Les formulations effervescentes ne sont pas anodines, il convient d'être particulièrement prudent chez les patients qui suivent un régime hyposodé strict et de les prescrire avec prudence et seulement si les avantages perçus l'emportent sur les risques. C'est ce qu'a rappelé Camille Bertrand le 3 octobre dernier, lors du Symposium du CBIP sur les actualités pharmacothérapeutiques.
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En Belgique, la majorité (51%) des spécialités effervescentes disponibles sont des antidouleurs et des anti-inflammatoires. Le reste est composé de vitamines et minéraux (40%), de mucolytiques et expectorants (5%) et d'un laxatif. "J'attire votre attention sur le Dafalgan : il faut savoir que dans un seul comprimé effervescent de 1g, il y a plus de 500mg de sodium ce qui correspond environ à 1,4g de sel. On peut facilement imaginer la quantité de sodium ou de sel ingéré si un patient prend par exemple 3g de Dafalgan effervescent par jour, de manière chronique. En sachant que les recommandations nutritionnelles belges proposent de réduire la quantité de sel à environ 5g par jour, ce patient atteint presque cette quantité-là rien qu'avec son Dafalgan effervescent", insiste Camille Bertrand, pharmacienne et rédactrice au CBIP. Quels avantages? A quels risques?Comme l'ont montré des études, les formes effervescentes ont l'avantage d'agir un peu plus rapidement que le comprimé classique mais pas aussi longtemps (par exemple, pour le paracétamol, Eur J Clin Pharm 2000;56:141-3, J Clin Pharm 2000;40(4):370-8)Ceci dit, à côté de l'efficacité plus précoce, le format effervescent a d'autres avantages bien connus comme le goût, un moindre risque d'overdose aiguë (grande quantité d'eau nécessaire pour dissoudre 6-8 comprimés...) et il est plus facile à utiliser en cas de troubles de la déglutition. Pour évoquer les risques associés aux formes effervescentes, la pharmacienne s'est intéressée à deux études. La première (BMJ 2013;347:f6954) a montré que, par rapport aux formulations standards, le risque d'événements cardiovasculaires indésirables était plus élevé chez les patients à qui l'on avait prescrit des formulations effervescentes des mêmes médicaments et que ces événements étaient principalement dus à un risque accru d'hypertension et d'AVC. "Néanmoins, il y a certaines limitations: c'est une étude observationnelle, on ne peut pas exclure des variables confondantes (apport en sodium...)...", souligne-t-elle. Dans leur conclusion, les auteurs de cette étude indiquent que "les formulations contenant du sodium doivent être prescrites avec prudence et seulement si les avantages perçus l'emportent sur les risques. Et qu'il faut surveiller ces patients étroitement pour détecter l'apparition d'une hypertension."La seconde étude (Eur Heart J 2022;43(18):1743-55) a comparé un groupe de sujets (60 à 90 ans) souffrant d'hypertension à un groupe contrôle, les deux prenant soit du paracétamol effervescent, soit du paracétamol classique. Dans les deux groupes, on a observé une augmentation du risque de maladie cardio-vasculaire et de la mortalité toutes causes chez les patients qui avaient pris des préparations riches en sodium.A quel prix?"En conclusion, chez tous les patients, et particulièrement chez ceux qui souffrent d'hypertension, il est préférable d'éviter les médicaments riches en sodium, surtout lorsqu'ils sont pris plusieurs fois par jour, tous les jours ou sur une longue période. Enfin, chez les patients qui suivent un régime hyposodé strict, les formes effervescentes doivent être évitées. Par exemple dans le cas des analgésiques, elles agissent peut-être plus rapidement, mais est-ce réellement intéressant par rapport au risque? Surtout quand on sait que si la douleur est soulagée un peu plus vite, elle revient aussi plus vite?", s'interroge Camille Bertrand.