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A l'occasion de la journée internationale des femmes et filles de sciences initiée par l'Unesco et l'ONU en 2015, l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (Ares) a remis ses Prix "Genre & Covid-19".(1) Le Comité Femmes et Sciences désire ainsi soutenir et valoriser les chercheurs(ses) qui travaillent sur la pandémie du Covid-19 en y intégrant les questions de genre et de l'égalité des sexes. Parmi les travaux récompensés, celui de Maud Deny (laboratoire de pédiatrie, ULB) sur le "Rôle potentiel des micro ARNs liés au chromosome X dans le dimorphisme sexuel du Sars-CoV-2" (Pr Mustapha Chamekh, promoteur, et Pr Georges Casimir, copromoteur). "Bien qu'on n'observe pas de différence entre les sexes dans la proportion de personnes positives au Covid-19, des études ont montré que les hommes présentent cependant une morbidité et une mortalité plus élevées que les femmes, précise-t-elle. Une métanalyse (2) sur plus de 3 millions de patients a montré que les hommes atteints de Covid-19 ont presque 3 fois plus de risque de complications et d'être admis en SI". Les symptômes sévères observés chez les patients atteints de Covid-19 semblent être liés non pas à la dose virale mais à une réponse inflammatoire excessive. "Une étude (3) a montré qu'on observait généralement des taux de cytokines plasmatiques plus élevés chez les hommes atteints de Covid-19, alors que les femmes semblaient présenter une réponse cellulaire protectrice plus forte et plus durable que les hommes. La réponse cellulaire est une réponse de l'immunité adaptative plus spécifique et plus tardive qui permet d'une part, d'éliminer le pathogène et les cellules infectées de manière efficace, et d'autre part, d'atténuer l'inflammation une fois que le pathogène est éliminé". Depuis quelques années, on sait que les hommes présentent une morbidité et une mortalité plus importantes dans la majorité des infections (virales, bactériennes, fongiques ou parasitaires) et lors d'une inflammation aiguë (trauma, brûlure...), alors que les femmes sont plus touchées par les maladies inflammatoires chroniques (asthme, mucoviscidose...) et les maladies auto-immunes. En revanche, on ne sait pas pourquoi ce dimorphisme sexuel existe. "C'est complexe et multifactoriel, constate Maud Deny. Actuellement, 2 types de facteurs comportementaux (différences sociétales) et biologiques, dont les hormones sexuelles, sont mis en avant. Cependant, des études pédiatriques ont montré qu'on retrouvait ce même dimorphisme sexuel chez des enfants non pubères... C'est pourquoi nous nous intéressons à un autre facteur, l'architecture génétique liée au sexe: pour éviter un déséquilibre d'expression génique entre les sexes, un des 2 chromosomes X est naturellement inactivé chez les femmes. Néanmoins, des études ont montré que des gènes (+/-15%) pouvaient échapper à cette inactivation et être surexprimés dans la gent féminine". Plusieurs gènes liés au chromosome X sont impliqués dans les réponses immunitaires et inflammatoires et, notamment celui codant pour le TLR7 essentiel pour la protection contre le coronavirus. "De plus, le chromosome X est enrichi en microARNs. Il s'agit de petits ARN non codants qui sont capables de réguler l'expression d'un gène par appariement complémentaire avec l'ARNm. Cet appariement va entraîner soit la répression de la traduction de l'ARNm en protéine, soit la dégradation de l'ARNm lui-même. Ainsi, les miARNs vont réguler de nombreux processus biologiques dont les réponses immunitaires et inflammatoires", explique-t-elle. Quel rôle joue les micro-ARNs dans le dimorphisme sexuel de la réponse inflammatoire dans le Covid-19? "Nous émettons l'hypothèse que les miARNs, principalement ceux liés au chromosome X, pourraient jouer un rôle dans la régulation différentielle des réponses immunitaires entre les sexes lors d'une infection au SARS-CoV-2. Pour la vérifier, nous comparons les profils d'expression des miARNs entre les hommes et les femmes atteints du Covid-19 et nous observons les différences dans les réponses cliniques et inflammatoires". Pour Maud Deny, cette étude contribuera à définir de nouveaux marqueurs biologiques pour le pronostic des patients atteints du Covid-19 et à optimiser la surveillance clinique fondée sur le sexe. "Sans oublier l'intérêt croissant pour l'utilisation thérapeutique des miARNs", conclut-elle.