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" Le risque de pénurie de dispositifs médicaux (DM), notamment implantables (DMI), à l'horizon du 26 mai 2024, est réel si aucune mesure n'est prise pour parer au goulot d'étranglement constitué essentiellement par les organismes notifiés (ON) chargés du marquage CE de ces dispositifs en application de la nouvelle réglementation européenne UE 2017/745, car ils sont insuffisants en nombre et manquent de moyens", ont par exemple alerté les Académies françaises de médecine, de pharmacie et de chirurgie en mai dernier. A l'automne, les Académies françaises et la Fédération Européenne des Académies de Médecine (FEAM), auxquelles s'est jointe l'Académie royale de Médecine de Belgique, ont fait 4 recommandations: -la prolongation d'au moins 2 ans de la période transitoire de la mise en application du règlement UE 2017/745, ainsi que l'ont déjà préconisé sept états-membres de l'UE ; -que cette prolongation porte essentiellement sur les DM et DMI parfaitement éprouvés (sans problème de sécurité relevé par le contrôle annuel exercé par l'ON ou sur les données de matériovigilance (fabricants, ON, Agences sanitaires)), déjà marqués CE de 1991 à 2021 et pour lesquels les fabricants ont manifesté le souhait de les maintenir sur le marché par le dépôt d'un dossier de validation (même partiel) ; -que les praticiens utilisateurs de ces DMI fassent en sorte que ceux-ci soient inscrits systématiquement sur des registres de suivi, en relation avec les industriels responsables de leur matériovigilance ; -que la liste des DM et DMI indispensables, c'est-à-dire sans alternative valable et non encore déposés ou en difficulté de dépôt, soit déterminée rapidement en relation avec leurs utilisateurs, afin d'éviter leur disparition préjudiciable à la santé des patients. Ces craintes sont confirmées par Marc Gryseels, administrateur délégué de Bachi, l'association belge des entreprises de l'industrie des médicaments en vente libre et des produits de santé vendus en pharmacie: "Avant le Brexit, il y avait 60 ON agréés en Europe, aujourd'hui, ils sont 35. Or, dans le cadre de la modification de la législation sur les DM, tous doivent se faire recertifiés avant mai 2024 et le délai actuel est de 18 à 24 mois. Il est donc déjà trop tard pour ceux qui n'ont pas encore déposé leur dossier. De février 2021 à octobre 2022, 8.100 dossiers ont été déposés et seuls 2.000 certificats accordés. Pour l'année 2024, 17.000 dossiers doivent être agréés et en 2023, plus de 4.300! Soit un total de plus de 22.000 dossiers à agréer, auxquels il faut ajouter les 6.000 encore en attente. Ceci montre l'ampleur du problème..." De plus, la rareté des ON a fait monter les coûts. Marc Gryseels se dit particulièrement inquiet pour les petites sociétés: "Les autorités n'ont pas idée des conséquences dans certains domaines. Par exemple, les sprays à base d'eau de mer (1/5 ont le statut DM): ce sont des nébulisateurs, il y a donc une action mécanique, et l'eau de mer contient des minéraux etc, il y a donc une action métabolique, dès lors, peuvent-ils rester DM? Personne ne sait aujourd'hui!" Bachi agit à deux niveaux. "Au niveau européen, dans le cadre de l'AESGP (Association of the European Self-Care Industry), nous demandons à l'Europe qu'il y ait une harmonisation sur l'interprétation des textes relatifs aux produits de santé, et qu'il y ait une révision du délai pour finaliser les certifications. On a aussi une action au niveau belge sur l'interprétation nationale parce que malheureusement ces textes européens donnent une ligne de conduite mais ils laissent place pour l'implémentation nationale". L'établissement d'une liste des produits essentiels sans alternative est en route à l'Europe. "Je suis dans la Commission qui s'occupe des indisponibilités de médicaments et j'ai proposé de faire une liste similaire pour les DM. Ceux-ci sont régulés par l'Europe alors que pour les médicaments, beaucoup de procédures sont encore nationales. Faire cette liste pour les DM est donc plus complexe et suite à cette modification, qui dit qu'un produit va rester sur le marché? Si le sérum physiologique n'est plus disponible, ce n'est pas critique pour les patients, par contre, s'il n'y a plus de respirateurs..." "L'annonce de ce changement de statut date d'il y a 5 ans, mais il a été mal estimé au départ et il a été confronté au Brexit et puis à la pandémie. Ces situations changent la donne, mais certains s'y sont pris à temps et sont certifiés (2.000). Dès lors, faut-il pénaliser ces derniers ou faut-il avant tout sauvegarder les produits qui sont sur le marché et allonger la période pour se faire agréer? Comme il en va de la santé publique pour plusieurs de ces produits, je pense que l'on va vers une extension de la période de transition. A l'époque où il y avait 60 ON, il n'y avait pas de révision en route et on avait estimé qu'ils devraient être 5 fois plus nombreux pour assumer ce changement. Il faudrait donc peut-être 5 ans pour gérer ce flux...", conclut Marc Gryseels. Enfin, toutes ces plaintes sont arrivées aux oreilles de l'UE et la commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides, a proposé aux ministres de la santé européens réunis le 9 décembre dernier de préparer une modification législative du règlement afin d'en amender les modalités de transition. Elle a invité le Parlement et le Conseil à garantir une adoption rapide de cette proposition présentée au Parlement en ce début d'année...