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Dans un édito paru dans le NEJM, deux infectiologues de l'Université de Californie à San Francisco, Monica Gandhi et George Rutherford, estiment qu'en attendant le vaccin, le port du masque facial contre le Covid-19 a un potentiel de "variolisation". La variolisation consistait à inoculer à quelqu'un du matériel prélevé sur une vésicule d'une personne atteinte de la variole, dans le but de provoquer une infection légère et une immunité subséquente. Cette pratique a perduré jusqu'à l'introduction du vaccin contre la variole, qui a finalement permis d'éradiquer la maladie.Or, le port du masque pourrait réduire la gravité de la maladie en limitant la pénétration du virus dans l'organisme et ainsi garantir qu'une plus grande proportion des nouvelles infections restent asymptomatiques. "Si cette hypothèse se confirme, le masquage universel pourrait devenir une forme de 'variolisation' qui générerait une immunité et ralentirait ainsi la propagation du virus aux États-Unis et ailleurs, en attendant le vaccin", écrivent-ils.Fermer les portesLes auteurs basent leur réflexion sur des études qui ont montré des taux élevés d'excrétion virale du SRAS-CoV-2 par le nez et la bouche des patients présymptomatiques ou asymptomatiques (taux équivalents à ceux des patients symptomatiques). D'où le regain d'intérêt pour le masque censé prévenir la transmission par les personnes infectées asymptomatiques.Ils rappellent que de précédentes études faites sur d'autres virus respiratoires indiquent que le masque facial peut également empêcher le porteur d'être infecté, en empêchant les particules virales de pénétrer dans son nez et sa bouche. De plus, "les enquêtes épidémiologiques menées dans le monde, en particulier dans les pays asiatiques qui se sont habitués à porter ce masque pendant la pandémie du SRAS en 2003, suggèrent qu'il existe une relation étroite entre le port du masque en public et la lutte contre la pandémie. Des données virologiques, épidémiologiques et écologiques récentes ont conduit à l'hypothèse que le masquage peut également réduire la gravité de la maladie chez les personnes qui sont infectées. Ceci est cohérent avec une vieille théorie de la pathogenèse virale, qui soutient que la gravité de la maladie est proportionnelle à l'inoculum viral reçu".Dans les infections virales comme celle du SRAS-CoV-2, des doses élevées d'inoculum viral peuvent submerger et déréguler les défenses immunitaires innées, et ainsi augmenter la gravité de la maladie. "En effet, l'immunopathologie à régulation négative est l'un des mécanismes par lesquels la dexaméthasone améliore une infection sévère à Covid-19". Dans le même ordre d'idées, porter un masque permettrait de réduire l'inoculum viral auquel le porteur est exposé et donc l'impact clinique ultérieur de la maladie. "Si cette théorie se confirme, le masquage à l'échelle de la population, avec tout type de masque qui augmente l'acceptabilité et la compliance, pourrait contribuer à augmenter la proportion d'infections au SRAS-CoV-2 asymptomatiques". Les CDC américains ont estimé à 40% le taux d'infection asymptomatique par le SRAS-CoV-2, mais il serait supérieur à 80% dans les milieux où on porte le masque. "Les pays qui ont adopté le masque à l'échelle de la population ont obtenu de meilleurs résultats en termes de taux de maladie grave lié au Covid-19 et de décès". A démontrerPour les auteurs, "le moyen le plus évident d'épargner à la société les effets dévastateurs du Covid-19 est de promouvoir des mesures visant à réduire à la fois la transmission et la gravité de la maladie. Le masquage universel semble réduire le taux de nouvelles infections, nous émettons l'hypothèse qu'en réduisant l'inoculum viral, cela augmenterait également la proportion de personnes infectées restant asymptomatiques. En attendant les vaccins, toute mesure de santé publique qui augmente la proportion d'infections asymptomatiques par le SRAS-CoV-2 peut à la fois rendre l'infection moins mortelle et augmenter l'immunité à l'échelle de la population sans maladie grave ni décès".Dès lors, Monica Gandhi et George Rutherford en appellent à faire des études pour comparer le taux d'infections asymptomatiques dans les zones avec et sans port du masque. Quant à leur hypothèse de la variolisation, elle nécessite des études pour comparer la force et la persistance de l'immunité des lymphocytes T spécifiques au SRAS-CoV-2 entre les personnes atteintes d'une infection asymptomatique et celles présentant une infection symptomatique, ainsi qu'une démonstration du ralentissement naturel de la propagation du SRAS-CoV-2 dans les zones à forte proportion d'infections asymptomatiques."La lutte contre la pandémie implique de réduire à la fois les taux de transmission et la gravité de la maladie. De plus en plus de preuves suggèrent que le port du masque à l'échelle de la population pourrait bénéficier aux deux", concluent les auteurs.