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Pourtant, acheter tout et n'importe quoi sur internet est aujourd'hui devenu un jeu d'enfant : il suffit de compléter un formulaire pour se procurer les médicaments voulus. J'ai ainsi pu commander sans aucune difficulté de puissants antalgiques et un bétabloquant, qu'on m'a livrés à ma porte quelques jours plus tard.Même s'il est évident que cette manière d'exploiter la médecine est inacceptable, je ne peux pas m'empêcher de me dire que mon médecin de famille ne m'interrogerait jamais d'une manière aussi poussée que ce questionnaire en ligne. D'un autre côté, le formulaire n'insiste pas forcément là où il aurait peut-être dû et ne connaît ni mon histoire, ni ma famille, ni mes antécédents personnels. Lorsque le site me demande si j'ai déjà pris les médicaments convoités et que je réponds par l'affirmative, il me croit sur parole. Lorsque je me présente une seconde fois sous un nom différent, il me fournit avec le même enthousiasme une nouvelle dose d'hormones ou d'antalgiques puissants, ce qui me permet de dépasser allègrement la dose mensuelle autorisée par le site. Mon questionnaire ne me connaît pas plus que " mon " pharmacien dans son petit village anglais ou que le siège de l'entreprise à Aruba : lorsque je passe commande sous le nom de Marie, de Désirée, de Julienne ou d'Amandine, il voit quatre clientes différentes. Imaginez le danger pour les patients accros à l'un ou l'autre produit ! En Belgique, des initiatives efficaces pour lutter contre les abus de ce type n'existent encore que depuis quelques années... mais elles existent, et elles permettent d'identifier beaucoup plus rapidement les situations problématiques. Ce qui m'horripile dans ce service en ligne, au-delà du fait qu'on ne sait jamais vraiment ce qu'on achète ? La respectabilité apparente dans l'esprit et le discours, qui est bien loin de se retrouver dans les actes. Le fait que chaque mail de ces " médecins " soi-disant soucieux de ma santé se double de publicités pour des médicaments dont certains sont loin d'être anodins. Les messages publicitaires non sollicités que je reçois toutes les 48 heures (ce matin encore, j'ai eu droit à un petit exposé sur le thème de la douleur assorti de toute une liste d'analgésiques). La ristourne qu'on me fait miroiter sur les grosses commandes de médicaments soumis à prescription. Le fait que le site fasse manifestement son beurre de la vente de Rx, qui génère pour ses responsables des bénéfices colossaux. Le fait qu'ici, on ne paie pas le prix des soins mais celui de l'illégalité." Ce sont des pratiques mafieuses ", m'a déclaré tout de go l'une de mes interlocutrices officielles au cours de ma quête... et je n'ai aucune peine à la croire.