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De nombreuses femmes enceintes prennent des médicaments pourtant déconseillés pendant la grossesse ou ne prennent pas ce qui est indispensable comme l'acide folique. Fin 2019, l'APB et l'Ophaco ont organisé une campagne pour inciter les femmes enceintes et celles projetant de l'être d'en informer leur pharmacien. L'objectif étant de faire de ce dernier un partenaire de confiance pour la préparation à la grossesse, la grossesse elle-même et l'allaitement. Cinq messages principaux sont mis en avant: débuter la prise d'acide folique suffisamment tôt, être prudent avec les antidouleurs, éviter les anti-inflammatoires, ne pas arrêter sa médication subitement, et soigner les maux de grossesse de façon sûre. Les dernières données (1) sont éloquentes: ? 8 femmes enceintes sur 10 prennent au moins un médicament (4 produits en moyenne), ? dans 7% des cas, il s'agit de médicaments potentiellement nocifs pour le foetus, ? 1 femme/20 a reçu un anti-inflammatoire pendant le 3e trimestre, ? le risque d'utiliser un médicament potentiellement nocif durant la grossesse augmente significativement avec l'âge, surtout après 35 ans, ? seule la moitié des femmes démarre la prise d'acide folique à temps, ? 6% des femmes ont fumé et/ou bu de l'alcool pendant la grossesse. Selon une étude, réalisée par l'Agence InterMutualiste, les Mutualités libres et l'ESP ULB, de plus en plus de médicaments sont prescrits et délivrés pendant la grossesse (81,8% en 2003-2005 à 89,3% en 2015-2017). L'utilisation de la progestérone était particulièrement élevée pendant cette période et celle des antibiotiques est restée importante (classe thérapeutique la plus prescrite et délivrée pendant la grossesse). Les prescriptions d'ibuprofène et de kétorolac ont augmenté, malgré les recommandations d'éviter ces médicaments pendant cette période critique. Côté point positif, entre 2003 et 2017, les prescriptions des vaccins recommandés (grippe et coqueluche) ont augmenté. (2) Il y a sans doute un manque d'information et de sensibilisation du public sur l'utilisation des médicaments pendant la grossesse et le pharmacien fait partie des professionnels de santé qui ont un rôle à jouer dans ce cadre. "En général, les femmes consultent leur gynécologue pour la première fois entre les 6e et 10e semaines de grossesse. Pourtant, les 8 premières semaines sont cruciales pour le bon développement de l'enfant. Or, le pharmacien est à diverses occasions, comme lors de la délivrance d'un test de grossesse, en contact avec ces femmes à un stade très précoce de leur grossesse. Le pharmacien de référence peut jouer un rôle important pour accompagner les femmes en désir ou en début de grossesse et les informer lors d'un 'Entretien (désir de) grossesse' ou BUM Grossesse", explique Nathalie Duquet (APB). L'information qu'il peut délivrer à cette occasion concerne: ? l'importance de l'acide folique ; ? l'importance de consulter le médecin ou gynécologue avant la grossesse pour rechercher des anticorps spécifiques, contrôler le statut vaccinal et réévaluer les traitements chroniques ; ? l'utilisation de médicaments et de produits de santé pendant la grossesse ; ? un mode de vie sain ainsi que les mesures d'hygiène préventives. En 2020, un projet pilote de BUM grossesse, mené par l'APB et le VAN, a été évalué auprès d'une quinzaine de pharmaciens en Flandre. La grande majorité a indiqué souhaiter continuer à offrir ce service dans le futur: ils trouvent qu'il est gratifiant et qu'il permet d'établir une relation de confiance et de fidéliser les patientes. Pour eux, 4 sujets doivent absolument faire partie de cet accompagnement: l'acide folique, la consommation d'alcool, l'usage des médicaments et la vaccination. Au rayon des freins évoqués par ceux qui ont testé ce BUM, la difficulté à motiver les patientes par manque de temps, parce qu'elles sont déjà suivies par un autre professionnel de santé, parce qu'elles se disent informées (déjà un enfant), parce qu'elles ont l'impression d'être contrôlées et tout simplement, parce qu'elles n'ont pas l'habitude de se voir proposer un entretien par le pharmacien. La question de la rémunération et de la durée (15-20 minutes) a aussi été évoquée, ainsi que le cas particulier des femmes qui ont des difficultés pour tomber enceinte. Du côté des femmes qui ont accepté ces entretiens (64), celles qui ont évalué le projet (31) se disent très satisfaites du service, des conseils et du dépliant reçus de la part du pharmacien, et la plupart recommanderait ce service à leurs proches. "Avec les entretiens désir de grossesse ou BUM grossesse, le pharmacien peut démontrer sa valeur ajoutée en offrant un service utile à un groupe cible qui a vraiment besoin d'informations correctes et en renforçant les messages délivrés par le médecin et le gynécologue", estime Nathalie Duquet. L'APB a d'ores et déjà développé du matériel pour soutenir les pharmaciens qui désirent réaliser ce type d'entretien et pour informer les patientes (affiche, syllabus, checklist...). (3) L'automne dernier, le BUM Grossesse a été présenté aux pharmaciens francophones à la fin des ateliers relatifs à l'accompagnement de la femme enceinte par le pharmacien organisés par la SSPF. Après les BUM Revue de la médication et Sevrage benzodiazépines, prévus pour le second semestre 2022, le prochain à s'ajouter à la liste pourrait donc être celui dédié à la grossesse...