été signalées pour la première fois via le système d'alerte précoce de l'UE (EWS), portant le nombre total de nouvelles substances psychoactives surveillées par l'EMCDDA à 930. Il souligne également la nécessité d'améliorer les données médico-légales et toxicologiques afin de mieux comprendre les menaces que représentent les substances de synthèse nouvelles et à forte teneur en principe actif, les mélanges de drogues, les substances coupées, et l'évolution des marchés de la drogue et des modalités de consommation. Dans le cadre de son nouveau mandat en 2024, l'EMCDDA mettra en place un réseau européen de laboratoires de police scientifique et de toxicologie afin de renforcer les capacités dans ce domaine Cannabis & HHCLe cannabis reste la drogue illicite la plus consommée en Europe: environ 8% (22,6 millions) d'Européens (15-64 ans) en ont consommé au cours de l'année écoulée. En 2021, les quantités de résine de cannabis (816 tonnes) et d'herbe de cannabis (256 tonnes) saisies dans l'UE ont atteint leur niveau le plus élevé depuis une décennie, ce qui semble indiquer la disponibilité élevée de cette drogue. Selon les estimations, en Europe, 97.000 usagers sont entrés en soins pour des problèmes liés à un usage de cannabis en 2021."Les nouveaux produits dérivés du cannabis posent des problèmes de santé publique. Certains produits vendus sur le marché des drogues illicites en tant que cannabis naturel peuvent être coupés avec des cannabinoïdes de synthèse à forte teneur en principe actif, entraînant des risques d'intoxication. De plus, des extraits et des produits à ingérer à forte teneur en principe actif ont été associés à des passages aux urgences pour intoxication aiguë".Le Rapport revient aussi sur l'hexahydrocannabinol (HHC), le premier cannabinoïde semi-synthétique signalé dans l'UE où il a été détecté dans les deux tiers des États membres. Dans certains pays de l'UE, il est vendu comme une alternative "légale" au cannabis. Depuis octobre 2022, il fait l'objet d'une surveillance intensive dans le cadre du système d'alerte précoce de l'UE (EWS). Cocaïne, meth & coLa cocaïne est le stimulant illicite le plus couramment utilisé en Europe, consommé par environ 1,3% (3,7 millions) des Européens (15-64 ans) au cours de l'année écoulée. Il s'agissait de la substance la plus fréquemment associée à des passages aux urgences pour intoxication aiguë en 2021. Certains signes indiquent également que l'injection de cocaïne et l'usage de crack sont de plus en plus courants au sein de groupes marginalisés de certains pays. On estime à 7.500 le nombre d'entrées en traitement liées au crack en 2021.La diversification des stimulants synthétiques désormais disponibles sur le marché des drogues illicites accroît les risques pour la santé publique. Historiquement, l'amphétamine est le stimulant synthétique le plus couramment utilisé en Europe. Cependant, il semblerait que la méthamphétamine mais aussi les cathinones de synthèse contribuent désormais de manière plus significative que par le passé aux problèmes globaux liés aux stimulants en Europe.Le rapport indique également que les stimulants sont désormais plus souvent injectés, parfois en combinaison avec de l'héroïne ou d'autres opioïdes. Protoxyde d'azote, kéta & LSDLa kétamine, utilisée comme anesthésique et analgésique en médecine, est devenue une drogue dont l'usage à des fins récréatives s'est développé dans certains milieux. Elle est généralement sniffée et parfois ajoutée à d'autres mélanges de drogues, notamment les poudres et comprimés de MDMA.L'augmentation de l'usage du protoxyde d'azote ("gaz hilarant") à des fins récréatives suscite des préoccupations en matière de santé. Une étude récente de l'EMCDDA a mis en évidence les risques associés à cette drogue, qui semble désormais plus accessible, moins chère et plus populaire chez certains jeunes: intoxications, brûlures et lésions pulmonaires, voire des lésions nerveuses en cas d'utilisation prolongée. Le Rapport examine également le regain d'intérêt pour le potentiel thérapeutique des drogues psychédéliques pour traiter différents problèmes de santé mentale: "Un intérêt croissant pour ce sujet pourrait encourager une plus grande utilisation expérimentale de ces substances sans suivi médical, ce qui pourrait mettre certaines personnes vulnérables en danger".OpioïdesL'héroïne reste l'opioïde illicite le plus couramment consommé en Europe, mais l'usage d'opioïdes de synthèse suscite également une inquiétude croissante parce que certains ont une forte teneur en principe actif. Seules de petites quantités sont nécessaires pour produire des milliers de doses, ce qui en fait une substance potentiellement plus lucrative pour les groupes criminels organisés. Ces dernières années, la plupart des substances opioïdes nouvellement identifiées et signalées dans le système d'alerte précoce (EWS) étaient des opioïdes à forte teneur en benzimidazole (nitazène). "La disponibilité de l'héroïne semble rester élevée à l'heure actuelle. La quantité d'héroïne saisie par les États membres de l'UE a plus que doublé en 2021, pour atteindre 9,5 tonnes. La quasi-totalité de l'héroïne consommée en Europe provient d'Afghanistan, où les talibans ont annoncé l'interdiction de la culture du pavot à opium en avril 2022. D'aucuns craignent que toute diminution de la disponibilité de cette drogue ne soit associée à une augmentation de l'offre et de la demande d'opioïdes de synthèse".Partout, Tout, Tous"Le rapport de cette année nous rappelle brutalement que les problèmes liés aux drogues illicites sont présents dans l'ensemble de notre société. Je résumerai cette situation ainsi: Everywhere, Everything, Everyone [Partout, Tout, Tous]. Les drogues illicites peuvent toucher tout le monde, que ce soit directement, par leur usage, ou, indirectement, par leurs répercussions sur les familles, les communautés, les institutions et les entreprises. Elles exposent également de plus en plus nos citoyens à la violence liée aux stupéfiants et à ses conséquences. (...) Il est essentiel d'intensifier les essais médico-légaux et toxicologiques afin de mieux détecter les menaces émergentes et de protéger la santé de tous. Nous devons également investir davantage dans les services de prise en charge, qui sont désormais appelés à répondre à des besoins plus diversifiés et plus complexes", commente Alexis Goosdeel.