...

Quel impact ont les sels d'aluminium sur la survenue du cancer du sein? Des chercheurs suisses (Laboratoire de Cancérogenèse Environnementale, Fondation des Grangettes) et britanniques (Wellcome Centre for Human Genetics, Université d'Oxford) publient une étude où ils postulent que l'absorption chronique d'aluminium favorise l'instabilité chromosomique (taux élevés d'anomalies chromosomiques structurelles et numériques) dans les cellules de mammifères, favorisant ainsi la carcinogenèse.Le groupe de recherche suisse s'intéresse depuis plusieurs années aux effets toxiques des sels d'aluminium sur les cellules de la glande mammaire. Cela fait quelque temps en effet que la suspicion pèse sur ces sels d'aluminium, une substance présente à des doses relativement élevées dans plusieurs produits d'utilisation fréquente, dont la plupart des déodorants, les crèmes solaires et certains médicaments. "Pourtant, notent les chercheurs, André-Pascal Sappino et al, il n'a aucun rôle physiologique connu et est soupçonné d'être cancérigène pour l'homme. Nos travaux, in vitro puis chez l'animal, ont démontré que ces sels ne sont pas inoffensifs mais qu'ils induisent dans les cellules de la glande mammaire des altérations marquées récapitulant les étapes clé de la transformation maligne. Dans des tests toxicologiques conventionnels, utilisant des bactéries, les sels d'aluminium n'ont pas d'effet mutagène détectable". En 24 heuresLeurs dernières recherches, réalisées en collaboration avec l'université d'Oxford, montrent que des cellules de mammifère exposées in vitro à des sels d'aluminium, assimilent ce métal rapidement: "Dans les 24 heures qui suivent, une instabilité génomique apparaît sous forme d'une altération dans la structure et le nombre des chromosomes". Dans leur modèle, ces cellules (V79) cultivées en présence d'aluminium (sous forme de chlorure d'aluminium) à des concentrations de l'ordre de celles mesurées dans les tissus humains), incorporent le métal de manière dose-dépendante, l'accumulant principalement dans la région périnucléaire. "L'accumulation intracellulaire d'aluminium entraîne rapidement une augmentation dose-dépendante des cassures double brin de l'ADN, des anomalies numériques des chromosomes (aneuploïdie) et un arrêt de la prolifération dans la phase G2/M (croissance, préparation de la mitose/mitose) du cycle cellulaire. Pendant la mitose, les cellules V79 exposées à l'aluminium assemblent des fuseaux mitotiques multipolaires anormaux et semblent regrouper des centrosomes surnuméraires, ce qui pourrait expliquer pourquoi elles accumulent les erreurs de ségrégation et les dommages chromosomiques". Pour ces chercheurs, leurs résultats confirment le potentiel cancérigène de l'aluminium sur les cellules mammaires. Le cauchemar de l'amiante?"Ces observations identifient pour la première fois un agent environnemental susceptible de rendre compte, au moins en partie, de l'inquiétante augmentation de l'incidence du cancer du sein dans nos populations. L'incrimination des sels d'aluminium n'est pas sans rappeler l'historique de l'amiante: une substance présente dans l'environnement, d'un coût négligeable, dotée de propriétés attractives pour l'industrie, et dont les effets délétères pour la santé ont échappé aux méthodes traditionnelles de dépistage toxicologique", concluent les chercheurs suisses qui espèrent que leurs travaux contribueront à aboutir à une interdiction de l'utilisation des sels d'aluminium par l'industrie cosmétique et in fine à réduire la survenue de cancers du sein. Ils estiment encore que leurs données "pourraient également convaincre les instances sanitaires de l'inadéquation des tests de dépistage toxicologique employés actuellement par le monde industriel pour introduire dans les chaînes agro-alimentaires et cosmétiques des agents potentiellement dangereux pour la santé humaine".Int. J. Mol. Sci. 2021, 22(17), 9515