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"Au cours de leur formation, les pharmaciens n'ont souvent pas du tout l'occasion de se familiariser avec la fiscalité, ils en ignorent jusqu'à la terminologie et ils sont nombreux à le déplorer", explique Christophe Gouwy d'Accountancy Kava, un bureau spécialisé dans la comptabilité et la fiscalité des professions libérales médicales. Pour ceux qui travaillent sous statut salarié (soit plus de la moitié de la profession), ce manque de connaissances n'est pas forcément un problème majeur, puisque c'est l'employeur qui règle l'essentiel des questions fiscales. Ces collègues touchent un salaire fixe sur lequel ont déjà été prélevées les cotisations sociales et le précompte professionnel. Les pharmaciens entrepreneurs ont beaucoup plus de marge pour jouer avec leurs investissements et revenus. Ils peuvent ainsi déduire certains frais liés à l'exercice de leur profession, comme p.ex. voiture, emprunts, coûts salariaux, etc. Il est aussi important de savoir sous quel statut (société ou entreprise unipersonnelle) ils exercent leurs activités. " Un indépendant qui travaille dur et gagne bien sa vie se retrouvera rapidement dans les tranches de revenus les plus lourdement taxées. Si vous travaillez à plusieurs endroits et rêvez de reprendre un jour une officine, il peut être plus intéressant de créer une société ", poursuit Christophe Gouwy. " Une société offre en effet davantage de possibilités en termes de planification. Quelle est sa structure? Son taux d'imposition? Comment faire des économies à ce niveau? Dans une entreprise unipersonnelle, il y a aussi le problème que les cotisations sociales sont calculées en fonction des revenus des deux années précédentes alors que ces rentrées fluctuent, ce qui provoque souvent un effet yoyo. " Lors de la reprise d'une officine, il est donc important de regarder le tableau global. Comment voyez-vous la suite de votre carrière? Vos rêves sont-ils réalistes? " Les impôts, vous n'y n'échapperez pas, mais autant optimiser votre situation. Les pharmaciens qui prévoient des transformations, par exemple, devraient s'efforcer de profiter au maximum des déductions pour investissements. Il est important d'en tenir compte pour planifier ces travaux, car les règles sont régulièrement modifiées. Pour le moment, le taux de déduction pour investissements est extrêmement élevé. Il faut donc bien planifier son projet, mais aussi bien connaître la législation en vigueur pour savoir exactement quels frais peuvent être déduits et à concurrence de quel montant. " La fiscalité et l'optimisation fiscale, c'est donc à la fois réfléchir à ce que l'on peut faire dans l'immédiat et anticiper les évolutions futures. " Pour pouvoir dormir sur vos deux oreilles, il est important, lorsque vous vous engagez dans un projet de 15 à 20 ans, de bien calculer votre avantage fiscal mais aussi de poser un regard réaliste sur l'évolution future du secteur et de la fiscalité ", explique Christophe Gouwy. C'est un aspect distinct de la déclaration annuelle classique avec les frais, les dépenses déductibles et les revenus. Le pharmacien lambda est demandeur d'une optimisation fiscale, mais sans s'exposer à des problèmes avec le fisc. " Il y a des contrôles qui roulent et d'autres qui se passent beaucoup moins bien, avec p.ex. des discussions sur les frais professionnels réels. Se faire contrôler parce qu'on se permet des libertés avec les règles n'est jamais idéal. Il est donc important de veiller à les respecter, car le but n'est évidemment pas de vous retrouver au tribunal. Fixez clairement les limites en concertation avec votre comptable. " Suivre les dernières évolutions et changements législatifs est évidemment avant tout la responsabilité du comptable, mais mieux vaut tout de même vous tenir vous-même au courant. " Tout le monde ne le fait pas. Certains resteront toute leur vie des profanes en la matière, d'autres acquièrent en l'espace de quelques années les connaissances nécessaires pour discuter de leur dossier et pour comprendre p.ex. la différence entre usufruit et nue-propriété. Nous ne sommes plus à l'époque où le client rentrait sa paperasserie et se fiait aveuglement à son comptable. Ceux qui ne s'intéressent pas trop à leur comptabilité ont tendance à regarder les chiffres et à se féliciter de leurs revenus... mais avec les connaissances et le bon suivi, ils auraient peut-être fait encore mieux! Là encore, examinez toujours avec votre comptable quels sont les bons filons à exploiter pour investir ", conseille Christophe Gouwy. De nos jours, il est aussi important pour le pharmacien entrepreneur d'entretenir lui-même une comptabilité compréhensible. Pour jouir d'un traitement optimal sur le plan fiscal, il faut en effet régulièrement revoir soi-même ses comptes. Veillez à ce que vos factures soient correctes avant de les transmettre à votre comptable, intéressez-vous à vos finances et tenez-vous au courant, même si vous ne comprenez pas tout dans les moindres détails. "Cela vous aidera par la suite à poser les bonnes questions à votre comptable. Sachez p.ex. qu'il existe deux tarifs dans l'impôt des sociétés et veillez à comprendre pourquoi vous êtes soumis à l'un ou à l'autre, ce qui dépend d'une combinaison d'éléments." S'informer, planifier et communiquer sont les trois grands piliers de l'optimisation fiscale. "Retenez toutefois que celle-ci sera toujours un aspect secondaire par rapport aux projets que vous avez pour votre entreprise. À partir du moment où vous aurez une idée claire de ces derniers, vous pourrez réfléchir aux moyens de les réaliser d'une façon fiscalement avantageuse. Vaut-il mieux investir dans des travaux de transformation? Dans la constitution d'une pension? Dans un autre aspect? Tenez compte du contexte à la fois fiscal et financier. Bien souvent, il peut être intéressant d'emprunter un peu plus longtemps afin de ne pas vous mettre en difficulté sur le plan financier. Ce n'est qu'ensuite que se présentera la question de l'optimisation fiscale. Si vous avez déjà du mal à boucler vos fins de mois, ce sera évidemment le dernier de vos soucis", conclut l'expert.