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Pour la FIP, la santé digitale est une priorité pour la prochaine décennie. A l'occasion d'un webinaire sur la télépharmacie, Lars-Ake Söderlund (vice-président FIP) a pointé 3 éléments clés pour en faire un succès: la formation (pour développer la littératie digitale des équipes pharmaceutiques), la pratique (systèmes et structures en place pour délivrer la santé digitale et assurer des soins pharmaceutiques de qualité, enregistrement des données, applications et IA, en comprendre les dimensions de propriété, d'éthique, de protection des données, de qualité ; reconnaître la santé digitale comme un mécanisme permettant un accès large et équitable aux soins pharmaceutiques digitaux) et la science (application des technologies digitales dans les soins et développement de produits médicaux innnovants). Une équipe de la FIP a réalisé une revue narrative sur la télépharmacie et les soins pharmaceutiques, qui a paru dans l'édition d'octobre 2022 de Farmacia Hospitalaria. "La télésanté et toutes les technologies qui la sous-tendent sont là pour rester et ne feront probablement que se développer à l'avenir, estime Rúben Viegas (Pays-Bas), l'un des auteurs. La transformation numérique est en cours, beaucoup de pharmaciens collectent déjà des données (pression artérielle, glucose...), imaginez ce qu'on pourrait faire si on pouvait les connecter avec les médecins généralistes et les autres professionnels de la santé! Les big data, les dossiers de santé électroniques et l'intelligence artificielle peuvent permettre de meilleures prescriptions, de meilleures révisions médicamenteuses. Ces outils peuvent être essentiels pour les futurs dispositifs portables et les technologies digitales (balances...). Tous ces appareils fournissent déjà beaucoup d'informations qui peuvent également être utilisées pour notre santé et, enfin et surtout, pour la préparation des futurs pharmaciens qui devront probablement apprendre beaucoup de choses qui, il y a 40 ou 50 ans, n'étaient même pas envisagées!" Certains pays ont déjà pris le tournant de la télépharmacie et la littérature a déjà montré qu'elle avait un effet positif sur la sécurité et la santé des patients. En Chine, pendant la pandémie de Covid-19, un service de pharmacie à distance "Cloud Pharmacy Care", basé sur le logiciel social WeChat app, a rapidement été mis en place pour résoudre les problèmes de médication des patients pendant les quarantaines à domicile. Ce modèle de consultation interactive et en temps opportun a contribué à la gestion du traitement médicamenteux des patients chroniques, a amélioré l'observance médicamenteuse, et a joué un rôle positif dans la promotion de la vulgarisation des connaissances sur la sécurité des médicaments. Au Danemark, un service de chat en ligne a été mis en place à l'échelle nationale en 2012 pour permettre à tous de recevoir des conseils sur les médicaments. L'analyse des demandes de renseignements (36% liés aux médicaments, 26% de questions techniques, 20% liés aux symptômes) montrent qu'il faut des opérateurs de chat professionnels ayant une grande expérience. En Suisse, grâce à netCare, les pharmaciens communautaires peuvent réaliser un triage sur base d'arbres de décision pour gérer des conditions médicales courantes. Si nécessaire, ils peuvent collaborer avec des médecins par le biais d'une consultation vidéo. "Il s'agit là de quelques exemples passionnants mais, dans la pratique, le taux d'adoption de la télépharmacie est encore relativement faible", concède Sarah Dineen-Griffin (Australie), co-autrice de l'étude de la FIP. "Les pharmaciens peuvent réellement utiliser la télépharmacie pour augmenter le temps qu'ils passent avec les patients, établir la confiance avec eux pour des téléconsultations efficaces et aussi protéger leur vie privée en obtenant leur consentement. Elle permet également d'éviter des déplacements physiques inutiles pour accéder aux soins, ce qui peut se traduire par des économies potentielles pour les patients. Enfin, les pharmaciens peuvent avoir besoin d'identifier les préférences des patients et déterminer s'ils bénéficieraient plutôt d'une consultation à distance ou d'une consultation en personne dans l'officine. En conséquence, la participation proactive d'autres professionnels de la santé devrait être envisagée lors de la mise en oeuvre de la télépharmacie", explique-t-elle en ajoutant qu'il a été démontré que les pharmaciens utilisant la télépharmacie pour fournir de soins dans des endroits éloignés sont plus efficaces lorsqu'ils ont accès aux dossiers médicaux électroniques des patients. Malgré les nombreux avantages des services de télépharmacie, il y a aussi des limites à leur mise en oeuvre. "Tout d'abord, les résultats d'une utilisation réussie peuvent être influencés par la santé individuelle et la culture numérique (ou littératie digitale), ainsi que par le degré d'intégration de la pharmacie dans les parcours de soins existants." D'autres obstacles doivent encore être pris en compte: "Il y a les limites techniques (connectivité Internet, pannes d'équipement et de logiciels), l'examen physique limité (difficultés pour le pharmacien pour établir des diagnostics précis et prendre des décisions de traitement), et l'interaction limitée en face à face (la capacité restreinte du pharmacien d'établir une relation de confiance avec le patient et de comprendre ses signaux non verbaux). La télépharmacie peut être assez coûteuse à mettre en oeuvre et à maintenir dans la pratique. Enfin, il y a les questions juridiques et réglementaires." "La télépharmacie a vraiment le potentiel d'améliorer la santé des patients, mais elle devrait être considérée comme faisant partie d'une stratégie de soins de santé plus large qui répond aux besoins spécifiques de la population et qui étudie les processus de mise en oeuvre pour assurer la durabilité et la pratique de la pharmacie. Nous, pharmaciens, devons nous adapter et comprendre comment faire partie de ce futur", conclut Sarah Dineen-Griffin.