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Cet avis (CSS n°9695) fait suite à la demande de Frank Vandenbroucke, ministre des affaires sociales et de la santé publique, pour disposer de recommandations en matière de gestion des overdoses aux opioïdes."En effet, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a préconisé, en 2014, une mise à disposition large de naloxone aux usagers d'opioïdes et de médicaments et à leur entourage afin de permettre une prise en charge rapide d'un surdosage aux opioïdes. L'Office des Nations Unies contre les Drogues et le Crime (ONUDC), en collaboration avec l'OMS, a aussi lancé une action conjointe (The S-O-S initiative-Stop Overdose Safely) qui encourage les états membres à stimuler les initiatives visant la prévention des décès liés aux opioïdes. Cette initiative recommande l'utilisation de la naloxone comme antidote reconnu depuis plus de 40 ans. Sur les pages "Best practice portal" de l'Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT) reprenant les dernières publications scientifiques sur le sujet, la naloxone est classée comme "susceptible d'être bénéfique" pour la prise en charge des overdoses", explique le CSS. Cependant, à l'heure actuelle, la Belgique ne dispose pas de programme mettant à disposition des consommateurs d'opioïdes (illicites ou soumis à prescription) de la naloxone sous une forme facilement administrable. Le seul médicament à base de naloxone actuellement disponible en Belgique est disponible sous forme d'ampoules IM, IV (boîte 10 amp 0,4 mg/1 ml), seulement sur prescription et non remboursée. Avis"Etant donné que la naloxone est un produit sûr qui peut sauver des vies et qui ne comporte pas de risque de mésusage, le CSS recommande qu'elle soit disponible sur le marché belge et facilement accessible (au niveau financier, géographique, et au niveau des conditions d'obtention) pour toute personne susceptible d'en avoir besoin. La forme nasale est privilégiée pour sa facilité d'utilisation, mais l'accessibilité financière doit rester prioritaire".Le CSS émet quelques recommandations:-le cadre juridique doit être adapté et l'utilisation de la naloxone inscrite dans la liste des activités qui ont trait à la vie quotidienne et qui ne relèvent pas de l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, de la kinésithérapie ou d'une profession paramédicale. -les autorités belges doivent faire le nécessaire pour que la naloxone sous forme nasale soit disponible en Belgique, en incitant les sociétés à mettre sur le marché les médicaments autorisés en Belgique (Nyxoid® et Ventizolve®) ou, si ce n'est pas le cas, en s'approvisionnant activement auprès des firmes agréées afin que la naloxone soit présente dans les véhicules qui prennent en charge le transport de personnes dans le cadre des soins médicaux urgents; que des kits prêts à l'emploi de naloxone (de préférence sous forme de spray nasal) soient distribués gratuitement, sans prescription et sans autre contrainte, selon les modalités suivantes :1) Pour la distribution des kits de naloxone, le flux logistique pharmaceutique traditionnel, via les grossistes puis les pharmacies publiques/hospitalières, peut être utilisé pour la fourniture (gratuite) large et ciblée de naloxone et de kits de naloxone aux services de réduction des risques, centres à bas seuil, centres de soins pour usagers de drogues, équipes mobiles, à l'hôpital, en milieu pénitentiaire, les médecins prescripteurs d'opioïdes, etc.2) Groupes cibles: toutes les personnes à risque d'overdose, tous les consommateurs d'opioïdes (consommation récréative ou sur prescription), avec une attention particulière pour ceux qui sortent de détention, d'un séjour à l'hôpital ou d'un programme de sevrage; les proches des consommateurs; et tous les professionnels susceptibles d'être en contact avec des personnes qui consomment des drogues.3) La formation est importante mais ne doit pas constituer un frein à l'accessibilité de la naloxone, puisque les bénéfices de son utilisation sont toujours supérieurs aux risques. Contrairement aux recommandations de l'ARMB et la KAGB, le CSS recommande donc de ne pas exiger de formation certifiante pour pouvoir utiliser la naloxone, mais de lier la délivrance de kits de naloxone à une explication détaillée. Lors de la distribution il faut toujours prendre le temps (5 à 10 minutes) de transmettre quelques messages clés concernant les facteurs de risque d'overdose et prévention; les signes évocateurs d'une surdose d'opioïdes; la conduite à tenir lorsque l'administration de naloxone semble nécessaire (appel aux services d'urgence, (la durée d'action de la naloxone étant plus courte que celle de l'opiacé), mode d'administration, premiers secours, surveillance, précautions d'emploi et effets indésirables), stockage, date de péremption et renouvellement du kit.En conséquence, le CSS recommande de former les professionnels susceptibles de délivrer de la naloxone (via la formation initiale et continue; y compris des formations en ligne) aux messages clés à transmettre aux personnes recevant le matériel (et à la manière de les transmettre); de mettre à disposition des kits de formation et du matériel pédagogique à donner aux usagers (flyers, affiches, brochure avec pictogrammes, vidéos, etc.). Par ailleurs, toutes les occasions d'échanges avec les consommateurs d'opioïdes et leurs proches (consultations médicales, délivrance de traitement de substitution, échange de seringues, etc.) devraient également être utilisées pour faire connaitre la naloxone et transmettre ces messages clés. Les pairs peuvent aussi être utilisés pour relayer ces messages.Enfin, le CSS recommande également un meilleur monitoring des intoxications et des décès liés à l'usage de drogues. Pour cela, la Belgique pourrait s'inspirer du programme DRAMES (Décès en Relation avec l'Abus de Médicaments Et de Substances) mis en place en France (https://addictovigilance.fr/programmes-dobservation/drames/).