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De Genk à Liège, en passant par Bruxelles, Paris, Hasselt, Nivelles, le parcours professionnel d'Emmanuelle Vanmechelen traverse allègrement les frontières linguistiques et nationales. Ceci, pour le plus grand bonheur de cette Limbourgeoise d'origine: " J'ai fait toute ma scolarité en néerlandais mais on parlait français à la maison. Finalement, j'ai fait mes études de pharmacie à Liège. J'avais hésité avec l'histoire de l'art et puis, j'ai opté pour la pharma, j'étais vraiment intéressée par le contenu des cours, le fonctionnement du corps humain... Tout ça m'a passionnée et je me suis dit qu'un jour j'aurais peut-être ma pharmacie. J'aime aussi la transmission et j'avais envisagé de faire l'agrégation après mes études, ce qui ne s'est finalement pas fait. " Diplômée en 1984, son début de carrière commence un peu classiquement par des remplacements chez son maître de stage et puis à Seraing chez un pharmacien appelé pour le service militaire. " C'est un très bon souvenir. A cette époque, j'ai aussi fait un peu de tarification en freelance, les calculs se faisaient alors à la main et j'ai développé un petit programme informatique pour nous faciliter la tâche. " Sans le savoir, Emmanuelle Vanmechelen fait ainsi ses premiers pas dans ce qui occupe aujourd'hui une grosse partie de son temps... La carrière de la pharmacienne se poursuit à Bruxelles et ensuite, début 1989, en France pour suivre son compagnon. " J'y suis restée 6 ans: 3 en région parisienne et 3 dans l'Oise. Je me suis tout de suite sentie à ma place alors que je ne connaissais pas spécialement les noms des spécialités etc. C'était une période très riche avec le début de l'informatique, une approche de ventes associées et de vente conseil... Malheureusement, la première pharmacie se trouvait dans un centre commercial où l'on ne voyait jamais la lumière du jour or, j'ai besoin de travailler dans un endroit lumineux, j'ai alors trouvé un nouvel emploi à Beauvais dans l'Oise. " Ensuite, retour à Bruxelles où Emmanuelle Vanmechelen prend une gérance à Molenbeek et... donne naissance à son fils en 1997. Entre-temps, l'idée d'enseigner ne l'ayant pas quittée, elle commence un CAP (Certificat d'aptitude pédagogique) qu'elle ne terminera pas faute de temps pour effectuer les stages. Elle fait un long remplacement à l'hôpital de la Charrette, un centre de revalidation gériatrique. " En travaillant dans cette pharmacie hospitalière, je ne voyais pas les patients mais finalement ce sont les soignants qui étaient les 'patients' dans le sens où c'est eux qui venaient me poser des questions ", s'enthousiasme-t-elle. En 2005, au décès de sa maman, elle prend un nouveau grand tournant professionnel: " Je vois une offre d'emploi de l'Union professionnelle des pharmaciens du Limbourg à Hasselt, la Koninklijk Limburgs Apothekers Verbond (KLAV), qui cherche un pharmacien expérimenté bon bilingue. A l'époque, une partie non négligeable de leurs affiliés étaient francophones et ils voulaient commencer à développer leur communication. " Elle se rapproche ainsi de son père devenu veuf, tout en continuant à faire des remplacements le samedi dans une pharmacie de l'avenue Louise à Bruxelles. Au sein du KLAV, elle découvre le travail d'une union professionnelle. " Il y a deux pôles principaux, précise-t-elle: la gestion de l'union avec la représentativité des pharmaciens au conseil fédéral de l'APB et les services proposés dont le principal est l'office de tarification. Je me suis occupée de la communication et de l'information de l'office de tarification, à savoir réponses téléphoniques, dossiers explicatifs... Paul Meuwissen, le directeur du KLAV à l'époque, a été mon mentor, c'est vraiment quelqu'un de bien que je peux toujours appeler quand j'ai une question. " Même si elle est très attachée au service aux patients, quitter le comptoir ne lui a pas paru trop pesant: " L'officine en tant que telle ne m'a pas manquée parce que je suis tout le temps en contact avec des pharmaciens. Mon fils résume très bien ça en disant que je suis 'la pharmacienne des pharmaciens'! Je suis en effet en contact direct avec les pharmaciens qui appellent parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi telle magistrale n'est pas remboursée ou ce qu'il faut faire avec telle attestation... J'ai un peu perdu l'aspect scientifique connaissance du médicament mais je suis toujours des formations continues et j'ai appris à connaître tout ce qu'il y a derrière les modalités de remboursement. " Dans la foulée, elle rentre dans la commission qui s'occupe du remboursement des préparations magistrales à l'Inami, tout en s'impliquant dans l'asbl QMP (valorisation des préparations magistrales), en tant qu'oratrice pour donner des formations aux médecins sur les magistrales (remboursement, formulaire thérapeutique...). Une activité qui lui permet d'associer son goût pour la magistrale et pour la transmission des savoirs. " Sur les bancs de cette commission, j'ai rencontré Georges Guillaume qui était à ce moment-là au comité directeur de l'APB et qui était un des grands piliers du Cerpan, le Cercle Royal Pharmaceutique de l'Arrondissement de Nivelles, l'union professionnelle des pharmaciens du Brabant Wallon. " En 2010, elle devient directrice du Cerpan, poste qu'elle occupe toujours actuellement, après un break d'un an et demi, en 2019, chez Pranarôm pour donner des formations. Le Cerpan s'est doté d'un office de tarification en 2001. " C'est ce qui permet à une union d'avoir un certain confort matériel puisque les pharmaciens payent pour ce service. L'équipe est composée de trois assistantes et d'un comptable, mais nous sommes tous multitâches. Je suis assez exigeante, il faut connaître le process de tarification pour pouvoir répondre dans les temps aux pharmaciens et leur proposer un service impeccable. Il faut bien comprendre les tenants et les aboutissants de la réglementation qui est de plus en plus complexe. On essaye de répondre aux questions en tenant compte de la réalité du terrain et du risque de refus des mutuelles. Il y a peu d'unions où il y a cette compétence, c'est notre atout, nous sommes un peu uniques au Cerpan, se réjouit-elle. Malheureusement, il y a encore beaucoup de pharmaciens qui ne se rendent pas compte de tout ce qu'ils ratent en n'adhérant pas à notre Union! " En 2012, le Cerpan s'est installé dans le zoning nord de Nivelles, dans un nouveau bâtiment baigné de lumière (sa directrice y a particulièrement veillé!) et pensé pour offrir un certain confort à ceux qui y travaillent mais aussi aux pharmaciens qui viennent y suivre une conférence dans l'auditoire. " A l'AUP (association des unions francophones), nous travaillons à accentuer la collaboration inter-union. J'espère qu'on arrivera à mettre beaucoup plus nos compétences en commun parce que ma grande crainte c'est que la connaissance relative à la tarification se perde. Il faudrait simplifier les règles et responsabiliser davantage les prescripteurs. Si on n'a plus suffisamment de connaissances des subtilités d'interprétation des règles de tarification, on dépendra de l'informatique, des softs des mutuelles qui interprètent nos fichiers... Si un médecin n'est pas remboursé pour une de ses consultations, ce n'est pas très grave. Par contre, pour un pharmacien qui a dû acheter sa boîte de médicament, payer son fournisseur, l'enjeu n'est pas du tout le même! ", s'inquiète-t-elle. Nouveaux services, pénuries, rémunération... Comment voit-elle l'avenir de la pharmacie? " Je pense qu'il faut mettre plus en évidence nos compétences vis-à-vis du grand public, des décideurs et des prescripteurs. Il faut donner au pharmacien la possibilité d'être un acteur des soins de santé et d'être reconnu financièrement pour ce genre de tâche. C'est en train de bouger mais pourquoi est-on encore tellement tributaire d'un système économique où il faut une rentabilité? L'autre aspect, c'est la collaboration multidisciplinaire: c'est vraiment la clé, il est essentiel que médecins, pharmaciens et autres soignants collaborent mieux. " Sur un plan plus personnel, Emmanuelle Vanmechelen va relever un défi en cette rentrée de janvier: donner cours aux futurs pharmaciens! " La VUB m'a engagée en tant que professeure invitée pour donner 30 heures de cours sur la déontologie, la tarification et la législation sociale aux étudiants de master 1. Je suis ravie parce que c'est un magnifique challenge de transmettre des connaissances et de travailler en équipe avec les autres enseignants. Encore une fois, c'est une opportunité pour apprendre des choses, qui plus est, dans un milieu académique. C'est un contrat de trois ans, après, on verra bien... " Gageons qu'Emmanuelle Vanmechelen trouvera encore d'autres opportunités où apporter ses compétences et vivre de nouvelles expériences!