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En mai dernier, l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a estimé qu'on ne pouvait plus considéré le dioxyde de titane comme sûr en tant qu'additif alimentaire, évoquant notamment des problèmes de génotoxicité. L'additif E171 qui est constitué de particules de dioxyde de titane est utilisé dans les aliments (biscuits, chewing-gums, plats préparés, confiseries...), mais aussi dans les médicaments, dentifrices et cosmétiques pour ses propriétés colorantes et d'absorption des rayons ultraviolets.Interdiction européenne en 2022Pour Test-Achats, la Commission européenne ne pouvait dès lors que proposer la suppression du dioxyde de titane de la liste des additifs alimentaires autorisés. "Nous soutenons depuis longtemps que le dioxyde de titane (E171), ainsi qu'autres additifs alimentaires comme le dioxyde de silicium (E551) et l'argent (E174), n'ont pas leur place dans les aliments", expliquait l'association de consommateurs en mai dernier, ajoutant "qu'il n'existe pas de besoin technologique justifiant l'utilisation du nanodioxyde de titane". De fait, la France applique depuis janvier 2020 le principe de précaution vis-à-vis du dioxyde de titane (E171) pour l'interdire dans les aliments. En Belgique, le Conseil supérieur de la Santé le considère comme "cancérigène possible". Test-Achats élargissait alors également le débat en réclamant une définition plus claire des nanomatériaux au niveau européen, en estimant que la mention "nano" devrait obligatoirement apparaître sur l'emballage des produits qui en contiennent et que les fabricants de ces produits devraient être tenus de démontrer leur sécurité. Dans la foulée, en attente d'une décision de la Commission européenne, le SPF Santé recommandait à tous les opérateurs de commencer d'ores et déjà à stopper l'utilisation du E171 dans la fabrication ou le développement de produits alimentaires ou à rechercher des alternatives légalement autorisées.En octobre dernier, la Commission européenne a donc proposé d'interdire le dioxyde de titane dans les aliments mis sur le marché européen à compter de début 2022, et cette proposition a été approuvée par les États membres. Ce texte devrait entrer en vigueur au début de l'année prochaine et les fabricants et distributeurs disposeront d'un délai de six mois pour retirer progressivement du marché les produits contenant cet additif. "On s'étonne que, au vu des effets toxiques évoqués, les instances européennes n'aillent pas plus loin en interdisant le dioxyde de titane dans les médicaments et dans les cosmétiques susceptibles d'être ingérés, tels que les dentifrices ou baumes à lèvres", a fait observer l'association française des consommateurs Que Choisir. Dès lors, à quand son interdiction dans les médicaments?Pour l'instant, l'industrie pharmaceutique n'est pas concernée par l'interdiction, de façon à "prévenir toute pénurie" de produits médicaux. C'est l'argument qui semble prévaloir à l'Agence européenne du médicament (EMA) pour qui la substitution du dioxyde de titane dans les médicaments est peu faisable.L'EMA a sondé l'industrie pharmaceutique via trois organisations (AESGP, EFPIA, Medicines for Europe). Il ressort de cette enquête (juillet 2021) que "Les recherches d'alternatives n'ont pas identifié d'excipient ayant des propriétés comparables en ce qui concerne la blancheur, l'indice de réfraction, la solubilité dans l'eau et la taille des particules disponibles qui conduisent à la même qualité de film uniforme que le TiO2. Par conséquent, chaque médicament nécessite une approche au cas par cas lors de la conception d'une formulation sans TiO2 puisqu'aucun autre excipient ne peut le remplacer directement. L'excipient alternatif doit être sûr pour le patient à tous égards et compatible avec les médicaments"."Il est également important de souligner que le TiO2 est une substance inerte et que seule une petite quantité de TiO2 est nécessaire pour obtenir les propriétés souhaitées. Des matériaux alternatifs ayant les propriétés fonctionnelles nécessaires devraient probablement être ajoutés en plus grandes quantités sans pour autant donner la même apparence à la forme posologique que le TiO2". "Dans les portefeuilles de médicaments des entreprises, le remplacement du TiO2 représente un défi important et multifactoriel, note encore le rapport. Il faut démontrer que le produit de remplacement aura des performances identiques ou suffisamment similaires en tant qu'opacifiant et pigment. Il doit être possible d'obtenir le matériau dans un volume/à une échelle suffisante auprès de fournisseurs qui peuvent le fournir conformément aux normes de qualité requises pour les produits pharmaceutiques. Pour être utilisé comme pigment ou opacifiant, tout matériau alternatif doit avoir un rapport bénéfice/risque supérieur à celui du TiO2 et être conforme aux réglementations pertinentes. Il doit pouvoir être traité sur les lignes de production existantes. Il doit être compatible avec les autres ingrédients de la formulation sans avoir d'impact sur les attributs de qualité critiques du produit existant associés au reste de la formulation. Il doit être lui-même stable et ne pas interagir avec la formulation d'une manière qui pourrait compromettre la stabilité, y compris la stabilité de l'apparence du produit. Il ne doit pas avoir d'impact négatif sur le coût des produits, afin que le patient puisse se procurer ses produits préférés au même prix qu'auparavant".7 à 12 ans pour substituerEt de conclure que l'identification d'une alternative au dioxyde de titane prendra plusieurs années et que chaque formulation nécessitant le remplacement du dioxyde de titane devra être soumise à l'approbation des autorités sanitaires compétentes. Le temps estimé pour la mise en oeuvre de cette substitution dans tous les produits s'élève à 7 à 12 ans. L'EMA relève aussi l'aspect mondial de cette reformulation: "Le dioxyde de titane est l'une des seules substances approuvées au niveau mondial pour une utilisation dans les produits pharmaceutiques en tant que colorant blanc. Le TiO2 est utilisé de préférence dans les médicaments à l'échelle mondiale, car il répond aux exigences les plus strictes en matière de sécurité des médicaments, y compris celles fixées par les pharmacopées européennes, japonaises et américaines, et on estime qu'il est utilisé comme excipient dans la majorité des comprimés et des capsules ou des formes pharmaceutiques orales à dose solide actuellement fournis dans l'UE". "Nous nous attendons à des problèmes en ce qui concerne les processus réglementaires pour les produits mondiaux, car la plupart des entreprises fournissent des produits à la fois aux marchés de l'UE et hors UE. Si la reformulation est imposée par l'UE, il faudra alors maintenir un traitement parallèle des produits avec/sans dioxyde de titane pour les différents marchés (version UE sans TiO2 et version hors UE avec TiO2), ce qui n'est pas toujours justifiable pour les entreprises du point de vue des patients, de la technique et de l'économie"."Les chaînes d'approvisionnement sont mondiales et donc toute proposition de restriction ou d'interdiction entraînerait un défi pour les entreprises fabriquant et fournissant des produits pour l'UE. En outre, cela affecterait l'approvisionnement mondial des produits concernés et pourrait entraîner des pénuries de médicaments pour les produits existants ainsi que des retards dans la mise au point de nouveaux médicaments innovants", conclut le Rapport remis à l'EMA. "Une procédure lourde, certes, mais qui ne devrait décourager ni les laboratoires ni les agences étant donné l'enjeu de santé publique", commente UFC-Que Choisir.