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"Pour la FIP, la vaccination est LA priorité! " C'est ce qu'a expliqué Dominique Jordan, le président de la Fédération internationale pharmaceutique, lors d'une conférence virtuelle sur la vaccination contre la grippe en période de Covid-19 et plus spécifiquement sur les bonnes pratiques en pays francophones. C'est notre compatriote, Lieven Zwaenepoel, président de l'APB, qui a modéré cette réunion à laquelle ont également pris part Prosper Hiag (Forum pharmaceutique africain, Cameroun), Alain Delgutte (Ordre des pharmaciens, France), Bertrand Bolduc (Ordre des pharmaciens du Québec) et Claudine Leuthold (pharmaSuisse). La FIP s'est en effet lancée dans une grande croisade pour faire la promotion du rôle que peuvent jouer les pharmaciens dans les programmes de vaccination. Elle a ainsi lancé un programme de conférences digitales, Transforming Vaccination, qui, de septembre à décembre, explore les expériences menées aux quatre coins du globe pour arriver à faire du pharmacien un acteur de la vaccination à part entière. À quoi peut ressembler un monde sans vaccin? La pandémie du Covid-19 nous en fait le tableau, constate Dominique Jordan: " Des centaines de milliers de morts, des millions de malades, des millions de jeunes qui ne peuvent pas aller à l'école et ni voir leurs amis, des millions d'emplois perdus, des millions de personnes entraînées dans la pauvreté et une perte sans précédent de prospérité économique dans le monde entier ". " Cette pandémie a montré à quel point le monde est vulnérable aux nouveaux agents infectieux et aux épidémies. Elle nous a également appris combien il est important de se préparer aux futures pandémies. Selon l'OMS, les vaccins constituent l'une des interventions de santé publique les plus efficaces, après l'eau potable. L'amélioration de la couverture vaccinale est un impératif social, éthique et sanitaire ". Désormais, la vaccination en pharmacie est présente dans au moins 36 pays et 16 autres envisagent des modifications législatives pour l'introduire dans un avenir proche. " Ces résultats sont très encourageants et j'invite les organisation membres des pays où cela n'est pas encore possible à collaborer avec la FIP pour réaliser cette importante extension de notre champ d'action ", conclut-il. Au Canada, les pharmaciens peuvent vacciner dans toutes les provinces mais, au Québec, c'est la première année qu'ils y sont autorisés: " Le changement législatif a eu lieu en mars dernier. 25% des pharmaciens ont suivi la formation et peuvent administrer le vaccin contre la grippe et tout autre vaccin chez les plus de 6 ans. Ils sont aussi prescripteurs du vaccin et participent à la prise en charge du statut vaccinal du patient, en collaboration avec les autres professionnels de santé ", précise Bertrand Bolduc. En raison du Covid, le gouvernement autorise un honoraire supplémentaire pour couvrir les frais d'équipements de protection individuelle, le nettoyage et le temps supplémentaire: " On arrive à un honoraire relativement intéressant pour les pharmaciens de 11,50$ pour la vaccination + 5$ pour ces frais additionnels. On s'attend à ce que presque 100% des pharmacies participent parce que les pharmaciens et les infirmières peuvent vacciner en pharmacie. A l'avenir, d'autres professionnels de santé comme les dentistes pourraient également y être autorisés parce que le principe de santé publique c'est: 'si un bras passe devant vous, vaccinez-le! ' Toutes les opportunités de vacciner doivent être utilisées ". " En Suisse, l'histoire de la vaccination est un succès, se réjouit Claudine Leuthold. Quand on a commencé à envisager la vaccination en pharmacie en 2009, on nous a dit 'jamais! '. En 2011, la stratégie adoptée par pharmaSuisse a été de mettre en place un 'certificat de formation continue de vaccination et de prélèvement sanguin' (formation de 5 jours). Les premières formations ont eu lieu en 2012, mais c'est seulement en 2015 que la loi a levé l'interdiction de la vaccination par les pharmaciens. À l'heure actuelle, presque tous les cantons (sauf trois) l'autorisent, dont un uniquement sur ordonnance, et la formation fait partie du cursus universitaire ". 38% des pharmaciens ont la certification et 900 pharmacies proposent la vaccination, soit la moitié des officines suisses. En 2019, elles ont réalisé 33.000 vaccinations contre la grippe et 38.000 contre la méningo-encéphalite à tiques (FSME). La formation certifiée, validée par la commission fédérale vaccination et donnée par des médecins experts, est l'un des éléments qui ont permis de contrer les oppositions des médecins et infirmiers, à côté du choix du groupe cible des adultes (>16 ans et <65 ans) en bonne santé, de l'utilisation des carnets de vaccination électroniques et d'un questionnaire de triage pour exclure les personnes à risque. " Maintenant, c'est parfaitement admis et beaucoup de médecins envoient des patients en pharmacie pour se faire vacciner. Depuis trois ans, les pharmaciens participent à la journée nationale de vaccination contre la grippe et leur rôle est reconnu dans la stratégie nationale de vaccination ". La France vaccine en pharmacie depuis deux ans. " On s'est inspiré des autres pays, notamment de la Suisse, en commençant par une phase d'expérimentation pour éviter ces problèmes de conflit entre professions. Elle était prévue pour trois années: d'abord dans deux régions, puis dans quatre mais, devant le succès, on a ensuite décidé de généraliser la vaccination pour les plus de 65 ans, les malades chroniques et les femmes enceintes, dans toute la France ", souligne Alain Delgutte. " La première clé du succès est cette phase d'expérimentation, la deuxième, c'est la qualité c'est-à-dire qu'on a une formation continue obligatoire avec l'apprentissage du geste et une série d'impératifs comme la traçabilité (inscription dans le dossier médical...), un local séparé, des conditions d'hygiène... Mais, la réussite vient de la proximité avec les patients: accessibilité sans rendez-vous, large plage horaire, confiance dans leur pharmacien (2e après les pompiers! )... " " On a aussi fait appel aux pharmaciens parce qu'on avait un vrai problème de santé publique en France avec une perte de 10 points de vaccination en 7 ans. Maintenant, les sages-femmes peuvent aussi vacciner sans prescription et on est en train d'étudier la possibilité qu'une sage-femme, un médecin, une infirmière puisse avoir chez eux un petit stock de vaccins achetés chez le pharmacien. C'est l'interprofessionnalité, travailler 'en complément de' et pas 'à la place de' ".