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Récapitulons l'affaire. En 2009, les premiers communiqués sur les possibles effets néfastes de la dompéridone font surface. En 2011, la presse populaire s'empare du dossier pour faire monter la sauce, encouragée par certains médecins désireux de voir le produit OTC déménager vers la catégorie 'sous prescription'. Motifs avancés : la dompéridone, en tant que produit 'inoffensif', pourrait masquer des graves affections (comme des maladies cardiaques), sans oublier un possible risque de surdosage. En outre, la dompéridone augmenterait sensiblement le risque d'attaque cardiaque, puisque la molécule allonge l'intervalle QT. Le gouvernement demande alors que soient faites de nouvelles études. Une demande répercutée par l'AFMPS auprès des fabricants de dompéridone. Ces études sont d'ailleurs toujours en cours actuellement et les résultats ne seront connus que dans quelques mois. Pour l'heure, la dompéridone pour les adultes est donc encore et toujours disponible en vente libre, contrairement aux formes pédiatriques (<12 ans) suppositoire ou sirop, soumises depuis longtemps à prescription. Troubles cardiaques Au cours de l'année 2011, l'AFMPS a reçu trois notifications de troubles cardiaques graves chez des patients ayant notamment pris de la dompéridone, dont deux ont perdu la vie. Après ces trois notifications, l'Agence n'a plus enregistré le moindre recensement. Entretemps, l'EMA recevait pour directive d'ajouter obligatoirement dans les notices que la dompéridone était contre-indiquée chez les patients atteints de maladies et de troubles cardiaques. L'AFMPS demandait quant à elle au principal fabricant de mener des études sur le sujet. L'intervalle QT Il faut également prendre en compte l'effet prouvé de la dompéridone sur l'intervalle QT. Ce risque a été démontré chez les jeunes enfants (pour qui la dompéridone est déjà soumise à prescription), chez les patients présentant des troubles électrolytiques ou des maladies cardiaques sous-jacentes, et certainement en cas de fortes doses (plus de 30mg par jour), et chez les patients âgés (>60 ans). " 33 médicaments connus prolongent cet intervalle QT ", poursuit Ann Eeckhout. " La dompéridone figure aussi sur la liste et reste le seul médicaments à être disponible en vente libre. Les 32 autres médicaments peuvent uniquement être délivrés sous prescription. Le problème avec ces autres médicaments est qu'ils provoquent des nausées de manière très fréquente chez 12 d'entre eux, et extrêmement fréquente chez 6. Conséquence : les patients se tournent encore davantage vers la dompéridone en vente libre pour soulager ces nausées. Avec à la clé un surdosage ". Jusque 300 décès Le sénateur Louis Ide se bat depuis le début de la polémique pour faire passer la dompéridone sous prescription. Selon Ide, certaines études parlent de quelque 300 décès par an dans notre pays. Récemment encore, le sénateur avait de nouveau introduit une question parlementaire pour demander des explications à la ministre Onkelinx, provoquant une nouvelle vague d'intérêt médiatique. Dans sa réponse, la ministre de la Santé publique affirmait qu'il n'était aucunement question de 300 morts, mais bien de trois cas - dont deux avec issue fatale - qui pourraient être liés à un usage de dompéridone. La ministre ajoutait que la Commission des médicaments avait déposé fin 2012 un avis basé sur les derniers rapports de sécurité, lequel recommandait de placer tous les médicaments contenant de la dompéridone sous prescription. Réactions Les entreprises disposent à présent d'un mois pour déposer auprès de l'AFMPS un dossier reprenant leurs arguments en défaveur de ce changement de statut, ainsi qu'une demande d'audit. Pour contrer les thèses avancées par leurs détracteurs, ils peuvent également introduire un dossier compilant les études scientifiques. Dans le cas le plus extrême, ils ont aussi la possibilité de se tourner vers le Conseil d'Etat pour tenter de faire annuler la décision. L'AFMPS insiste sur le fait qu'il n'y a pas le moindre doute sur l'effet positif du médicament. APB Du côté de l'APB, Jan Depoorter n'est pas du tout satisfait de la mesure. Il argumente qu'aucun médicament ne peut se targuer d'être sûr à 100 %. Tant qu'on ne dépasse pas trois comprimés de dompéridone par jour, le produit ne pose aucunement problème. Selon Jan Depoorter, le pharmacien est donc parfaitement capable d'expliquer clairement aux patients les risques du médicament. Evaluations des risques L'AFMPS n'est pas tout à fait d'accord avec ce dernier constat. " Un médecin, grâce à son accès au dossier médical et sa connaissance du patient, dispose d'une meilleure vision sur la situation médicale du patient, notamment sur ses problèmes cardiaques. Il peut mieux évaluer le risque que le pharmacien, qui ne dispose pas toujours d'une vision complète et n'a pas toujours la possibilité de vérifier l'existence d'autres maladies. La dompéridone est une molécule largement consommée. Selon les données rassemblées par IMS Health, en 2012, pas moins de 2,945 millions de boîtes (30 unités) de médicaments à base de dompéridone ont été délivrées dans les pharmacies de notre pays. Avec, en leader incontesté, le Motilium® et ses 2,189 millions de boîtes, ce qui représente 74,3 % de l'ensemble des médicaments à base de dompéridone. Autre acteur relativement important du marché : le Touristil® avec 216.000 boîtes vendues en 2012. Autrement dit, au vu de la forte consommation de ces produits, le nombre de cas problématiques doit être quelque peu relativisé. " Mais chaque décès est un décès de trop ", rappelle Ann Eeckhout.