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Prescription ou délivrance de ceftriaxone au lieu de céfépime, interversion d'ampoules de chlorure de magnésium et de sulfate de magnésium, confusion entre des dosages différents présentés dans des emballages similaires... Les médicaments Look-Alike (LA) ou Sound-Alike (SA) sont des produits d'apparence ou de consonance semblables qui peuvent susciter la confusion, ce qui en fait des médicaments à haut risque: les incidents où ils sont impliqués comptent parmi les 5 principales erreurs médicamenteuses. En 2018, un groupe de travail multidisciplinaire et inter-institutionnel a été mis sur pied par la Cellule Qualité et Sécurité des Patients du SPF Santé publique dans l'objectif d'identifier les problèmes posés par ces LASA et d'envisager des améliorations. Les associations de pharmaciens hospitaliers (AFPHB, BVZA, VZA) et d'officine (APB, Ophaco), l'AFMPS, Medaxes et pharma.be, les associations de médecins (Absym-Bvas, GBS/VBS), les organisations hospitalières (Zorgnet/Icuro, Unessa), les fédérations d'infirmiers, la PAQS et des organisations de patients (Luss, VPP) y ont participé. "Deux choses nous ont motivés: les médicaments entraînent beaucoup d'erreurs, surtout ceux à haut risque dont les LASA ; ensuite, la Cellule qualité/sécurité travaille depuis longtemps avec les hôpitaux pour qu'ils mettent en place des projets sur la qualité et la sécurité des soins et des patients. Dans le deuxième plan pluriannuel, une thématique concerne les médicaments à haut risque et, en parallèle, les hôpitaux sont dans des démarches d'accréditation où la sécurité des médicaments est un élément très important. Tout cela fait que les hôpitaux ont mis en place des bonnes pratiques pour éviter ce type d'erreur", explique Harun Yaras du SPF Santé Publique. C'est après voir été contacté par l'Association des pharmaciens hospitaliers qui avait fait un constat sur les erreurs de médicaments dans les hôpitaux et qui désirait en discuter avec l'industrie, l'AFMPS et d'autres acteurs, que le SPF Santé publique a décidé de rassembler les différents partenaires pour faire un état des lieux sur cette question. "Nos rencontres ont commencé en juillet 2018. On s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de méconnaissances par rapport à cette problématique chez tous les partenaires: par exemple, les firmes connaissaient certains cas signalés par les hôpitaux mais elles n'avaient pas une vue globale de l'impact de ce problème. Quant à l'AFMPS, elle a rappelé qu'il existait une adresse e-mail (medication-errors@afmps.be) où déclarer ces erreurs, ce qui n'était pas connu par tous les acteurs...", indique Irène Vanden Bremt du SPF Santé publique. "On voulait que les gens qui administrent les médicaments discutent avec ceux qui les produisent, continue Harun Yaras. On s'est rendu compte qu'au niveau des firmes pharmaceutiques, certains ne sont pas conscients de ces problèmes. Comme il y a peu de déclarations d'incidents, quand il y en a un, ils ne s'alarment pas trop, alors qu'en réalité, il peut y en avoir beaucoup. Par conséquent, il ne faut pas attendre qu'il y ait 20 incidents avec le même produit pour agir. Ce qui n'est pas toujours facile pour les firmes parce que cela demande parfois de changer toute une chaîne de production. Aujourd'hui, les firmes sont incitées à anticiper les erreurs possibles". Ainsi, ces échanges d'informations entre les différentes autorités et les prestataires de soins de santé ont notamment conduit à une mise à jour des lignes directrices de l'AFMPS pour l'étiquetage des médicaments et de la directive nationale pour la dénomination des médicaments à usage humain. "L'une des adaptations est l'utilisation d'un lettrage 'Tall man': une partie du nom du médicament est écrite en majuscules, par exemple 'DoPAmine/DoBUTAmine'. Ce graphisme a également été adopté par la Source Authentique des Médicaments (SAM). La différence de police et de taille ou le recours à la différenciation des couleurs attirent également l'attention des utilisateurs. Certaines entreprises pharmaceutiques ont modifié leurs emballages pour réduire le risque d'erreurs". * Au rang des recommandations: améliorer les connaissances et la sensibilisation des prestataires de soins et de l'industrie, inciter les prestataires de soins, les patients et les entreprises pharmaceutiques à signaler les incidents et les erreurs de médication (grâce notamment à l'amélioration de l'interopérabilité des différents systèmes de notification), consolider les points de contact des personnes de référence sur la vigilance en matière de médicaments. On pourrait imaginer que la prescription informatique est un atout dans cette lutte contre les erreurs de médicaments, mais elle est parfois à l'origine de nouvelles erreurs: "Les gens oublient de mettre à jour, par exemple quand il faut changer la dose, ils se trompent de ligne.... Si les maisons de software adaptent leurs programmes en tenant compte de ces erreurs, cela devrait s'améliorer (insertion de pictogrammes pour attirer l'attention sur les médicaments à haut risque, Tall Man letters...)", estime Harun Yaras. "La notification de ces erreurs fait donc l'objet d'une attention accrue, ajoute Irène Vanden Bremt. L'AFMPS a également pris conscience qu'il faut plus sensibiliser pour inciter à notifier les incidents et les effets secondaires". "L'idée était vraiment de sensibiliser tous les acteurs de la chaîne du médicament et, finalement, les actions à mettre en place concernaient surtout la communication", résume Harun Yaras. Des actions sont encore prévues sur ce plan, à l'instar de l'article paru dans le magazine Becare qui résume le projet, et une réunion de suivi est planifiée, elle devrait se tenir avant l'été prochain. "Tout les partenaires s'étaient engagés pour sensibiliser leurs membres sur la question des médicaments LASA. La crise du coronavirus nous a empêchés de faire l'état des lieux, mais cela reste un sujet d'actualité".