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Les substances per- et polyfluoroalkyliques (SPFA) sont utilisées notamment dans les mousses anti-incendies, les vêtements imperméables et les revêtements antiadhésifs. Elles ont été développées pour être stables... et c'est justement là que le bât blesse, car il arrive que le vent ou les eaux usées des usines les libèrent dans la nature, où elles ne seront pas dégradées dans le sol dans des conditions ordinaires. La recherche a déjà établi l'existence d'un lien entre les SPFA présentes dans l'environnement et diverses pathologies, dont notamment des troubles thyroïdiens et lipidiques ou encore certains cancers. S'il est tout à fait possible d'extraire les SPFA de l'eau, il n'est par contre pas évident, ensuite, de s'en débarrasser. Leur combustion dans les décharges risque de contaminer les nappes phréatiques et les méthodes qui existent à l'heure actuelle pour les détruire exigent des pressions élevées et des températures supérieures à 1.000°C... sans compter que même ainsi, tout risque qu'elles se retrouvent dans l'environnement n'est pas encore exclu. Récemment, une équipe de recherche semble toutefois avoir fait un pas vers une nouvelle solution. Dans une étude publiée cet été dans la revue Science, la chimiste américaine Brittany Trang et son équipe rapportent leurs résultats avec une méthode basée sur des réactifs bon marché et des températures d'environ 100°C. Les SPFA doivent leur stabilité à des liaisons carbone-fluor... et plutôt que de se casser les dents sur ces dernières, Brittany Trang a eu l'idée de s'intéresser à un segment contenant de l'oxygène qui se trouve à une extrémité des molécules de SPFA, l'acide carboxylique perfluoré (ACPF), que les auteurs qualifient dans leur article de "talon d'Achille" de ces substances. Ils ont fait chauffer les molécules dans un bain de diméthylsulfoxyde, un réactif largement disponible qui est utilisé entre autres comme dégraissant industriel, pour en détacher ainsi le groupe terminal oxygéné... ce qui a ensuite provoqué une réaction en chaîne et la dégradation des molécules de SPFA en composés chimiques inoffensifs. L'approche ne fonctionne malheureusement pas pour toutes les SPFA, mais les chercheurs ont tout de même réussi à en dégrader une dizaine, dont l'acide perfluorooctanoïque (APFO). L'acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), par contre, n'y semblait pas sensible... et malheureusement, si l'on veut en croire les mesures réalisées au cours du second semestre 2021 à Zwijndrecht par l'institut flamand de recherche technologique VITO, le PFOS est justement de loin le SPFA le plus abondant dans l'air ambiant, avec environ deux tiers de la concentration totale. L'APFO arrive en seconde place, avec une part d'environ 8%. Les méthodes utilisées à l'heure actuelle sont en mesure de dégrader les deux substances. L'ambition des chercheurs américains n'est donc pas de voir leur approche immédiatement adoptée dans la pratique. Ils espèrent surtout que leurs travaux auront permis d'élargir notre connaissance des propriétés des SPFA et des moyens de les dégrader... et qu'ils pourront inspirer d'autres recherches dont les résultats auront, eux, des applications pratiques concrètes.