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Dans notre édition de novembre, nous avons présenté le projet DIADeM mené par des chercheurs belges et français pour analyser l'impact d'un cocktail médicamenteux sur la faune de la Meuse. La revue PNAS vient de publier une étude internationale qui a évalué, à l'échelle de la planète cette fois, la pollution des rivières par les principes actifs pharmaceutiques (API pour Active Pharmaceutical Ingredients). L'objectif était de mieux connaître les effets délétères sur l'écologie et la santé humaine engendrés par ces résidus pharmaceutiques (61 ont été analysés) et de disposer de données pour des régions relativement peu étudiées jusqu'à présent. Le tout en tendant vers une standardisation des méthodes d'analyse, l'idée étant de quantifier l'ampleur du problème d'un point de vue mondial et de comparer les régions. Dans cette étude, 1.052 sites d'échantillonnage le long de 258 rivières dans 104 pays de tous les continents (dont 36 pays n'avaient jamais été étudiés précédemment) ont été surveillés, ce qui représente l'empreinte pharmaceutique subie par 471,4 millions de personnes. Des campagnes d'échantillonnage ont été réalisées dans tous les États membres de l'Union européenne, à l'exception de Malte (absence de rivières).Résultats?Les concentrations cumulées d'API les plus élevées ont été observées en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique du Sud. Les sites les plus contaminés se trouvaient dans des pays à revenu faible ou intermédiaire et étaient associés à des zones où les infrastructures de gestion des eaux usées et des déchets étaient médiocres et où sont situées les usines de production pharmaceutique. En Europe, ce sont les échantillons en provenance d'une campagne à Madrid (Espagne) qui étaient les plus pollués. Les substances les plus fréquemment détectés (dans plus de la moitié des sites contrôlés) étaient la carbamazépine, la metformine et la caféine. Parmi les 4 détectés sur tous les continents, tous étaient liés au mode de vie ou en vente libre: caféine et nicotine (stimulants et composés liés au mode de vie), acétaminophène/paracétamol (analgésique) et cotinine (métabolite d'un stimulant et composé lié au mode de vie).Quatorze autres API ont été détectés sur tous les continents, à l'exception de l'Antarctique: aténolol, carbamazépine, cétirizine, citalopram, desvenlafaxine, fexofénadine, gabapentine, lidocaïne, metformine, naproxen, sitagliptine, temazepam, triméthoprime et venlafaxine. La cloxacilline, la diphénhydramine, le miconazole, la norfluoxétine, l'oxazépam, l'oxytétracycline, le raloxifène et la sertraline n'ont été détectés dans aucun échantillon. L'absence de détection de la cloxacilline est probablement due à l'instabilité d'un point de vue hydrolytique des β-lactames dans l'environnement. L'absence de l'oxytétracycline, du miconazole et de la sertraline peut s'expliquer par la propension de ces molécules à passer de la phase aqueuse vers les solides de l'environnement. Quant à la norfluoxétine, son absence peut s'expliquer par les limites de quantification relativement élevées de cet API par rapport aux autres dans la méthode d'analyse.Les concentrations d'au moins un API sur un quart des sites d'échantillonnage étaient supérieures aux concentrations considérées comme sûres pour les organismes aquatiques, ou préoccupantes en termes de sélection pour la résistance aux antimicrobiens. Objectif 2030"Bien que cette étude se soit concentrée sur 61 API prioritaires, l'approche pourrait être appliquée à d'autres API et à d'autres classes de polluants, tels que les produits de soins personnels, les perturbateurs endocriniens, les pesticides et les métaux. L'intégration de méthodes analytiques non ciblées pourrait également permettre d'identifier des polluants mondiaux inconnus", estiment les auteurs."À l'avenir, notre approche pourrait également être étendue à d'autres milieux environnementaux, tels que les sédiments, les sols et le biote (flore et faune). Cela permettrait de développer des données sur la pollution à l'échelle mondiale, ce qui serait très utile pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies, en particulier l'objectif 6.3 (améliorer la qualité de l'eau en réduisant la pollution, en éliminant les décharges et en minimisant les rejets de substances chimiques dangereuses et d'eaux usées non traitées dans l'environnement aquatique)".Les auteurs de cette étude ont ainsi démontré que "la pollution des rivières par les produits pharmaceutiques est un problème mondial qui présente un risque à la fois pour l'écologie aquatique et la sélection potentielle de la résistance aux antimicrobiens et qui peut compromettre la réalisation de l'objectif de développement durable 6.3 des Nations unies d'ici 2030. Ce n'est que grâce à une collaboration mondiale que nous pourrons générer les données de surveillance nécessaires pour prendre des décisions éclairées sur les approches permettant de réduire l'impact environnemental des produits chimiques".