L'Ordre des pharmaciens explique son code de déontologie dans une nouvelle série. Le premier sujet est le secret professionnel, une question sensible qui fait encore l'objet de nombreux débats. Dans ce deuxième épisode nous éxaminons les exceptions au secret professionnel.
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Malgré l'importance qui lui est reconnue en droit, le secret professionnel n'en est pas pour autant absolu. Il existe ainsi des situations où le pharmacien peut ou doit révéler les informations en principe couvertes par le secret. Le Code pénal lève l'obligation au secret en cas de témoignage en justice (1). Par "témoignage en justice", on entend toute déclaration faite devant un juge d'instruction ou un juge du fond, civil ou pénal. Ne rentrent pas dans cette catégorie les déclarations faites aux autorités de police ou au parquet. Il s'agit ici d'une possibilité de parler et non d'une obligation: placé dans cette situation, le pharmacien doit toujours évaluer, en conscience, s'il est nécessaire et utile, notamment dans l'intérêt de la justice et de la vérité judiciaire, de révéler des informations couvertes par le secret professionnel ; il peut donc se taire, pour autant que ce faisant, il ne détourne pas le secret professionnel de son but et n'abuse pas de son droit. Vous pouvez par exemple être appelé à témoigner devant le tribunal de police dans une affaire de roulage mettant en cause un de vos patients, afin de clarifier les médicaments qui lui auraient été délivrés quelques heures avant un accident qu'il aurait provoqué. Si vous vous trouvez vous-même personnellement en cause dans le cadre d'une procédure, par exemple sur base de votre responsabilité profession- nelle, les droits de la défense vous permettent d'utiliser des informations couvertes par le secret professionnel pour vous défendre. Une même levée du secret professionnel existe pour le témoignage devant une commission d'enquête parlementaire. En droit pénal, il est acquis qu'il n'y a pas d'infraction lorsque la commission de celle-ci est requise ou autorisée par la loi. Le même principe s'applique au secret professionnel. Les exemples principaux, mettant en oeuvre ce principe, sont expliqués ci-dessous. Conformément au Code pénal, le pharmacien a la possibilité de dénoncer au procureur du Roi des faits d'attentat à la pudeur, de viol, de coups et blessures volontaires, de mutilation sexuelle, de privation d'aliments et de soins, de délaissement ou de défaut d'entretien perpétrés à l'encontre de mineurs ou de personnes réputées vulnérables selon des critères prédéfinis, dont il aurait eu connaissance dans certaines circonstances (2). Depuis 2017, le pharmacien est également habilité à communiquer, sans risque de poursuites pénales, des informations confidentielles dans le cadre d'une concertation organisée par la loi ou autorisée par le procureur du Roi en vue de protéger l'intégrité physique ou mentale de la personne ou de tiers, la sécurité publique ou la sécurité de l'État (3). La loi sur les médicaments autorise le traitement des données de santé des patients "en vue de la détection des problèmes liés aux médicaments" et l'arrêté royal du 21 janvier 2009 portant instructions pour les pharmaciens prévoit les hypothèses dans lesquelles le pharmacien est obligé de révéler le contenu de prescriptions, même sans le consentement du patient (4).Il n'est pas non plus question de violation du secret professionnel lorsque le pharmacien révèle des informations à la personne de confiance désignée par le patient (5).Le fait pour une personne de venir chercher des médicaments pour une autre à la pharmacie n'en fait pas automatiquement et forcément sa personne de confiance au sens de la législation (elle n'est souvent que son mandataire), une réalité à laquelle le pharmacien devra être attentif afin de ne pas être en infraction par rapport aux dispositions relatives au secret professionnel. C'est le patient qui doit informer le pharmacien de l'identité et de la qualité de sa personne de confiance ; le pharmacien peut consigner ces informations dans le dossier du patient. Dans le cas des patients mineurs, les parents ne sont pas automatiquement les personnes de confiance, mais ils exercent, en principe, les droits du patient, dont le droit à l'information, à la place des mineurs qui, le cas échéant, en fonction de leur âge et de leur maturité, sont associés à l'exercice de ces droits. Le pharmacien pourrait tout de même refuser l'accès au dossier d'un patient mineur à ses parents, au nom de la vie privée et de l'intimité du mineur, si la demande n'est pas formulée dans son intérêt (6). En outre, les mineurs estimés, par le professionnel, "aptes à apprécier raisonnablement leurs intérêts" exercent, eux, leurs droits de manière autonome: révéler des informations les concernant à leurs parents pourrait constituer, dans le chef du pharmacien, une atteinte au secret professionnel. De même, le pharmacien peut, sans trahir le secret professionnel, communiquer à un autre praticien traitant toutes les informations utiles et nécessaires d'ordre pharmaceutique concernant un patient à la demande ou avec l'accord de celui-ci, en vue de poursuivre ou compléter le diagnostic ou le traitement (7). Il exsiste une obligation de parler dans le chef du pharmacien lorsque les intérêts vitaux d'une personne doivent être sauvegardés. Il en irait par exemple ainsi si le pharmacien était contacté par un hôpital pour connaître les médicaments délivrés à un patient admis dans le coma (8). Le pharmacien peut également être amené à signaler aux autorités, dans un délai de 24 heures, toute (tentative de) transaction suspecte en matière de précurseurs d'explosifs, ainsi que, si possible, l'identité du patient qui est l'auteur de la (tentative de) transaction (9). Les commandes et transactions suspectes de certains précurseurs de drogues doivent également être notifiées. Plus récemment, une nouvelle dérogation au secret professionnel a été mise en place pour tous les professionnels des soins de santé dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, afin de leur permettre d'alimenter les bases de données créées pour identifier les personnes testées et infectées, ainsi que de participer au suivi des contacts s'ils sont eux-mêmes infectés ou suspectés de l'être (10).