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Le samedi 18 novembre marque la journée européenne pour un usage conscient des antibiotiques. L'Union européenne lance cette initiative de santé publique car elle estime que la résistance aux antimicrobiens (RAM) est l'une des plus grandes menaces pour la santé publique d'aujourd'hui et de demain. " Dans les projections les plus pessimistes du Réseau européen de surveillance de la consommation d'antimicrobien (EARS-Net), il n'y aura plus d'antibiotiques efficaces à l'avenir. Les interventions chirurgicales deviendront beaucoup plus risquées et les infections qui pouvaient être traitées seront à nouveau mortelles ", alerte le SPF Santé publique dans son dernier rapport sur les soins de santé. Quelle charge fait actuellement peser sur nous la résistance antimicrobienne? Pour la seule année 2020, le Centre européen de contrôle des maladies infectieuses (ci-après, ECDC) estime cette charge à l'échelle européenne à plus de 800.000 infections à des bactéries résistantes aux antibiotiques. Plus de 35.000 décès y sont directement liés. Pour concrétiser l'impact de ces infections d'une autre manière, on estime qu'elles ont entrainé la perte de plus d'un million d'années de vie en bonne santé (pas de mauvaise santé, de handicap ou de décès prématuré). En comparaison avec d'autres maladies infectieuses, la charge titanesque de la RAM équivaut à celles de la grippe, de la tuberculose et du VIH/SIDA combinées. Une difficulté avec la problématique de la résistance antimicrobienne est que, "si vous demandez au gens dans la rue, ils ne savent pas ce que ça veut dire", regrette Dominique Monnet, chef de la section RMA au Centre européen de surveillance des maladies infectieuses. "Pourtant, on doit garder à l'esprit que ce sont nos patients qui souffrent d'infections à des bactéries résistantes à ces antibiotiques. Cela résulte en années de vies perdues, et parfois en décès." Alors l'ECDC a cherché des récits de patients et a repéré l'histoire d'Areti. À 13 ans, la jeune fille a été diagnostiquée d'une leucémie lymphoblastique aigüe. Pendant son traitement anticancéreux, elle développe une infection à la klebsiella, une bactérie difficile à traiter qui a développé une résistance à la plupart des antibiotiques à spectre large, ainsi qu'à certains antibiotiques de dernier recours. La chimiothérapie d'Areti a dû être suspendue, le temps d'enfin identifier un antibiotique de dernier recours qui a pu traiter l'infection. Seulement après cette étape, sa chimio a pu reprendre. Aujourd'hui, 12 ans plus tard, Areti est en vie, en bonne santé et vit une vie normale. Mais au prix de gros risques pris avec son traitement anticancéreux. L'ECDC s'est allié à deux réseaux européens de surveillance: ESAC-Net, qui surveille la consommation d'antibiotiques dans l'UE, et EARS-Net, déjà mentionné, qui contrôle la résistance antimicrobienne sur le même territoire. "À chaque fois qu'on vérifie pour voir s'il y a une corrélation entre consommation et résistance, on en trouve une!", explique Dominique Monnet. "Plus un État consomme d'antibiotiques macrolides, plus élevée est la proportion d'infections qui y seront résistantes." En réaction, le Conseil de l'Union européenne a pris une recommandation pour mettre en place des actions afin de combattre la RAM dans une approche "One health". Cinq cibles chiffrées ont été déterminées pour l'horizon 2030. La première consiste en une baisse de -20% dans la consommation d'antibiotiques. Si, à l'échelle européenne globale, il reste beaucoup d'efforts à faire (la décroissance actuelle est chiffrée à -2.5%), la Belgique est sur la bonne voie puisqu'elle affiche déjà, pour la période 2019-2022, une baisse de -4.4%. Le deuxième objectif joue sur une utilisation plus ciblée des antibiotiques. La troisième cible vise une baisse de -15% des incidences d'infections sanguines au staphylocoque doré résistant à la méticilline. Ici, la Belgique fait figure du meilleur élève européen puisqu'elle affiche déjà une baisse de -51%, là où d'autres États enregistrent carrément des augmentations (+48% pour la Roumanie, +99.4% pour la Croatie, +113% pour Chypre). Pour son quatrième objectif, la diminution de -10% des incidences d'infections à Escherichia coli résistants aux céphalosporines de 3e génération, l'UE était bien partie avec une baisse de -16.8%, mais depuis la fin de la pandémie de covid-19, les infections repartent à la hausse.Enfin, la cinquième cible est particulièrement préoccupante, puisque l'UE enregistre actuellement une hausse de +49.5% des infections à Klebsiella pneumoniae, là où elle vise une diminution de -5%. Ici encore, notre petit pays remplit déjà les objectifs, avec une baisse effective de -8.5%. Pour atteindre ces objectifs, Dominique Monnet soulève le fait que chaque maillon de la chaîne a son rôle à jouer: "Les médecins doivent être plus prudents lors de la prescription. Les pharmaciens doivent mieux conseiller les patients et ne surtout pas vendre d'antibiotiques sans prescription. Même les vétérinaires et les fermiers doivent mieux faire. La viande et les légumes peuvent contenir des bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques." Il rappelle en outre que l'hygiène des mains reste la meilleure arme contre la propagation des bactéries, résistantes ou non.