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Lien Beckers travaille au sein d'un laboratoire de bio-ingénierie multidisciplinaire (composé de physiciens, chimistes, ingénieurs et biologistes) actif dans le domaine de la biologie cellulaire générale et, depuis peu, des maladies neurodégénératives. Sa fonction? "En quelques mots, les "briques" qui composent nos cellules, les protéines et nucléotides, forment des complexes essentiels au fonctionnement cellulaire... mais il arrive que ce processus dérape et que ces complexes se "pétrifient" et forment des agrégats. L'équipe de neurologie que je supervise s'efforce de comprendre comment ceux-ci se développent, mais aussi ce qu'ils font et comment ils déclenchent des processus pathologiques en les examinant à l'aide de techniques développées par notre laboratoire. Ce sont des travaux pionniers, parce que nous abordons les choses sous plusieurs angles et au départ de plusieurs disciplines. Nous espérons pouvoir appliquer ces connaissances à des maladies comme la SLA et l'Alzheimer." C'est là qu'intervient son expertise, poursuit notre compatriote. "Les maladies neurologiques ont toujours été mon domaine de spécialité et, au cours de la préparation de mon doctorat à Louvain, j'ai également donné cours aux étudiants en sciences pharmaceutiques. J'ai ensuite travaillé à la faculté de médecine d'Harvard et à la Columbia University, où je me suis focalisée sur les microglies (les cellules immunitaires spécifiques au système nerveux central) dans la sclérose en plaques et, plus tard, dans la maladie d'Alzheimer. Ces recherches ont éveillé l'intérêt d'un professeur de Princeton, et c'est ainsi que j'ai abouti ici." Princeton ne propose pourtant pas de formation en médecine et il n'y a d'ailleurs pas le moindre médecin dans le laboratoire de Lien Beckers. "On peut se dire que c'est une lacune, sachant que nos travaux devraient, à terme, déboucher sur des applications médicales et/ou pharmaceutiques. Nos recherches multidisciplinaires, mes connaissances médicales et (neuro)biologiques et la contribution de mes collègues qui possèdent un bagage en neurologie n'en sont pas moins extrêmement précieuses, car nous continuons à développer de nouvelles techniques et à les appliquer dans le domaine de la médecine." L'équipe planche d'ailleurs aussi sur le covid. "Des collègues ont commencé à examiner le virus en s'appuyant sur les mêmes techniques et sur l'expertise présente dans notre laboratoire. Nous savons que les protéines virales se lient aux cellules humaines pour les infecter et nous nous efforçons, à l'aide de nos techniques, de bloquer cette interaction entre les deux. Nous avons également vu que le virus peut détruire la cellule en la faisant éclater... et si nous pouvions éviter ce phénomène, cela permettrait du même coup de mitiger la gravité de l'infection. Les premiers résultats de ces recherches devraient être publiés prochainement." Dans le New Jersey, où Lien Beckers vit et travaille, le port du masque est aujourd'hui la norme. "Les gens se montrent très stricts, la peur de contracter le virus est vraiment palpable. Tous les restaurants appliquent la distanciation sociale, entrer quelque part sans masque ne se fait pas, nombre de parents n'envoient plus leurs enfants à la crèche et même les étudiants étrangers sont priés de suivre les cours en ligne depuis leur pays. Tous les collaborateurs de l'université - moi y compris - sont testés toutes les semaines." Le covid-19 a aussi paralysé la vie sociale. "Beaucoup de gens ne sont pour ainsi dire plus sortis de chez eux depuis mars. Quand on se voit, c'est dehors et en gardant ses distances. Les Américains s'efforcent d'affronter la pandémie en restant positifs et de suivre les règles au pied de la lettre. En Belgique, tout le monde se plaint que les mesures sont impossibles à respecter ; ici, on fait avec." La chercheuse (installée aux États-Unis au titre de résidente permanente) observe aussi que le personnage de Trump et sa (non-)gestion de la crise ne cessent de générer de nouvelles controverses. "Actuellement, les chiffres du coronavirus sont envoyés directement à la Maison Blanche plutôt qu'aux CDC ou à l'OMS afin d'occulter le décours réel de la pandémie. Trump appelle à ne pas laisser le coronavirus dominer nos vies, alors qu'il y a déjà plus de 200.000 morts. Une situation invraisemblable." "Alors que je ne me suis jamais beaucoup intéressée à la politique belge, ici, j'appréhende vraiment le résultat des élections. Il est peu probable que nous soyons fixés le 3 novembre. Les choses risquent fort de traîner un mois ou plus et on voit que la hantise de la fraude est omniprésente. Les gens ont peur que Trump ne fasse tout pour miner le processus démocratique. Et quand on sait qu'un swing state comme le Wisconsin a radié des listes un certain nombre de candidats-votants (principalement des démocrates, comme par hasard), il y a vraiment de quoi être effaré." "Je remarque tout de même qu'un certain nombre de personnes qui n'étaient pas allées voter en 2016 sont bien décidées à ne pas refaire la même erreur... mais nous sentons aussi que Trump ne reconnaîtra jamais sa défaite, qu'il essaie de tout détourner à son avantage. La grande question sera de voir comment réagiront ses supporters. Ces quatre dernières années, il y a eu un certain nombre d'évolutions complètement incontrôlables et très inquiétantes. Le pays n'a jamais été aussi divisé. Nous avons déjà beaucoup réfléchi à ce que nous allions faire, car je n'aimerais vraiment pas voir mes enfants grandir au pays de Trump." Lien Beckers reconnaît néanmoins qu'elle a trouvé à Princeton et aux États-Unis un environnement international et des opportunités qui n'ont d'équivalent ni en Belgique ni même en Europe. "Espérons donc que la raison et Joe Biden l'emportent..."